Pour la rénovation énergétique et ses professionnels, le ministère veut frapper fort, il veut avancer vite. Les mesures choc dévoilées en mars se précisent peu à peu. Un arrêté devrait arriver sous quelques semaines avec une entrée en vigueur dès le 1er juillet 2025. Le point sur les nouvelles mesures qui visent à fiabiliser le DPE et ses acteurs, avec l’éclairage de Christophe Demay.
Chose promise, chose due. La ministre Valérie Létard avait promis la plus grande intransigeance à l’égard des diagnostiqueurs peu scrupuleux. Quelques semaines après ses annonces, les mesures choc se concrétisent. La loi anti-fraude arrive en fin de parcours législatif. Adopté par le Sénat début avril bientôt examiné par la Commission mixte paritaire, le texte annonce « des moyens d’identification et de traçabilité des interventions réalisées » pour le DPE. Lesquels ? Pour le savoir, il faudra attendre, la proposition de loi renvoie sur un arrêté à paraître. De même les travaux de réflexion sur la création d’une filière post-bac ou d’un ordre des diagnostiqueurs ont également été lancés. On avance.
Mais pour l’essentiel des évolutions, le ministère travaille actuellement à un projet d’arrêté qui viendra modifier l’arrêté compétence de 2023, le socle de l’actuelle certification DPE.
L’objectif est clair : muscler l’arsenal pour détecter les mauvaises pratiques et y mettre un terme une bonne fois pour toutes.
A travers ce nouveau texte, on devrait ainsi retrouver nombre des mesures annoncées par la ministre en mars : un QR code sur la validité de la certification dès la première page du certificat, l’interdiction de repasser sa certification durant 18 mois en cas de suspension (24 mois pour ceux qui récidivent dans les dix ans), des examens théoriques davantage encadrés et corrigés de façon automatique pour éviter tout biais…
Des contrôles ciblés
Le projet de texte doit aussi permettre aux organismes de certification d’effectuer des contrôles à partir des statistiques de l’Ademe. Par exemple, pour sélectionner (cibler) les rapports à éplucher dans le cadre des contrôles documentaires.
C’est le fameux contrôle automatique des DPE dont on parle depuis quelques mois, destiné à déceler les incohérences. Grâce à l’IA, certaines anomalies et incohérences remonteront automatiquement. A l’Ademe de les signaler aux organismes de certification qui devront instruire le dossier sous certains délais.
Pour un diagnostiqueur qui parcourt des dizaines et dizaines de milliers de kilomètres chaque mois ou qui réalise bien trop de DPE, la réponse sera quasi immédiate. L’organisme certificateur aura une semaine pour demander des explications au diagnostiqueur. Et si la réponse n’est pas probante (ou s’il ne répond pas), la sanction tombe : le certificateur devra procéder au retrait du certificat et informer la Répression des fraudes. Pour d’autres anomalies ou incohérences remontées par l’Ademe grâce au contrôle automatisé des DPE, l’organisme de certification aura un mois pour diligenter les contrôles.
Le pouvoir des certificateurs devrait donc s’en trouver renforcé. En cas de signalement, l’organisme de certification avait déjà —depuis juillet 2024 — la possibilité de déclencher un contrôle supplémentaire (documentaire ou sur site). Le ministère envisage d’ajouter la possibilité pour le certificateur de prononcer une suspension à titre conservatoire lorsque le signalement est grave.
Une chaîne fiabilisée
Autre évolution attendue, la fameuse « liste noire » des diagnostiqueurs. Le sujet a souvent été évoqué au cours des derniers mois, mais en soi, dans sa version actuelle, l’arrêté compétence prévoit déjà une liste des diagnostiqueurs suspendus et radiés communiquée à l’ensemble des certificateurs. Le nouvel arrêté devrait donc se contenter d’une reformulation.
La vraie nouveauté ne concerne donc pas les diagnostiqueurs, mais plutôt leurs organismes de formation. Depuis la réforme de 2020, ceux-ci doivent eux-mêmes être certifiés et régulièrement audités pour dispenser des formations (initiales ou continues) aux diagnostiqueurs. Le ministère souhaite également établir un annuaire qui soit public, avec comme pour les diagnostiqueur, une liste noire des organismes de formation suspendus ou radiés.
L’ambition est bel et bien de fiabiliser tous les maillons de la chaîne de compétence du diagnostic.
La ministre Valérie Létard l’avait annoncé en mars, les organismes certificateurs seront aussi davantage contrôlés par le Cofrac. En pratique, les certificateurs sont aujourd’hui contrôlés tous les 18 mois en moyenne, l’arrêté inscrira, noir sur blanc, un contrôle au moins une fois tous les dix mois.
De même, le projet d’arrêté réaffirme le principe d’indépendance et d’impartialité entre les organismes de certification et de formation. Les organismes de certification comme leur personnel ne doivent n’avoir aucun lien de nature à porter atteinte. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais pour un meilleur suivi, les certificateurs seront tenus à l’avenir de communiquer au ministère sur leurs taux de réussite aux examens, les sujets et les résultats obtenus par sessions. Histoire sans doute de relever aussi les incohérences de ce côté.
Christophe Demay
Diplômé de Science Po, Christophe Demay est tombé dans la marmite du journalisme dès la fin des années 1990. Depuis 25 ans, il est passé par de nombreuses rédactions, d’abord dans la presse généraliste, puis dans la presse spécialisée, secteurs du bâtiment et de l’immobilier. Il a ainsi occupé le poste de rédacteur en chef de Dimag de 2015 à 2021. Co-fondateur du site infodiag.fr lancé fin 2021 et dédié à la transition environnementale du logement, il occupe aujourd’hui le poste de directeur de la rédaction.
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