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« La météo des taux des crédits immobiliers est au beau fixe! », Michel Mouillart, Professeur d’Economie à Paris Ouest, FRICS
Michel Mouillart, Professeur d’Economie à l’Université de Paris Ouest revient sur la crise grecque et l’évolution récente des taux d’intérêt. Et écarte toute remontée significative des taux des crédits immobiliers d’ici la fin de l’année.
Journal de l’Agence : Comment se sont comportés les taux des crédits immobiliers au cours des derniers mois ?
Michel Mouillart : En juillet, les taux se sont établis à 2.06 % en moyenne d’après l’Observatoire Crédit Logement/CSA. La hausse constatée en juillet (5 points de base, en moyenne) n’a cependant pas été comparable sur tous les marchés : par exemple, alors que pour l’accession dans le neuf les taux sont restés stables, à 2.10 %, ils ont pris 5 points pour l’accession dans l’ancien, à 2.09 %.
Mais derrière cette évolution modérée, on observe un effet de structure de la production : la primo accession à la propriété poursuit son redressement et le retour des jeunes acheteurs se renforce, surtout dans l’ancien. Or tous ces emprunteurs recourent à des prêts plus longs que la moyenne et supportent de ce fait des taux plus élevés : entre un prêt à 15 ans et un prêt pour la primo accession à 25 ans, il y a de l’ordre de 65 point de base en moyenne.
Donc la hausse des taux constatée s’explique principalement par la déformation de la structure de la production au bénéfice des durées les plus longues : la part de la production à plus de 20 ans s’est établie à 54.3 % en juillet 2015 contre 46.6 % il y a un an.
Journal de l’Agence : Comment peut-on expliquer cette hausse modérée des taux, alors que la crise grecque a provoqué une remontée rapide des taux de l’OAT ?
Michel Mouillart: Tout d’abord, dans leur grande majorité, les établissements de crédits ne refinancent qu’une petite part de leur production sur des ressources obligataires, de l’ordre de 15 % : mais l’essentiel de leur production est refinancée sur les ressources d’épargne que les ménages leur confient. L’impact de la remontée des taux de l’OAT ne pouvait donc qu’être limité : et il n’est pas immédiat, il intervient généralement dans un délai de 2 voire 3 mois.
Aussi, très rares étaient les établissements qui début juillet avaient révisé leurs barèmes de taux. Et ils n’ont pas forcément eu tort : d’abord cela est lourd et long pour la plupart d’entre eux ; ensuite, le mois de juillet est un très bon mois pour la production de crédit, il ne faut donc pas le « gâcher », les changements de barème intervenant plus volontiers d’août à septembre, avant le rebond de l’activité de la fin d’automne ; enfin, les taux de l’OAT ont commencé à reculer dès la mi-juillet, lorsque la crise grecque a commencé à se dénouer. Le taux de l’OAT à 10 ans qui était monté autour de 1.30 % fin juin-début juillet est redescendu un peu en dessous de 1 % fin juillet.
Il faut rappeler que si la crise grecque a rajouté de l’instabilité dans un climat qui était déjà anxiogène, elle n’a pas déstabilisé pour autant un système bancaire français que la BCE reconnaît comme particulièrement solide.
Journal de l’Agence : Et peut-on parler de l’évolution des taux des crédits dans les prochains mois ?
Michel Mouillart: Les principales prévisions concernant le taux de l’OAT à 10 ans tablent sur sa stabilité d’ici fin 2015 (et même d’ici fin 2016, d’après la Banque de France). Comme elles ont été réalisées fin juin, avant son repli, le taux de l’OAT attendu pour les prochains mois reste à 1.20 %.
Dans ce contexte, alors que les taux de rémunération des ressources d’épargne courte ont été abaissés à compter du 1er août, les taux des crédits, ne devraient que faiblement remonter, pour s’établir entre 2.20 % et 2.25 % d’ici décembre. Voire autour de 2.15 % si la détente des marchés obligataires constatée depuis la mi-juillet se confirmait.
Au-delà, en 2016, les taux ne prendraient qu’une dizaine de points supplémentaires. Tout dépendra en fait de la décision que le Comité de Bâle prendra à la suite de la consultation qu’il a lancé au niveau international sur les risques de taux portés dans les bilans des banques. Et là, pour le moment, c’est encore l’inconnu.
Journal de l’Agence : Alors, finalement rien ne semble pouvoir assombrir la reprise des marchés immobiliers ?
Michel Mouillart: Pas à l’horizon du printemps ou de l’été 2016, sans aucun doute.