La loi Macron du 6 août 2015 assouplit l’information obligatoire des salariés de PME préalablement à la cession de leur entreprise. Le décryptage de Caroline Dubuis-Talayrach, Avocat en droit des affaires et immobilier
Chaque année, des patrons ferment leur entreprise, bien que celle-ci soit viable, car ils ne trouvent pas d’acquéreur et des milliers d’emplois seraient détruits (de 100 000 à 200 000 par an, selon une étude d’impact).
Aussi, avec la loi dite Hamon du 31 Juillet 2014, le gouvernement a souhaité encourager la reprise d’entreprise par leurs salariés.
Petit rappel du cadre fixé par la loi Hamon et des nouveautés de la loi Macron.
Droit d’information des salariés : le cadre légal de la loi Hamon
Les salariés des PME bénéficient, d’un double droit d’information :
– une information générale et au moins triennale sur le rachat d’entreprise (art 18 Loi 2014-856 du 31 Juillet 2014 dite loi Hamon) , dont le contenu et les modalités seront définis par décret ;
– une information spéciale, préalable et individuelle en cas de cession de fonds de commerce ou de titres par un associé représentant plus de 50 % du capital.
S’agissant de l’information spéciale préalable :
– dans les PME n’ayant pas de comité d’entreprise, les salariés doivent être informés individuellement et au plus tard deux mois avant la cession ;
– dans les PME ayant un comité d’entreprise, l’information doit être faite au plus tard lors de la consultation dudit comité.
Ce droit d’information est destiné à favoriser la présentation par les salariés d’une offre de rachat. Il existe différentes modalités d’information (réunion, affichage, lettre recommandée) qui doivent permettre de justifier de la date de réception de l’information par le salarié. Aucune cession ne peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois, sauf si chaque salarié a renoncé à formuler une offre d’achat.
A noter que le cédant et/ou l’entreprise n’ont l’obligation que d’informer les salariés de leur volonté de céder et du fait qu’ils peuvent présenter une offre d’achat. Il ne s’agit en aucun cas d’un droit de préemption, ni même de préférence.
« Le cédant est totalement libre de choisir s’il souhaite ou non entrer en négociation avec un ou plusieurs salariés. Il n’a aucune obligation de transmettre des informations ou des documents relatifs à l’entreprise, sa stratégie ou sa comptabilité, aux salariés ayant fait connaître leur intérêt pour l’achat des éléments dont la cession est envisagée, s’il ne souhaite pas entrer en négociation avec eux. Le cédant n’a aucune obligation à l’égard d’une offre présentée par les salarié s (qui ne revêt pas de caractère prioritaire) : le refus du cédant d’étudier ou d’accepter une offre n’a pas à être motivé . Le cédant peut ne pas répondre s’il le souhaite. » (extrait du guide pratique « Droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise » disponible sur www.economie.gouv.fr.).
Dans ce contexte on voit mal comment un salarié pourrait faire une offre sérieuse dans le cadre de ce nouveau dispositif, ni d’ailleurs pourquoi il la ferait…En outre, on peut s’interroger sur le financement. Quelle banque va financer en 2 mois un rachat d’entreprise sans aucun document ? Comprends qui pourra… Bien qu’il s’agisse d’un simple droit d’information, son non respect est très lourdement sanctionné puisque c’est la nullité de la cession qui est encourue.
Heureusement, le législateur a quand même pris le soin de veiller à ce que les transmissions familiales soient exclues du droit d’information des salariés (ascendant, descendant, conjoint), de mêmes que les opérations concernant des entreprises en procédure de conciliation, sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Néanmoins le texte a suscité de très vives réactions compte tenu d’une part du champ d’application large de la loi Hamon qui concerne outre les ventes stricto sensu, les apports, les échanges et les donations et d’autre part compte tenu de la lourdeur de la sanction (la nullité) et de l’incertitude juridique qui en découle.
Pour parfaire le tout, le Conseil Constitutionnel dans une décision du 15 Juillet 2015 a déclaré inconstitutionnelle la nullité comme sanction du non respect du droit d’information des salariés pour une cession de titres. A n’en pas douter sa décision aurait était identique s’il avait été saisi de la même question pour une cession de fonds de commerce.
Les allègements de la loi Macron
– Les PME qui souhaitent vendre leur fonds de commerce ou un associé qui désire céder une participation de plus de 50 % doivent en informer au préalable les salariés.
– Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende civile d’un montant maximum de 2 % du prix de vente (à compter de l’entrée en vigueur de la loi Macron).
– Les ventes familiales ou portant sur des entreprises en difficulté restent libres.
Pour toutes ces raisons, les mesures d’allègement de la loi Macron, bien qu’elles ne règlent pas tous les problèmes techniques posés par la loi Hamon, sont les bienvenues. Elles simplifient et sécurisent la mise en oeuvre du droit d’information sur quatre points.
Le périmètre
Le droit d’information ne concerne désormais que les opérations de vente stricto sensu. Les autres opérations de donation, apport, échange, ne sont plus concernées.
La notification de l’information
Lorsque la notification de l’information est faite par lettre recommandée, c’est désormais la première présentation qui fait foi et non plus la remise à son destinataire.
La modification de la sanction
La sanction du non respect de l’obligation ne sera plus la nullité de la cession, mais une amende civile qui peut être prononcée par le juge à la demande de tout salarié et dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente.
Une nouvelle exception
Désormais, l’information individuelle et préalable n’a plus a être faite « si au cours des douze mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information» dans le cadre de l’information générale triennale précitée. (article 18 de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014). A noter que cette information générale est étendue « sur les orientations générales de l’entreprise relatives à la détention de son capital, notamment sur le contexte et les conditions d’une cession de celle-ci, et le cas échéant, sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel. »
Ces nouvelles dispositions rentreront en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 6 février 2016.
Ce qu’il faut retenir
Selon le contexte existant dans l’entreprise, il peut être opportun de ne pas attendre « le dernier moment», c’est à dire le compromis, pour purger le droit d’information des salariés. En effet, l’information est valablement donnée pour un ou deux ans selon la procédure choisie et l’anticipation permet de simplifier les négociations et d’éviter d’allonger les délais de vente. C’est en tout cas une réflexion à mener en amont avec votre conseil.
Caroline Dubuis Talayrach
Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de :
- Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic
- Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux
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Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre
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