Dans l’esprit des professionnels immobiliers, la formation est surtout technique, au sens large : le droit civil, la fiscalité, les techniques financières, la pathologie du bâtiment, l’urbanisme… Bien accomplir sa mission parce qu’on a la compétence fondamentale est sans nul doute la pierre d’angle de l’éthique professionnelle. Pour autant, les enseignements techniques et les compétences qui en découlent ne suffisent plus.
D’une part, la relation avec le client est conditionnée par d’autres ressorts, de l’ordre de la psychologie ; d’autre part, le client attend désormais un supplément d’âme éthique. S’agissant de l’impératif de maîtriser les éléments comportementaux, en particulier pour savoir réagir à des situations de crise, il a conduit les écoles et les sociétés spécialisées dans la formation continue à proposer des enseignements ad hoc. Qu’en est-il de l’éthique ? L’éthique professionnelle dans l’immobilier mérite- t-elle une formation ? Et même, peut-on se former à l’éthique ?
Ethique et morale
Qu’est-ce que l’éthique, ce mot entré dans le registre des entreprises il y a une vingtaine d’années ? On était familier de la morale. L’éthique, sans remplacer la morale, l’a en quelque sorte rendue pratique. Ainsi, respecter le client en soi, comme une personne, est un impératif catégorique, mais comprendre ce que cela modifie dans les pratiques commerciales est autre chose ! Alors, partant de cette définition de base, peut-on dire que l’éthique est innée, ou doit-on s’y former ? Non, l’éthique n’est pas innée, simplement parce qu’aucun comportement humain ne l’est. Tout se construit avec l’éducation. Ainsi, je ne crois pas qu’il y ait par nature des agents immobiliers ou des promoteurs intègres et d’autres qui ne le seraient pas. D’une part, l’immobilier favorise des comportements déviants par rapport aux codes éthiques, dès lors que le maniement d’enjeux financiers importants crée des tentations.
D’autre part, la période est à l’affadissement des règles du jeu. Les jeunes notamment – et les moins jeunes aussi – n’ont souvent même pas la conscience de transgresser puisqu’ils ignorent les codes éthiques. Voilà pourquoi les enseignements et les formations à l’éthique des affaires ont vu le jour.
Ethique et réussite
Mais, au fond, peut-on enfreindre l’éthique et réussir ? Non, d’abord parce que le public exige bien plus que le respect des obligations légales, surtout dans les secteurs à forts enjeux comme l’immobilier ou la santé. Ensuite, parce qu’on ne peut durer dans l’immobilier qu’au prix d’une réputation sûre. Alors en quoi consistent les enseignements éthiques dans l’immobilier ?
Simplement dans l’anticipation de situations dans lesquelles le professionnel, sur fond de respect de la réglementation, aura le choix entre deux comportements, celui qui l’avantage directement et celui qui favorise l’intérêt du client, non seulement ici et maintenant, mais également sur le long terme. Des exemples ? On a fait le procès de la défiscalisation. De quoi parlait-on ? De promoteurs qui vendaient des logements acquis selon un régime fiscal d’exception en promettant des rendements locatifs qui se révélaient très vite utopiques. Si le promoteur, et éventuellement le gestionnaire, savaient que les niveaux de loyer annoncés ne pourraient être maintenus durablement, ils ont manqué à l’éthique commerciale, même s’ils n’ont pas directement malmené la réglementation. Une seconde illustration : un agent immobilier n’informe pas un acquéreur de nuisances attachées à un bien, au motif qu’elles sont épisodiques. Il est évident qu’il porte atteinte à l’éthique.
Ethique et réglementation
On observe d’ailleurs que la réglementation elle-même incline à aller loin dans le respect du client. Dans les deux situations ci-dessus, le juge pourrait estimer que la loi elle-même a été tournée. Et les professionnels, à force de n’avoir pas assez mis l’éthique au coeur de leurs préoccupations, courent le risque de voir la réglementation encadrant leurs activités renforcée. Un projet de loi est sur le point d’être présenté au Conseil des ministres, qui propose la création d’un « conseil de l’entremise et de la gestion immobilières », avec un code de déontologie et d’éthique national, le renforcement des sanctions en cas de manquement aux lois et à ce code de bonne conduite, la constitution de commissions régionales de discipline et des exigences accentuées quant à la transparence financière. Se former à l’éthique, y former ses collaborateurs, c’est servir des principes, certes, mais c’est aussi oeuvrer à la réussite durable de son commerce et garder une avance sur tous ceux qui pensent que les droits et obligations récapitulent ce qu’un professionnel doit faire. C’est aussi éviter que la législation ne réduise toujours plus les marges de manœuvre.
Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.
Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.
Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.