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« La reprise est bien là ! », Michel Mouillart, Professeur d’Economie à l’Université de Paris Ouest, FRICS

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L’année 2015 a bien démarré. Les achats de logements anciens se redressent.

photo : Michel Mouillart, Professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest

Les achats de logements anciens se redressent depuis la fin de l’été 2014. Et avec le retour du printemps, la reprise connait une accélération remarquable, bien au-delà du regain saisonnier qui chaque année redonne des couleurs à un marché endormi par l’hiver.

L’année 2015 a donc très bien commencé et sauf accident de parcours, une crise venue d’ailleurs comme en 2008, elle devrait mieux finir encore. L’amélioration des conditions de crédit explique cela, avec des taux d’intérêt descendus à des niveaux jamais observés par le passé. Et progressivement, avec le renforcement de la reprise économique, le moral des ménages s’améliorent.

Les moteurs de la reprise

En mai 2015, les taux des prêts du secteur concurrentiel se sont établis à 2.01 %, en moyenne (hors assurance et coût des sûretés), descendant même à 1.99 % pour l’accession dans l’ancien. Et depuis le début de l’année, les durées des prêts accordés se maintiennent à haut niveau (221 mois en moyenne), après s’être allongées de l’ordre de 10 mois, en 2014.

En outre, depuis l’été dernier, les établissements de crédit ont assoupli les conditions d’octroi des prêts : cela se traduit, par exemple, par une réduction sensible des taux d’apport personnel exigés. Ainsi, comme l’Observatoire Crédit Logement/CSA le vérifie, toutes ces évolutions permettent maintenant à des ménages jeunes ou modestes de revenir sur le marché de l’accession, avec des durées longues et sans que cela ne les pénalise : la vitalité retrouvée des flux de la primo accession en témoigne.

Toutes ces évolutions se sont traduites par une amélioration marquée du pouvoir d’achat-logement des ménages. La seule diminution des taux d’intérêt intervenue depuis décembre 2013 équivaut (du point de vue de l’impact qu’elle a pu exercer sur la solvabilité de la demande) à une baisse des prix des logements anciens de 10 % (de 19 % depuis décembre 2011). Alors que la baisse des taux d’apport personnel a permis de corriger les conséquences de la suppression du PTZ dans l’ancien à compter du 1er janvier 2012. On comprend mieux, dès lors, ce qui a conduit l’activité du marché de l’ancien à se ressaisir de manière aussi vigoureuse.

L’amélioration des conditions de crédit tient donc le marché de l’ancien « à bouts de bras ». Et elle bénéficie maintenant du renfort de la reprise économique qui se renforce, au fil des mois. Il est probable que beaucoup vont trouver dans cette reprise de l’économie des raisons de croire à l’amélioration de la conjoncture du marché de l’ancien dont ils doutaient encore. Comme tous ceux qui affirmaient il y a quelques mois encore que les transactions ne se redresseraient que si les prix baissaient d’au moins 10 %. Parce que dans les faits, la diminution des prix de l’ancien qui se constate n’a été que très modeste : d’après l’indice INSEE-notaires (maisons et appartements confondus) et non CVS (il est rare de trouver des ménages qui payent un logement ancien à un prix « corrigé des variations saisonnières »), les prix ont reculé de 1.8 % pour la France métropolitaine en 2014 et de 4.4 % au total depuis 2011 (respectivement, pour l’Ile de France, de 1.9 % et de 2.1 %). Et au 1er trimestre 2015, l’indice des prix INSEE-notaires est en recul de 3.9 % par rapport au niveau qui était le sien au 1er trimestre 2011 (respectivement de 0.1 % pour l’Ile de France) ! Il est donc peu probable qu’une diminution aussi faible des prix ait pu déclencher une reprise de l’activité d’une telle ampleur. Sauf, bien sûr, si on veut y croire …

Alors bien sûr, la reprise économique est la bienvenue, pour amplifier le redémarrage des ventes de logements anciens. Mais comme elle ne s’est encore traduite ni par l’amélioration sensible du pouvoir d’achat tant espérée, ni par la baisse du chômage tant attendue, il ne faut pas en exagérer l’impact. Tout au plus remarquera-t-on que depuis l’automne dernier, le moral des ménages que l’INSEE mesure chaque mois s’améliore.Compte tenu de tout cela, les interrogations sur l’évolution à attendre des taux des crédits immobiliers sont légitimes.

Au début de l’année 2015, la plupart des scénarios proposés par les économistes de banque prévoyait une remontée du taux de l’OAT à 10 ans au cours du 1er semestre 2015, puis leur stabilisation sur le reste de l’année. Ces scénarios ont été revus à la baisse et au cours du printemps, ils tablaient sur le maintien du taux à 0.50 % sur l’ensemble de l’année 2015, puis à une remontée à partir de l’été 2016, de l’ordre de 50 points de base, pour finir l’année à 1.00.

