Le marché de l’ancien a bien fini l’année 2014 (1) , avec une activité en progression sensible durant l’automne. Mais comme le printemps avait été mauvais, gâché par des dispositions législatives défavorables à l’immobilier résidentiel, le nombre de logements anciens acheté par des ménages a reculé : de 2.8 % d’après le baromètre LPI-SeLoger et de 3.1 % d’après l’OPCI.
L’année 2015 va néanmoins être meilleure. Autant parce que les soutiens publics vont permettre au marché d’affirmer une vigueur retrouvée qu’en raison de conditions de crédit qui vont rester excellentes. La reprise qui s’est amorcée durant l’été 2014 va donc s’amplifier tout au long de l’année 2015.
Que la reprise est belle
Durant l’été 2014, l’activité du marché de l’ancien s’est ressaisie. Après avoir bien commencé l’année, le marché avait en effet été fortement déstabilisé par certaines des dispositions de la loi ALUR (tant dans le secteur de la transaction que dans celui de l’investissement locatif privé). Mais dès juillet, les annonces du Premier Ministre et de la Ministre du Logement ont rassuré le marché : l’encadrement des loyers redouté par les investisseurs n’allait être mis en œuvre que sur Paris et peut-être, plus tard, ailleurs … mais sans que cela ne constitue une priorité, loin de là ; l’accession à la propriété était redevenue un des outils privilégié de la relance des marchés et le PTZ allait de nouveau être accordé dans l’ancien avec travaux …
Il n’en fallait pas plus pour que le marché de l’ancien retrouve de la vigueur. D’autant que dans le même temps, les conditions de crédit ont continué à s’améliorer, d’après l’Observatoire Crédit Logement/CSA. Les taux ont de nouveau reculé, à des niveaux jamais observés jusqu’alors. Les durées moyennes des crédits accordés se sont allongées de l’ordre de 10 mois, en 2014. Et les établissements bancaires ont allégé, contre l’avis des autorités monétaires, leurs exigences habituelles : dès juillet, cela s’est exprimé par une baisse sensible des taux d’apport personnel jusqu’alors exigés.
Pour bien souligner toute l’importance de cette amélioration des conditions de crédit, la seule baisse des taux d’intérêt intervenue entre la fin de décembre 2011 à décembre 2014 est équivalente à une baisse des prix des logements anciens (qui en fait n’est intervenue que discrètement) de 15 % ! Et la baisse du taux d’apport personnel constaté en 2014 est équivalente à une baisse supplémentaire de 10 % des prix ! Ainsi, pour la seule année 2014, les conséquences sur la solvabilité de la demande de la diminution des taux d’intérêt et du taux d’apport ont été comparables à une baisse des prix de 15 %. Du jamais vu …
Ainsi, alors qu’habituellement l’activité fléchit fortement dès novembre, il n’en a rien été en 2014. On constate en effet qu’au-delà des tendances lourdes de l’activité du marché de l’ancien, et orientées tantôt à la hausse et tantôt à la baisse, le nombre de compromis signés reculent chaque année dès novembre : la composante saisonnière du marché est de forte ampleur, avec une baisse de l’activité de l’ordre de 50 % entre octobre et décembre-janvier. Mais en novembre 2014, et d’après l’Observatoire mensuel LPI-SeLoger, l’activité a continué sa progression et en décembre, le nombre de compromis signés était de 9.0 % supérieur à celui constaté une année auparavant.
En outre, comme l’Observatoire Crédit Logement/CSA a permis de l’illustrer, le redémarrage du marché s’est accompagné du retour de ceux des ménages qui avaient été malmenés et évincés du marché sous l’effet des décisions prises par deux Ministres du Logement successifs, les jeunes et les ménages modestes. Donc, ces primo accédants faiblement dotés en apport personnel qui ne pouvaient plus trouver de solution pour se loger.
Mais bien sûr, l’activité du marché n’a pas encore renoué avec les niveaux élevés qu’elle avait pu connaître avant les deux crises économiques et financières majeures qui se sont succédé depuis 2007. La demande marque toujours son inquiétude, face à la dégradation du pouvoir d’achat et à la montée du chômage. Et les investisseurs étrangers se sont détournés du marché en 2014, pénalisés par les conditions fiscales actuelles, puis par la crise russe.
Pour autant, le marché de l’ancien se rétablit rapidement, comme les observations statistiques faites pour le mois de janvier en témoignent.
