Zemmour et Trierweiler n’ont qu’à bien se tenir. Car la star de l’automne, c’est lui : l’investissement immobilier. L’exécutif ne s’en cache pas, et tant Manuel Valls que Sylvia Pinel n’y vont pas par quatre chemin : le logement, ils l’aiment. C’est à se demander ce qui avait bien pu jusqu’alors, brider cet amour éperdu.
Car de Thomas Piketty à Nicolas Doze, de Karine Berger à Benoist Apparu, et de Christine Boutin à Cécile Duflot ils étaient tous d’accord : l’immobilier était l’homme à abattre de l’économie, la cause de tous nos maux, le dernière citadelle à conquérir d’une économie à la fois réactionnaire et inégalitaire.
Même la Banque Centrale Européenne y est allée de son couplet, exhortant les banques à restaurer leurs marges et à remonter les taux des crédits, de peur que sa politique visant à inonder le marché de devises à bon compte, n’aille alimenter une éventuelle reprise du marché de l’immobilier.
Les raisons du désamour
Pour la gauche, les raisons sont à la fois affaire de symbole et d’opportunisme. Les rapports locatifs y sont perçus comme l’expression moderne de la lutte des classes: celle des petits contre les puissant, des exploités contre les profiteurs, des asservis contre les rentiers. Ceux qui vivent de ce fonds de commerce ont tout intérêt à en entretenir la flamme.
Pourtant, en 2014, être locataire ou propriétaire, ce n’est pas une condition sociale. C’est une situation, une étape, et souvent un choix. Tous les jeunes rêvent de leur première location, tout comme ils aspirent à leur premier achat, lorsqu’ils fondent une famille.
De nombreux propriétaires bailleurs sont eux mêmes locataires de leur résidence principale, telles les personnes âgées qui perçoivent le loyer de leur ancien logement pour assumer leur maison de retraite, ou bien ces investisseurs qui vivent dans une ville dont les prix ne leur permettent pas d’acquérir un logement adapté à leurs besoins, mais qui investissement en région pour constituer un patrimoine.
Les libéraux eux, rêvent d’exhumer les masses d’argent prétendument immobilisées dans la pierre, et sensés dormir, au profit de l’investissement dans ce qu’ils appellent l’économie réelle, c’est à dire l’achat d’actions, d’obligations de produits dérivés en tous genres, sensés abonder une croissance génératrice d’emplois et de dividendes à redistribuer. Mais ceux-là ce trompent aussi.
Car l’immobilier, n’en déplaise à Terra Nova, est un placement dynamique pour la société. Il participe à l’économie, grâce aux travaux de construction, de rénovation et d’entretien, il favorise la mobilité professionnelle, en mettant des logements à disposition des salariés, il génère de nombreux emplois non délocalisables au profit des banques qui financent, des personnels d’entretien et de nettoyage, des gérants d’immeubles, et des assureurs.
Les censeurs des deux bords, qui au fonds, lorgnent sur les milliards de l’épargne immobilière font une erreur de diagnostic fondamentale.
Ils oublient que l’investissement immobilier, au contraire de la spéculation liquide, c’est l’épargne du citoyen modeste, celle que l’on peut initier sans fonds propres.
Que l’on souhaite devenir propriétaire de sa résidence principale, ou acquérir un logement pour le louer, il s’agit toujours d’un investissement à crédit, le seul pour lequel un établissement financier acceptera la prise de risque, du fait de la garantie prise sur le bien financé.
L’investisseur immobilier recherche avant tout la sécurité d’une épargne garantie, d’un revenu complémentaire à sa pension de retraite, alors que l’investisseur en actions recherche un retour rapide sur ses fonds propres, un rendement et une plus-value.
Il est donc à la fois faux et dangereux de faire croire qu’il serait possible de redresser l’économie de la France en forçant nos concitoyens à se séparer de leurs biens immobiliers, alors même que l’essentiel de ce patrimoine n’est ni liquide, ni disponible, qui plus est dans un marché baissier.
Le soudain revirement des politiques vis à vis du monde du logement ne doit rien à une affaire de prise de conscience tardive. Il est simplement contraint par les chiffres toujours plus dramatiques du chômage, de la déflation et de la récession, au travers desquels, ils redécouvrent que la croissance ne peut revenir sans l’investissement immobilier.
Il est temps que nos dirigeants cessent d’agiter tantôt le chiffon rouge d’un capitalisme Balzacien, tantôt celui d’un libéralisme faussement moderne, éloignés l’un comme l’autre, de toute réalité consumériste.
François Moerlen est Président Délégué de la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier), en charge du développement numérique. Diplômé de l'Institut des Etudes Juridiques de l'Urbanisme et de la Construction, il est agent immobilier, administrateur de biens et syndic de copropriété à Toulouse. Fondateur de Locagestion, il a développé une solution collaborative de dématérialisation de la location, au service des agents immobiliers. Spécialiste de l’économie numérique appliquée au logement, il intervient sur le sujet de la transformation digitale des professionnels de l’immobilier (RENT, Congrès de l’Immobilier, Journal de l'Agence).