La crise grecque est venue bouleverser ce dernier scénario, puisqu’en mai le taux de l’OAT à 10 ans s’est établi à 0.89 %, en moyenne. Pour autant, il n’est pas évident que cela soit durable et impacte les taux des crédits immobiliers. D’autant que tous les scénarios prévoient le maintien à 0.05 % du principal taux de refinancement de la BCE sur l’ensemble de l’année 2015, et en 2016 encore.

Les conditions de crédit ne vont donc probablement pas beaucoup se dégrader en 2015. Même s’il n’est pas à exclure qu’ils reprennent 10 à 20 de base vers la fin de l’année. Mais cela ne devrait guère affecter le marché, sachant qu’une telle hausse ne devrait pas beaucoup dégrader la solvabilité de la demande … puisque d’ici là, la reprise économique commencera à produire ses effets.

L’intensité de la reprise

Habituellement, avec la fin de l’automne, l’activité du marché de l’ancien se replie fortement pour l’hiver. Mais il n’en a rien été en 2014 : d’après l’Observatoire mensuel LPI-SeLoger, après avoir rebondi dès la fin de l’été, l’activité a continué sa progression et en décembre, le nombre de compromis signés était de 9.0 % supérieur à celui constaté une année auparavant. En outre, le total des crédits accordés à l’ancien recule traditionnellement entre le 4ème trimestre d’une année et le 1er trimestre de l’année suivante : de l’ordre de 15 % en moyenne durant les années 2008 à 2014, si on considère les offres acceptées. Mais en 2015, et pour la première fois depuis la fin des années 90, la production s’est accrue du 15.6 % au 1er trimestre, d’après l’OPCI !

Et depuis le début de l’année 2015, la reprise de la production se poursuit à un rythme soutenu. Le nombre de compromis mesuré par LPI-SeLoger était en avril de 24.1 % supérieur au niveau qui était le sien en 2014 à la même époque. Alors qu’en mai, d’après l’Observatoire Crédit Logement/CSA, le rythme d’évolution en glissement annuel de l’activité mesurée en trimestre glissant est de + 25.9 % pour le nombre de prêts.

A bien y regarder, la reprise du marché de l’ancien ne date pas seulement de ces derniers mois.

Après une année 2012 anéantie par la suppression du PTZ dans l’ancien, le redémarrage des achats de logements anciens avait été sensible dès 2013 : le nombre de logements acquis par des ménages à crédit ou au comptant avait d’ailleurs augmenté de 8.5 %, sur un an.

Pourtant, après avoir bien commencé l’année, le marché a été fortement déstabilisé au printemps 2014 par certaines des dispositions de la loi ALUR (tant dans le secteur de la transaction que dans celui de l’investissement locatif privé). Mais dès juillet, les annonces du Premier Ministre et de la Ministre du Logement ont rassuré le marché … et durant l’été 2014, l’activité du marché de l’ancien s’est ressaisie.

Le regain d’activité du marché de l’ancien constaté depuis le début d’année 2015 n’est donc que la poursuite de la reprise amorcée en 2013 et mise entre parenthèses en 2014 par certaines dispositions de la loi ALUR. Et cette année, le niveau de l’activité du marché de l’ancien devrait retrouver et même très probablement dépasser celui de l’année 2010 : avec au moins 640 000 logements achetés par des ménages résidents (+ 8.5 %) et peut-être même 660 000 si rien ne vient contrarier les intentions actuelles des ménages, auxquels il conviendrait d’ajouter de l’ordre de 40 000 transactions effectuées par des non-résidents : les investisseurs étrangers qui s’étaient détournés du marché en 2014, pénalisés par les conditions fiscales actuelles, puis par la crise russe, semblent revenir, bénéficiant pleinement de la baisse de l’€ face au dollar et à la livre sterling.

Vers la remontée des prix

Habituellement, avec la reprise saisonnière des ventes, les prix affichés se redressent. Mais cette année, le rythme de la hausse des prix est bien plus vif qu’à l’habitude : le marché sort de récession, les tensions sur les prix sont plus présentes et les vendeurs plus ambitieux. En avril, les prix étaient ainsi en progression sensible sur 3 mois, avec + 1.3 % pour l’ensemble du marché : + 0.4 % pour les appartements (contre – 0.9 % en avril 2014) et + 2.9 % pour les maisons (contre + 1.3 % en avril 2014).

La hausse des prix devrait encore s’accélérer dans les prochains mois, si comme cela est attendu, la reprise d’activité s’amplifie … surtout si le retour des investisseurs étrangers se confirme.

 

Cet article synthétise les principaux résultats du baromètre LPI-SeLoger, de l’Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels (Crédit Logement/CSA) et de l’OPCI, l’Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers (Université Paris Ouest).

Michel Mouillart

Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement.

L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011.

En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001.

Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015).

Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère.

Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement.

Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
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