Dans le cadre d’une indivision successorale, la conclusion d’un bail d’habitation nécessite l’accord des indivisaires représentant au moins les deux tiers des droits. À défaut, le bail d’habitation signé n’est pas nul mais inopposable à celui qui ne l’a pas signé. Le point sur la jurisprudence récente avec Emmanuelle JAULNEAU, experte en droit immobilier.
Le contexte
Dans le cadre d’une indivision successorale, un bail d’habitation a été consenti par un indivisaire, qui à lui seul ne détenait pas les deux tiers des droits dans l’indivision. Or, selon l’article 815-3 du code civil, la conclusion d’un bail d’habitation nécessite l’accord des indivisairesreprésentant au moins les deux tiers des droits.
Les indivisaires demandent alors la nullité du bail et l’expulsion des occupants. La Cour d’appel de Versailles statue en ce sens. Les occupants se pourvoient en cassation.
La jurisprudence
La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel la majorité des deux tiers des droits dans l’indivision est requise pour la conclusion d’un bail d’habitation par des indivisaires. Elle rappelle également la sanction si cette majorité n’est pas respectée. Il ne s’agit pas de la nullité du bail mais de son inopposabilité aux indivisaires non-signataires. Son efficacité est subordonnée au partage de la succession.
Si le bien est attribué à l’indivisaire qui a consenti le bail, celui-ci est consolidé. En effet, dans ce cas, l’indivisaire est considéré comme ayant eu la propriété exclusive du bien depuis l’ouverture de la succession et donc le pouvoir seul de consentir le bail.
En revanche, si le bien ne lui est pas attribué mais qu’il revient à un autre indivisaire, le bail sera remis en cause et les occupants expulsés.
Cette décision laisse donc planer le suspense sur le sort définitif du bail tant que le partage de la succession n’est pas intervenu. Pour que le bail conserve son efficacité, il faut donc parier sur la possibilité que les héritiers puissent s’entendre sur une répartition des lots cohérente avec l’engagement pris par l’un d’eux.
Et pour votre agence ?
Afin d’éviter, d’une part, d’être confronté à une telle incertitude et d’autre part de se trouver pris dans le cadre d’un conflit familial, en tant que professionnel, il est essentiel que le bail d’habitation soit consenti sinon par la totalité des indivisaires, mais au moins, comme l’impose la loi, par le ou les indivisaires détenant au moins les deux tiers des droits.
Il est donc important que vous puissiez déterminer les droits de chacun. Pensez à demander un acte de notoriété établi par le notaire qui précisera, outre la liste des héritiers, leurs droits respectifs.
N’oublions pas que vous êtes garant de la légalité et de l’efficacité des actes juridiques que vous établissez.
Arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation, 6 mars 2024, 22-11.129