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« L’activité du marché locatif se ressaisit, les loyers ont reculé de -1,4% depuis le début de l’année », Michel Mouillart, Professeur d’Economie à l’Université Paris Ouest, FRICS
Depuis le début de l’année, les loyers baissent dans 84,6% des villes de plus de 100 000 habitants, une proportion jamais observée même en 2009… Michel Mouillart, directeur scientifique de Clameur -Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux, analyse les résultats de la dernière étude de conjoncture du marché locatif privé à fin août 2015.
La reprise du marché locatif privé
Depuis le début de l’année 2015, la reprise d’activité du marché locatif privé se renforce. Alors que normalement durant l’hiver le marché se replie, la mobilité résidentielle des locataires du secteur privé n’a pas fléchi cette année. Et avec le retour du printemps, la reprise s’est accélérée. En outre, les mois d’été ont été remarquables : la mobilité s’établit ainsi à 29.5 %, nettement au-dessus de sa moyenne de longue période.
Le rebond de l’activité constaté depuis l’été 2014 permet à l’offre locative privée nouvelle (présentée chaque année sur le marché) de se redresser dans la quasi-totalité des régions et de retrouver un niveau comparable à celui qui était le sien durant les années 2006-2007, lorsque le marché bénéficiait encore d’une bonne fluidité, juste avant le déclenchement de la grande dépression.
Il est alors remarquable de constater que les évolutions de la mobilité ne peuvent s’expliquer par des niveaux de loyers qui contrarieraient la demande ou au contraire l’encourageraient à se réaliser : par exemple, l’activité se contracte toujours sur des territoires où les loyers sont parmi les moins élevés (dans le Limousin, par exemple) alors qu’elle se redresse sur d’autres où les loyers sont parmi les plus élevés (dans le Languedoc Roussillon ou en PACA).
Mais au-delà des tendances à la reprise du marché locatif privé qui se dessine dans la plupart des régions, le risque d’une crise quantitative sévère de l’offre locative privée se renforce dans des villes où les déséquilibres des marchés sont déjà prononcés (Lille ou Paris, notamment), du fait de l’insuffisance de la construction privée constatée depuis de nombreuses années. C’est une situation de blocage du marché comparable à celle qui s’était observée durant les années du « désengagement des propriétaires bailleurs », alors que dans ces villes la mise en œuvre de l’encadrement des loyers risque de conduire les propriétaires bailleurs dont les recettes locatives vont fortement baisser à restructurer leur patrimoine en défaveur des placements immobiliers.
Le recul des loyers de marché
Suivant son profil saisonnier, le rythme de la hausse des loyers de marché ralentit habituellement durant l’automne. Et comme les mois d’hiver ne sont généralement pas ceux durant lesquels la demande est la plus dynamique, il est courant de constater que les loyers baissent en début d’année.
Ainsi au début de l’année 2015, et en dépit d’un redressement de la mobilité résidentielle qui avait pu surprendre, les loyers de marché ont baissé : mais le recul a été rapide cette année (- 0.9 % à fin février, en glissement annuel), à un rythme comparable à celui observé en 2013 à la même époque.
Après un début d’année morose, le rythme de la hausse des loyers s’accélère normalement avec l’arrivée du printemps et les mois d’été confirment la tendance. Mais cette année, la baisse des loyers de marché s’est amplifiée avec le printemps et aucun signe d’inflexion de cette tendance récessive ne s’est constaté durant l’été : la diminution des loyers de marché mesurée à fin août est rapide, avec – 1.4 % sur les huit premiers mois de l’année, en glissement annuel.
Et globalement, sur un marché locatif privé dont l’activité se ressaisit, les loyers de marché reculent dans 55.4 % des villes de plus de 10 000 habitants : en 2014, à la même époque, cette proportion était de 37.5 % ! C’est la situation la plus dégradée que CLAMEUR a eu à observer depuis 1998 : même au plus profond de la grande dépression, en 2009, une telle proportion de villes connaissant des baisses de loyers n’avait pas été observée.
Par exemple, les loyers baissent depuis le début de l’année 2015 dans 84.6 % des villes de plus de 100 000 habitants :
les loyers baissent depuis le début de l’année 2015 à Amiens, Angers, Besançon, Caen, Le Havre, Lille, Limoges, Marseille, Mulhouse, Nîmes, Perpignan, Rouen ou Saint Etienne. Dans ces villes, le marché locatif privé est toujours en panne ou n’est pas encore suffisamment reparti et depuis 2011, les loyers de marché reculent (même si parfois des périodes de légère hausse viennent rompre la tendance récessive). En outre, l’évolution des loyers constatée depuis 2006 reste très en deçà de l’inflation dans ces villes : exception faite de Lille où le mouvement de ralentissement puis de baisse des loyers de marché ne s’est amorcé qu’au début des années 2010 ;
les loyers baissent aussi sur Boulogne Billancourt, Clermont Ferrand, Dijon, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nancy, Orléans, Rennes, Saint Denis, Strasbourg, Toulon ou Et dans ces villes, les loyers ont augmenté moins vite que l’inflation depuis 2011. Dans la plupart de ces villes, la progression des loyers constatée depuis 2006 reste aussi en deçà de l’inflation : sauf sur Boulogne Billancourt, Lyon et Villeurbanne ;
en revanche, si les loyers diminuent aussi depuis le début de l’année 2015 sur Aix en Provence, Argenteuil, Metz, Nantes, Nice, Paris et Toulouse, ils ont en général progressé un peu plus vite que l’inflation, depuis 2006 ou depuis 2011, d’ailleurs.