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« Projet de loi Duflot? Le grand chambardement! », Henry Buzy-Cazaux, Président de l’Institut du Management des Services Immobiliers

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photo : Henry Buzy-Cazaux, Président de l'Institut du Management des Services Immobiliers (groupe IGS, Université professionnelle)

Le moins qu’on puisse dire est que le projet de loi de Cécile Duflot, désigné désormais sous l’acronyme d’ALUR (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), fait parler de lui, en tout cas pour ce qui concerne agents immobiliers et administrateurs de biens. Avant même sa présentation officielle en Conseil des ministres le 25 juin dernier, il a soulevé des réactions d’extrême hostilité de la part de la FNAIM et de l’UNIS. Qu’est-ce qui ne va pas dans le couple entre la ministre et la profession, alors que les deux grandes organisations nous donnaient le sentiment de l’idylle depuis sa nomination?

Plusieurs raisons à la discorde. D’abord, les fédérations, après des mois de concertation, ont peut-être oublié dans leur enthousiasme de convaincre qu’en dernier ressort un ministre est là pour trancher, pas pour transcrire la synthèse des propositions qui lui sont faite. « Elle nous a écoutés sans nous entendre », me disait hier un administrateur de biens parisien. Non, elle a écouté, elle a entendu et elle n’a pas été ébranlée sur quelques sujets.

Ensuite, et même si je comprends le sentiment d’échec de celles et ceux qui n’ont pas ménagé leur peine depuis huit mois auprès de Cécile Duflot et qui ne retrouvent pas dans son projet ce qu’ils auraient voulu y lire, les sujets concernés eussent dû être traîtés il y a bien longtemps, et ont maintes fois failli l’être. La preuve? 90% des dispositions intéressant la transaction et la gestion sont des vieilles lunes. Chacune avait fait l’objet d’intentions législatives par le passé, d’origine libérale d’ailleurs pour beaucoup, attestant que le clivage entre la droite et la gauche n’est pas en cause.

L’alternative entre compte unique et compte séparé? Quinze ans qu’on en discute. La forfaitisation des honoraires de syndic? Hervé Novelli avait fait entrer le loup dans la bergerie. La menace de suppression de la part des honoraires de transaction locative à la charge du preneur? Elle avait fait l’objet d’un arbitrage finalement favorable aux professionnels dans la loi Quilliot de 1982. Le mandat exclusif? Le Gouvernement Fillon s’y était attaqué à l’initiative de l’Assemblée Nationale. L’affichage des honoraires de vente dans l’annonce? Une invention de Luc Chatel, alors ministre de la consommation, en 2008, repoussée in extremis par l’auteur de ces lignes lorsqu’il dirigeait la FNAIM. Le conseil national de la transaction et de la gestion? Une création de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la justice, en réaction à l’affaire Urbania. La référence au système allemand de contrôle des loyers? Benoist Apparu l’a faite le premier et Nicolas Sarkozy élu l’aurait également importé.

Bref, la profession a fini par croire que rien ne se passerait jamais, puisque tout avait fini par sombrer. Sombrer, oui, mais pas dans l’oubli. Car ce sont des lames de fond, des sujets qui préoccupent non seulement les pouvoirs publics, mais l’opinion. Je vois que la profession a lancé une pétition auprès du public, ou encore qu’une entreprise leader veut prendre à témoin ses clients, partant du principe que le bon peuple prendra le parti des agents immobiliers et des administrateurs de biens. Je crains que ceux qui le croient dans la profession ne se leurrent. Le public n’a pas, à tort ou à raison, la conviction que tout va bien au pays des services immobiliers. Il ne discerne pas assez la valeur ajoutée, demande toujours plus de transparence sur les actes et les tarifs, et souffre de toute façon d’un pouvoir d’achat dégradé.

La profession, pour une partie d’elle, réagit par des réflexes paranoïaques: on nous en veut. Elle se rassure par le clivage entre Paris et la province: c’est dans la capitale que les pratiques sont criticables, elles sont irréprochables ailleurs. Elle se livre à une analyse rassérénante: on n’aime pas les syndics ou les agents immobiliers, mais on aime le sien. Ou encore: les abus sont exceptionnels, et on les érige en règle. Rien de tout cela n’est bien convaincant. Il faut plutôt, dans la sérénité, profiter de ce projet de loi pour reconnaître qu’il pose les bonnes questions, quitte à proposer d’autres réponses acceptables par le Parlement, et par les clients.

Un exemple? Non, la suppression totale de la part des honoraires de location imputable au locataire n’est pas logique. Oui, ils pèsent trop, et l’indexation mécanique sur le montant du loyer les rend insupportables sur les marchés tendus et après des années de forte augmentation des prix. Que faire? Réfléchir, regarder sans doute aussi si les modèles économiques ne sont pas perfectibles, et en parler avec les députés et les sénateurs. Mais pas nier le problème, ni se sentir blessé qu’on l’aborde. Un autre? Va pour le forfait des copropriétés, mais à un prix réévalué, qui ne pourra s’imposer que par un dialogue avec les associations de consommateurs…et une solidarité sans faille entre les syndics professionnels pour que le dumping ne mette pas à mal les efforts collectifs.

L’ALUR crée un grand chambardement, et ce n’est pas son moindre mérite. Profitons des mois qui viennent pour transformer ce texte en une chance de modernisation commerciale des métiers de la transaction et de la gestion. Car, comme le chantait Guy Béart dans le succès dont j’ai emprunté le titre pour cette tribune: « Un grain c’est peu de choses, mais deux mais dix mais cent, ça c’est intéressant. »

Henry Buzy Cazaux

Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.

Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.

Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.
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