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Des nuages sur le financement des marchés

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Depuis le début 2008, les incertitudes s’accumulent. Alors que la solvabilité de la demande s’est stabilisée à haut niveau, la production de crédits immobiliers aux particuliers a reculé de façon préoccupante. Si ces tendances ne s’inversaient pas rapidement, il est probable que l’année 2008 sera la première d’une nouvelle récession des marchés immobiliers.

Des conditions de réalisation de la demande toujours très bonnes

A partir de novembre 2007, le mouvement de remontée des taux des crédits immobiliers aux particuliers a marqué le pas : le taux moyen s’est ainsi stabilisé à 4.64 % en avril (4.60 % pour l’accession dans le neuf et 4.65 % pour l’accession dans l’ancien), soit au niveau qui était le sien en décembre 2007 (lire graphique page 28).

Le constat est tout à fait remarquable : même s’il paraît encore trop tôt pour parler de baisse générale des taux des crédits immobiliers aux particuliers, en revanche, il semble probable que le mouvement de reconstitution des marges des établissements observé durant une large part de l’année 2007 touche à sa fin.

En outre, depuis le début de l’année 2008, au-delà des hésitations qui se constatent d’un mois sur l’autre, la durée des prêts se maintient : en s’établissant à 222 mois (244 mois pour l’accession dans le neuf et 240mois pour l’accession dans l’ancien), la durée moyenne des prêts avoisine donc les durées les plus longues constatées en 2007 .

Pour de multiples raisons, les agents économiques sont dans l’attentisme. Si la situation perdure, le marché va se retourner. Nous sommes actuellement à un point de grande fragilité. Lorsque les biens se revendent moins bien, toute la chaîne immobilière se grippe. Or, aujourd’hui, la moitié des opérations sont financées par une revente, contre 30% pendant les années quatre-vingt dix. Quelque chose est en train de se bloquer. Si le mouvement se confirme, la baisse des prix est devant nous.

Si on se limite aux seuls prêts à l’accession, 58.9 % des prêts étaient d’ailleurs en avril 2008 d’une duration à l’origine comprise entre 20 et 30 ans.

Pour autant, la part des prêts de plus de 30 ans, déjà très modeste (4.7 % au 4ème trimestre 2007), a continué à reculer doucement : elle est de 3.5 % en avril 2008. Au total, les conditions de crédit ne se sont donc toujours pas détériorées depuis plus de 18 mois : le niveau des mensualités associées à un même capital emprunté s’est accru de seulement 2.0 % depuis l’été 2005 … mais il a diminué de 2.6 % avec la mise en place du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété !

Il est vrai que le rythme d’évolution du coût moyen des opérations a nettement ralenti (+ 0.1 % sur un an au début 2008, contre + 3.5 % en 2007 et + 8.2 % en 2006) : et si les revenus des ménages progressent maintenant plus lentement que par le passé (+ 2.3 % sur un an au début 2008, contre + 1.7 % en 2007 et + 3.0 % en 2006), leur ralentissement a été jusqu’à présent moins marqué que celui observé sur le coût des opérations.

Cependant, la transformation des clientèles s’est poursuivie depuis le début de 2008, avec le retour de ménages à revenus plus modestes sur les marchés de l’accession : l’impact de la réforme du PTZ intervenue en 2005 avait amorcé le mouvement, la mise en place du nouveau crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété l’a confirmé.

Ainsi, l’indicateur de solvabilité de la demande réalisée se maintient à haut niveau depuis presque une année : il dépasse en effet les niveaux élevés qu’il connaissait en 2005, lorsque les taux d’intérêt étaient au plus bas.

Il est vrai que l’impact du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété est équivalent, pour l’ensemble du marché, à une baisse des taux d’intérêt de l’ordre de 65 points de base.

Dans l’ensemble, la demande bénéficie donc toujours de conditions d’expression excellente.

Mais une offre de crédits en recul sensible

Le marché des crédits immobiliers aux particuliers fait rarement preuve de dynamisme en début d’année. Mais cette année, la situation paraît particulièrement dégradée : ainsi sur un an, de trimestre à trimestre, la production de crédits recule de 9.4 % depuis le début de l’année 2008 (contre + 1.9 % en 2007 à la même époque).

Dans ce contexte, lerepli de production constaté chez les banques généralistes a été plus rapide que le marché (- 14.3 % contre – 1.9 % en 2007 à la même époque): il n’a cependant pas été uniforme (certains établissements ont à nouveau accru leur production au cours du 1er trimestre 2008 alors que pour la moitié des banques généralistes, la production n’a que très faiblement reculé)n’a que très faiblement reculé) et il ne s’explique ni par le durcissement des conditions d’octroi des prêts ni par des exigences nouvelles à l’égard des emprunteurs.

Pour leur part, les banques spécialisées ont connu une baisse de leur production de 10.3 % (contre + 5.2 % en 2007).

Et l’offre des banques à caractère mutualiste ou coopératif a décroché de 5.8 % (+ 3.8 % en 2007) : mais là aussi de grandes disparités se sont constatées, des productions en baisse côtoyant des productions stables !

Ces évolutions ne traduisent évidemment pas les conséquences d’une plus grande fragilité de la demande ou d’une détérioration des conditions de crédit : les évolutions de la solvabilité de la demande sont restées bien orientées depuis le début de l’année.

A cet égard, les fondamentaux du secteur sont toujours bons et la demande paraît toujours solide et déterminée. Le recul de la production reflète en revanche beaucoup plus les contrecoups de la crise des «subprimes» et les pertes subies par certains établissements bancaires ou financiers : en provoquant une destruction de fonds propres, l’offre de crédits sur les marchés de détail commence à en pâtir.

Et en première ligne, le marché de l’ancien qui enregistre un recul de son activité de près de 12.5 % sur un an, de trimestre à trimestre.

Si la production de crédits se ressaisit au cours du deuxième trimestre, il ne se sera agit que d’une mauvaise parenthèse : le niveau de la construction ne devrait pas en être très affecté et le repli du marché de l’ancien sera effacé en 2009.

Si en revanche les établissements dont la production a reculé confirment d’ici l’été leur stratégie de «prudence», l’année 2008 sera mauvaise : et 2009 ne sera pas non plus une bonne année.

Michel Mouillart
Professeur d’économie à l’Université de Paris X-Nanterre

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