Alors que déjà au 4ème trimestre 2014 la production de crédits à l’ancien s’était établie à 6.2 % au-dessus du niveau qu’elle avait atteint au 4ème trimestre 2013, le mois de janvier 2015 s’affiche en progression de 14.5 % sur un an ! Et cela en dépit des conséquences des évènements du 7 au 9 janvier. Et la suite de l’année devrait être meilleure encore sous l’effet de l’ouverture du PTZ à l’ancien, du renouveau d’intérêt pour l’investissement locatif et du dynamisme de l’offre de crédits qui ne se dément pas.
Le niveau de l’activité du marché de l’ancien devrait ainsi retrouver celui de l’année 2010, avec de l’ordre de 640 000 logements achetés par des ménages résidents, auxquels il conviendrait d’ajour de l’ordre de 40 000 transactions effectuées par des non-résidents.
Des taux qui baissent encore
En février 2015, les taux des prêts du secteur concurrentiel se sont établis à 2.25 % (hors assurance et coût des sûretés). Dans le même temps, les durées des prêts accordés se sont maintenues, permettant à la demande de se réaliser dans de très bonnes conditions.
La baisse des taux a donc tenu le marché de l’ancien « à bouts de bras ». Pour apprécier l’impact que cette baisse a pu avoir sur le marché, il suffit de rappeler que faute de conditions de crédit aussi favorables et dans un contexte macroéconomique et budgétaire comparable et guère meilleur qu’aujourd’hui, le nombre de logements achetés par des ménages résidents en 1993 était de 423 000 unités, inférieur de l’ordre de 167 000 à ce qu’il a été en 2014.
De nombreux scénarios prédisent une remontée des taux de l’OAT à 10 ans au cours du 1er semestre 2015, de l’ordre de 30 à 40 points de base par rapport à un niveau de l’ordre de 0.60 % à la mi-février. Puis leur stabilisation sur le reste de l’année à des niveaux comparables à ceux de la fin de 2014 (de l’ordre de 0.90 à 1,00 %).
Mais ces scénarios prévoient aussi le maintien à 0.05 % du principal taux de refinancement de la BCE sur l’ensemble de l’année 2015.
Les conditions de crédit devraient donc rester très bonnes durant toute l’année 2015. Même ’il n’est pas à exclure que les taux des crédits immobiliers reprennent de l’ordre de 20 à 25 points de bases d’ici la fin de l’année, cela ne devrait pas intervenir avant l’été : une fois que la tendance haussière des marchés se sera affirmée. Et si cela était, ils ne feraient que revenir vers 2.50 %, au niveau qui était le leur en novembre 2014. Sans risque donc pour le marché.
En route vers la stabilité des prix
Depuis l’automne, le marché de l’ancien a retrouvé des couleurs et la fin de l’année a permis de clore la parenthèse récessive ouverte au printemps. Dans ce contexte, d’après le baromètre LPI-SeLoger, les prix des compromis signés étaient en janvier 2015 de 0.2 % au-dessus de leur niveau d’octobre 2014. Ce sont les prix des maisons qui ont progressé le plus rapidement au cours des derniers mois : ils étaient en janvier 2015 de 1.1 % plus élevés qu’en octobre 2014. Il est vrai qu’en 2014, ce sont les prix des maisons qui avaient le plus décrochés. Par contre, les prix des appartements étaient encore en retrait de 0.3 % par rapport à leur niveau d’il y a 3 mois : mais là encore, la situation s’est améliorée depuis l’été, en dépit des inquiétudes dont la demande a fait preuve à la suite des attentats du 7 au 9 janvier.
Si comme cela est prévu, la reprise d’activité s’amplifie dans les prochains mois, au début du printemps selon le profil saisonnier habituel, 2015 sera très certainement une année de stabilisation des prix. Avec peut-être même une légère remontée si le mouvement de repli des investisseurs étrangers touche à sa fin.
D’ailleurs, et cela ne c’était pas vu pour un début d’année depuis 2011, les prix des logements anciens affichés en janvier 2015 ont progressé de 1.8 % au cours des 3 derniers mois : ceux de appartements de 0.5 %, mais ceux des maisons de 4.0 % ! Laissant donc espérer une amélioration sur ce segment de marché particulièrement malmené depuis plus d’un an.
(1) Cet article synthétise les principaux résultats du baromètre LPI-SeLoger, de l’Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels (Crédit Logement/CSA) et de l’OPCI, l’Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers (Université Paris Ouest).
Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement.
L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011.
En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001.
Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015).
Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère.
Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement.
Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.