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L’avenir des agences immobilières ? Le service !

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Pourquoi n’y a t-il pas eu d’Expédia sur le marché immobilier américain ? Parce que l’immobilier n’est pas un marché comme les autres avec des produits standardisés et des achats fréquents.

photo : Fabrice Larceneux, chercheur CNRS

Pourquoi n’y a t-il pas eu d’Expédia sur le marché immobilier américain ? Parce que l’immobilier n’est pas un marché comme les autres avec des produits standardisés et des achats fréquents. Le créateur de Redfin l’a appris à ses dépens.

Crée en 1996 aux Etats-Unis, le site internet expedia a évincé les agences de voyage traditionnelles. En 2004, David Eraker créé Redfin, une start-up dans le domaine de l’immobilier avec l’ambition de révolutionner le secteur et de court-circuiter les intermédiaires. Il fonde sa stratégie sur deux axes : la rémunération des agents qu’il souhaite transformer (les honoraires sont selon lui inadaptés au monde actuel car d’un pourcentage fixe, indépendant du niveau de tension et de difficulté d’un marché), et la localisation des biens sur une carte (impossible à l’époque car c’était en 2004, bien avant l’apparition de google map). Ces deux leviers d’action avaient pour objectif de transformer le marché de l’intermédiation immobilière, considéré comme trop cher et peu visible.

Son idée initiale est que les consommateurs doivent conduire eux-mêmes les transactions et des agents immobiliers, salariés par redfin, ne doivent que relire les contrats finaux. La facturation est alors dépendante de l’intensité du travail réalisé et chaque déplacement supplémentaire est facturé 250 dollars. A la place des 3% de commission, les propriétaires payent un fixe de 3000 dollars à la conclusion de la vente.

Le principe est simple : lorsqu’il représente l’acheteur, Redfin reçoit 3% du prix de vente de la part du vendeur et en rembourse deux-tiers à l’acheteur. Plus encore, le site rémunère ses agents sur la base d’un salaire annuel qui varie en fonction de la satisfaction et de l’évaluation des consommateurs. Elevé à la culture cost killer des Amazon et autres Ebay, cette révolution a été perçue comme une provocation par les acteurs du secteur. « Cette posture s’est révélée inutilement provoquante » reconnait aujourd’hui son PDG.

En effet, rien ne s’est passé comme prévu. De fait, si les agences de voyages traditionnelles ont presque disparu du secteur du tourisme américain, rien de tel n’est passé sur le marché immobilier. Pour expliquer la non disparition, voire même l’augmentation du recours aux agents immobiliers, les chercheurs ont montré qu’il existait une interdépendance subtile entre différents agents immobiliers.

Aux Etats-Unis, deux agents sont le plus souvent mandatés pour opérer une transaction immobilière: un agent représentant le vendeur et un représentant l’acheteur. Cette entente est en réalité un outil puissant pour punir les agents « discounters ». En effet, les agents immobiliers traditionnels maintiennent hors de la transaction des particuliers ou des agents « discounter », les empêchant de fait de conclure la vente (Syverson et Levitt, 2008). Le secteur traditionnel fait front contre cette entreprise : en 2006, Redfin reçoit des plaintes de consommateurs car les agents traditionnels évincent les clients de Redfin ; en 2007, les évaluations critiques des biens immobiliers en vente étaient possibles sur les blogs du site internet. Poursuivi en justice, Redfin a vu ces évaluations considérées comme illégales et l’entreprise a été condamnée à une peine de 50 000 dollars.

Pourtant Redfin n’avait pas démérité. Elle a gagné en 2010 le prix Seattle 2.0 de la meilleure startup et en 2012, elle a été nominée dans les DIGITAL 100, c’est-à-dire les cent entreprises technologiques du monde les plus importantes par le magazine Business Insider. En 2014, Seattle Business Magazine l’a désigné comme la meilleure entreprise dans laquelle travailler.

Mais le marché immobilier n’est pas un marché comme les autres, avec des produits standardisés et des achats fréquents comme les billets d’avion par exemple.

En 2004, Eraker aurait pu avoir la puce à l’oreille lorsqu’il a rencontré Rich Burton, le créateur du site expedia : au lieu de s’associer ou de racheter Redfin, Burton décide de lancer sa propre start-up avec une toute autre stratégie. Zillow voit le jour fin de 2004, fondé sur une présentation ergonomique, marketée et « orientée consommateur » de l’information provenant des listings des agents.

L’idée est alors d’offrir un environnement dédié au consommateur, offrant la possibilité aux agences d’y faire leur publicité. En somme, au lieu de combattre de front le modèle traditionnel, Zillow facilite la transaction traditionnelle et dispose aujourd’hui de la plus grande plateforme d’immobilier sur internet qui propose environ 110 millions de biens aux Etats-Unis. En 2014, il propose de racheter son concurrent Trulia pour 3,5 milliards de dollars.

Redfin a finalement découvert que les consommateurs acceptaient de payer des honoraires dès lors qu’ils bénéficiaient de services de grande qualité : les consommateurs voulaient être plus et mieux accompagnés. L’entreprise a donc embauché plus d’agents, avec diverses compétences, afin d’être présents à toutes les phases critiques du processus de décision du client.

De plus, Redfin a rétabli le paiement au pourcentage, tant pour les vendeurs que pour les acheteurs. Et ces derniers sont moins remboursés qu’avant, à mesure que le nombre de services proposés augmente.

« Le problème avec le business model original de cette entreprise est que les gens ne pouvaient pas visiter les logements quand ils voulaient et que ceux-ci attendaient de véritables conseils. A un certain moment, nous avons réalisé que nous devions devenir une entreprise de services » conclut le PDG actuel de Redfin. L’avenir dans la transaction immobilière, c’est donc le service. Et c’est sans doute de l’innovation dans les services que sortira le prochain Zillow français.

Source: Levitt S. et C. Syverson (2008), Market Distortions When Agents Are Better Informed: The Value of Information in Real Estate Transactions, Review of Economics and Statistics, 90:4, 599-611

 

 

 

 

 

 

Fabrice Larceneux

Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.
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