Même dans un marché en crise, rien ne justifie le dénigrement. À moins de vouloir se tirer une balle dans le pied…
Avec la crise de l’immobilier, tous les acteurs du secteur sont sous pression. Le nombre record de fermetures d’agences parle de lui-même. On comprend aisément que pour certains, signer une affaire de plus ou de moins est devenu vital. Dans ce contexte, même si nous savons tous que « c’est mal », critiquer ses concurrents reste un réflexe courant en période tendue. Mais interdisez-vous de dénigrer vos rivaux, car cela vous pénalise pour au moins deux raisons :
– D’abord parce qu’avoir besoin de dire du mal des autres pour se valoriser soi-même n’est pas très élégant, surtout dans un métier où la confiance est essentielle.
– Mais en plus, en faisant cela, inconsciemment, mais sûrement, vous transformez votre client en allié de votre concurrent…
Eh oui, ce dernier point est l’effet boomerang des critiques gratuites. Et ça, c’est Monsieur Stephen Karpman qui nous l’apprend avec son célèbre « triangle dramatique ». Je vous propose un bref rappel sur le concept avant de revenir sur sa déclinaison concrète face au client.
Le concept du triangle de Karpman
Internet regorge d’articles qui expliquent les façons d’utiliser ce modèle. La majorité de ces articles le présentent sous un angle « RH », voire très « psychologique » avec de multiples subtilités pour interpréter et faire face aux « jeux de manipulation » dans une relation tripartite. Ces articles évoquent les effets pervers de ces situations où des individus s’enferment dans des jeux psychologiques très nocifs. Je vais rester simple et me concentrer sur notre prisme commercial. Mon objectif est que vous ayez ce concept en tête la prochaine fois que la tentation de dénigrer un confrère se présentera.
En résumé, ce modèle schématise trois rôles que l’on peut occuper dans un scénario relationnel classique : Persécuteur, Victime, Sauveur. Certes, ces termes peuvent sembler exagérés dans la majorité des interactions, mais ils ont le mérite de bien marquer les esprits.
Le Persécuteur
C’est la personne qui « attaque » et qui endosse un rôle de « bourreau » en affirmant un point de vue très tranché, en dénigrant ce qui a été dit ou encore plus directement la personne qui a un avis différent ou qui représente une forme de menace.
La Victime
C’est celle qui subit les sarcasmes, les critiques, voire les attaques du persécuteur. Le Sauveur C’est la personne qui vient au secours de la victime. Inconsciemment, elle joue souvent un double rôle en intervenant autant pour apporter de l’aide à la victime que pour se valoriser elle-même, voire se faire plaisir en « tapant » sur le persécuteur…
Dès que l’on comprend ces trois rôles, on peut facilement observer un jeu de chaises musicales en trois temps, comme illustré
dans le schéma ci-contre.
1- D’abord, le Persécuteur « attaque » la Victime ;
2- Ensuite, le Sauveur « attaque » le Persécuteur ;
3- Enfin, la Victime se transforme apparemment en sauveur tout en attaquant à son tour le premier persécuteur.
Je vous assure que, dès que vous avez ce modèle en tête, vous le verrez se reproduire partout, tous les jours. Par exemple, la prochaine fois que vous serez à un repas de famille, prenez un peu de recul et observez… Il y a de grandes chances que vous assistiez à la scène suivante :
Tout commence bien, les échanges sont fluides et cordiaux. Puis, l’un des convives affirme quelque chose d’un peu différent ou de singulier. Vous verrez probablement une autre personne, en désaccord avec ce point, prendre la parole pour le lui dire… de façon plus ou moins directe. C’est le persécuteur qui se manifeste, contestant celui qui s’est exprimé et le transformant ainsi en victime.
Et presque instantanément, une autre personne, le sauveur, intervient pour défendre la victime en s’opposant au persécuteur… Cette petite « valse » dans la sphère familiale est généralement sans conséquence. Mais transposez ce schéma dans un contexte commercial, et vous comprendrez pourquoi critiquer un concurrent revient à lui rendre un grand service.
Dénigrer, c’est soutenir son concurrent
Lorsque vous critiquez un confrère en expliquant à votre prospect à quel point vous trouvez que son approche manque de professionnalisme, vous enclenchez automatiquement le triangle dramatique. Comprendre ce concept, c’est réaliser que lorsque vous dénigrez votre concurrent, que vous ayez raison ou tort importe peu. Vous devenez automatiquement le persécuteur, votre confrère devient la victime, et… vous incitez involontairement mais sûrement votre prospect à endosser le rôle de sauveur, sauveur de votre concurrent. C’est balot !
Dénigrer, c’est augmenter le niveau d’exigence du client
Un autre effet pervers de la critique, c’est qu’elle hausse considérablement les attentes du client à votre égard. En pointant du doigt le manque de professionnalisme de vos concurrents, vous placez la barre bien plus haut pour vous-même. Forcément, le client attendra de vous une performance sans faille. Et le moindre faux pas entre vos promesses et la réalité sera jugé avec encore plus de sévérité.
Dénigrer, c’est compromettre le futur
Les agents immobiliers efficaces sont des acteurs fortement ancrés dans le tissu local. Leur image au coeur des interactions locales est cruciale. Critiquer les autres est un excellent moyen de nuire à sa réputation et de se faire exclure des cercles qui comptent. La vie est longue et le monde est petit… Un bon commercial et à fortiori un agent immobilier ne l’oublie jamais. Le bouche à oreille peut faire beaucoup de bien ou beaucoup de mal. Et cela n’est jamais dû au hasard.
L’effet boomerang de l’élégance
On dit souvent que « qui sème le vent récolte la tempête ». L’inverse est tout aussi vrai. En misant sur l’élégance professionnelle, le respect de ses confrères et en se concentrant sur ses propres forces, l’effet boomerang devient bien plus favorable. C’est ainsi que les meilleurs agents déclenchent un bouche-à-oreille positif, si important pour leur réussite.
Nicolas Caron
Nicolas Caron est auteur et conférencier en performance commerciale. Il a commencé sa carrière par la vente de produits financiers dans des filiales spécialisées de deux grands groupes bancaires.
Il s’est ensuite consacré au métier du conseil et de la formation commerciale. Il a lui-même formé des milliers de vendeurs et organisé le déploiement de centaines de projets de formation.
Ses trois derniers ouvrages Lève-toi et Vends!, Lève-toi et Prospecte! et Lève-toi et Négocie! sont en tête des ventes de leurs catégories depuis leurs sorties respectives. Ils sont aussi les bases des trois conférences éponymes qui sont animées à l’occasion de conventions commerciale, séminaires d’entreprises et autres Kick-off de rentrée commerciale.