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Les agents immobiliers souffrent-ils du burn out ?

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photo : Fabrice Larceneux, chercheur CNRS

En période de crise, la baisse du nombre de transactions ne diminue pas le stress au travail. Au contraire, il peut l’amplifier ! Le burn out guette parfois ces professionnels. En effet, des chercheurs ont montré que les pressions exercées sur les agents immobiliers sont exacerbées par la nature cyclique de l’offre et la demande immobilière.

Aux Etats-Unis, la crise immobilière consécutive à la crise des subprimes en 2008 implique une baisse des revenus des agents immobiliers. Ils ont dû travailler plus longtemps dans un environnement plus difficile pour obtenir des mandats de ventes. Ces nouvelles conditions de travail, qui commencent à arriver en France avec la baisse des transactions, peuvent créer chez certains professionnels ce qu’on appelle le burn out. Il s’agit d’un syndrome qui se produit principalement dans les professions où les professionnels sont soumis à un stress lié au fait d’être en contact direct avec les clients. Compte tenu de l’effet potentiellement nocif du burn out, c’est-à-dire de l’épuisement des agents immobiliers, il parait important d’identifier les facteurs, provenant de l’agent lui-même ou de son environnement de travail, qui contribuent de ce syndrome.  Une recherche récente a exploré les différents niveaux d’explication du burnout, via un questionnaire envoyé à 305 agents immobiliers en Australie occidentale (Love et al. 2011).

Selon les chercheurs, le burnout est synonyme de maladies telles que la dépression, la fatigue et la désillusion. Le burnout n’est pas à proprement parler la dépression (incapacité à tirer du plaisir de choses, perte de poids ou gain de poids, insomnie ou hypersomnie, sentiment de culpabilité, incapacité à se concentrer, et pensées sur la mort et le suicide). Les symptômes du burnout sont plutôt (1) l’épuisement mental et émotionnel, qui renvoie à la sensation d’être « vide » ou « usé », (2) la sensation de dépersonnalisation, qui indique une attitude négative cynique envers son travail ou ses clients, et (3) un faible sentiment d’accomplissement personnel, qui renvoie à une évaluation négative de sa capacité de réalisation au travail. Cela se traduit par des symptômes dysphoriques, comme la fatigue, l’épuisement émotionnel et le sentiment de dépression, considérés comme les
symptômes les plus caractéristiques du burnout. Ces 3 indicateurs clés permettent d’expliquer, et donc d’anticiper ce phénomène.

Premier point positif de la recherche : les agents immobiliers, au moins en Australie, ne sont pas au bord du burnout. Ils y sont moins sujets que l’ensemble des professionnels travaillant dans des services à la personne, en contact direct avec les clients.  Ceci s’explique par le fait que l’agent immobilier trouve en réalité une grande satisfaction lors de la concrétisation d’une vente. Outre la satisfaction immédiate de gagner une commission grâce à la vente d’un bien, il y a aussi la sensation de bien faire son travail, de trouver le meilleur prix et de rendre les clients satisfaits. De plus, la grande autonomie et l’absence de structure hiérarchique très contraignante différencie cette profession des autres et contribue à un moindre risque de burnout.

Pour autant le risque de burnout n’est pas nul.  Mais il dépend fortement des individus. L’analyse des questionnaires révèle que l’épuisement émotionnel est beaucoup plus fort pour les jeunes agents immobiliers, et pour ceux qui comptent un grand nombre d’heures travaillées. Le risque d’épuisement émotionnel est aussi plus fort pour les individus qui n’arrivent pas à voir le sens concret de leur travail. On retrouve les mêmes facteurs explicatifs concernant la sensation de dépersonnalisation pour les jeunes et ceux qui travaillent trop; En revanche, ce qui permet un sentiment d’accomplissement personnel plus fort concerne le fait d’effectuer un grand nombre de visites aux clients et le fait d’avoir diplôme d’études supérieures, qui sont vécu comme une véritable satisfaction.

Cette recherche indique donc que le travail d’un agent immobilier n’est pas a priori susceptible de conduire à des niveaux élevés d’épuisement et de burnout, au moins dans un contexte où il n’y a pas de crise. Alors que la crise des subprimes et l’effondrement subséquent de la crise financière marchés a eu un impact significatif sur les marchés résidentiels dans toute l’Europe et les Etats-Unis, l’effet en Australie a été faible minime en termes de baisse de valeur et de nombre de transactions et le marché restait porteur en 2011. De plus, l’annonce de grands projets de plusieurs milliards de dollars a stimulé la confiance dans l’économie.  Il n’empêche que cette recherche montre qu’il convient de surveiller les jeunes agents immobiliers si la situation économique se détériore.

 

Les responsables de la formation des agents immobiliers doivent en être conscients et prendre
des mesures préventives pour alerter les nouveaux venus dans la profession aux différents
types de facteurs de stress auxquels ils peuvent être confrontés via les programmes de tutorat par exemple. En outre, les agents immobiliers doivent être conscients de l’effet négatif que de longues heures de travail peuvent avoir sur leur état ​​d’épuisement émotionnel. Certes il peut être difficile de résister aux exigences des clients pour vendre ou acheter un bien, ainsi qu’à l’idée de la commission. Mais il s’agit souvent d’une question d’organisation. Dans les pays anglo-saxon, la journée « portes ouvertes » permet de concentrer ses efforts sur une seule résidence à la fois. Même si c’est pendant le week-end et que cela peut avoir un impact négatif sur la vie de famille. L’expérience de l’agent immobilier,c’est aussi de chercher et trouver un équilibre vie / travail approprié et durable.

Source : Love et al. (2011), Burnout and sense of coherence among residential real estate brokers, Safety Science, 49, 10, 1297–1308. 

 

Fabrice Larceneux

Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.
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