Alors que le marché de l’immobilier se relève timidement, il doit aujourd’hui faire face à une nouvelle et énième loi. Dans sa ligne de mire : les loyers parisiens qui ne cessent d’augmenter depuis près de 10 ans (+42 %). Pour y remédier, le gouvernement va mettre en place le 1er août prochain un dispositif expérimental visant à les encadrer, et ce malgré une baisse naturelle depuis peu. Si l’on se réfère au passé, cette initiative a déjà été testée par 2 fois (1914 et 1982), sans jamais produire de résultats satisfaisants. Pourquoi donc insister ? L’enjeu actuel ne devrait pas être le prix mais bel et bien la construction pour éradiquer définitivement le problème de pénurie de logement de la capitale.
Les locataires : les « faux-bénéficiaires » du dispositif
Si au premier abord les locataires sont enthousiastes, 75 % des Français étant favorables à l’encadrement des loyers[1], ils pourraient rapidement changer d’avis.
934 € par mois pour 53 m², soit 17,6 €/m2 : c’est le loyer moyen à Paris en 2013[2]. Un prix relativement élevé qui sous-entend un certain niveau de vie et de revenus. Dès lors, les foyers les plus défavorisés peinent à se loger au cœur de la capitale et privilégient alors la banlieue. L’encadrement des loyers qui prendra effet uniquement sur le territoire parisien ne concernera donc que les habitants issus de cet espace et devrait alors être majoritairement profitable aux plus aisés. Les locations seront moins rentables et pousseront les investisseurs à fuir. Il en va de même pour les petits loyers qui devront s’aligner au loyer médian et par conséquent seront voués à augmenter (sans dépasser une hausse maximale de 20 %, instituée par la loi ALUR). Les alternatives attractives et « bon plans » pour se loger vont donc disparaître et la crise du logement s’intensifiera.
Ce dispositif en l’état doit encore être ajusté. Les critères de conformité d’un logement au loyer de référence sont encore nébuleux. Il n’est en effet pas logique qu’un appartement propre, confortable, bien isolé, etc. soit proposé au même tarif qu’un logement mal entretenu. N’oublions pas que le prix est un indicateur rationnel pour l’acheteur/locataire qui, dans le cadre de toutes transactions, écoutera en priorité son ressenti et sa sensibilité face au bien.
Les propriétaires : des investisseurs sur la touche ?
Avec cette volonté de régulariser le marché de l’immobilier, les propriétaires privilégieront la vente à la location. Un désastre dans un pays comme la France où l’investissement dans la pierre est perçu comme un rêve pour 70 % des individus[3]. Sans maîtrise des coûts ces acquéreurs n’ont plus de visibilité et perdront confiance quant aux bénéfices de leur investissement : à l’exemple de l’Allemagne qui affiche seulement 44 % de propriétaires[4].
L’encadrement des loyers est un signal néfaste qui leur est envoyé et va à l’encontre des économies de marché actuelles. Qui plus est, le gouvernement prend le risque que les particuliers désireux d’acheter se détournent de la capitale pour investir ailleurs, en France ou même à l’étranger. Avec pour principale conséquence de réduire encore le développement du parc immobilier parisien qui peine déjà à loger l’ensemble de ses habitants. N’oublions pas également que le digital multiplie les opportunités et qu’aujourd’hui de nouvelles tendances émergent : plus de baux avec la sous-location ou location on-line. Les particuliers échangent, prêtent ou louent leur logement sans rien déclarer. Une mouvance qui pourrait se répandre et amener les propriétaires à revoir leur façon de faire.
L’expérience de l’étranger à capitaliser
L’encadrement des loyers s’inspire très clairement du modèle allemand mis en place depuis 1973. A l’inverse de Paris où les loyers sont quasi-inabordables, le Haut-Rhin aujourd’hui ne profite toujours pas d’une baisse significative des loyers. Ils ont bien au contraire tendance à augmenter. La Suède quant à elle qui ne décide pas de leurs montants, utilise un dispositif trop rigide qui bloque son marché immobilier. Les loyers sont certes à la baisse mais les délais d’attentes extrêmement longs démotivent les candidats à la location. La sous-location ou la location non-réglementée s’enracinent alors. Pour finir, la Suisse semble être l’exemple à suivre. Toute hausse de loyer doit obligatoirement être justifiée et toujours dans le but d’apporter une vraie plus-value au logement.
[1] Sondage OpinionWay pour le réseau d’agences immobilières Orpi, juin 2015
[2] Enquête : évolution en 2013 des loyers d’habitation du secteur locatif privé dans l’agglomération parisienne, Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne (OLAP), juillet 2014
[3] Enquête CSA pour le réseau immobilier Guy Hoquet, avril 2014
[4] “Households and their finances” – Results of a panel study on the portfolio structure and the distribution of wealth in Germany, mars 2013