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« Faut-il avoir peur du retour des prêts à taux variable ? » Bruno Rouleau

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Si ce type de prêt avait disparu depuis une dizaine d’années, cette résurgence, encore limitée, pourrait bien se propager face à la pression de la BCE.

photo : Year 2023 business concept. Economic and financial analysis, int

Le marché des crédits a vu réapparaître ces derniers mois des offres bancaires de prêts à taux variable ou à taux révisable. De fait, la Banque Centrale Européenne est inquiète de la sensibilité aux hausses de taux de marché des bilans bancaires du système financier français. Alors, le retour possible des prêts à taux variable ou à taux révisable doit-il faire peur ? Et si oui, pourquoi ?

Taux révisable, variable et fixe : quelles différences ?

  • Le prêt à taux fixe : l’arme absolue de verrouillage de la charge de remboursement. Le principe est simple : l’emprunteur contracte un emprunt sur une durée définie, en contrepartie de quoi, il se voit proposer un taux nominal de prêt unique et figé sur toute la durée de l’emprunt. Pour la banque prêteuse, c’est bien moins simple, car la garantie de maintenir un même taux durant une durée initiale d’emprunt de 20 ou 25 ans ne trouve pas de contrepartie sur le marché monétaire. C’est donc à travers le procédé de transformation que la banque transpose une partie des ressources dont elle dispose ou dont elle a la garde, ou encore par le biais du refinancement, qu’elle va assurer son taux fixe. Ceci est rendu possible et relativement sécure par une stabilité de la duration moyenne des crédits distribués.
    Les dernières années ont permis de proposer des crédits à taux fixe très faibles car la politique de soutien de l’économie par la BCE proposait des taux négatifs aux banques de la zone. Ce n’est désormais plus le cas.
  • Le prêt à taux variable : c’est un prêt consenti sur la base d‘un taux de marché, donc par nature non fixe. Le procédé de variable pur n’existe plus pour les prêts immobiliers aux ménages. Par contre, le principe d’indexation sur un indice de référence mouvant demeure. Ce qui a changé de‐ puis une vingtaine d’années, ce sont les conditions particulières d’imputation de la révision du taux sur l’échéance de remboursement pour l’emprunteur.
  • Le prêt à taux révisable est une variante du prêt à taux variable. En effet, si dans l’architecture d’un prêt à taux variable, l’échéance pourrait être modifiée à chaque paiement, dans un taux révisable, on va attendre une durée plus longue permettant de tenir compte des différentes « révisions » sur la période. En général, cette période de révision est annuelle. Le prêt peut être (et est très souvent) assorti d’une protection à la hausse, ce qui limite le risque de hausse mais renchérit le taux car la banque est contrainte d’aller acheter sur le marché des options qui couvrent cette évolution potentielle sans en prendre ainsi seule le risque. La banque peut aussi proposer une révision avec échéance fixe.

Pourquoi les banques n’ont donc proposé que timidement des taux variables ?

Le sujet de la contrainte possible par la Banque Centrale Européenne de distribuer une part de taux variable dans les projets d’accession au logement avait été anticipé par certaines banques en début d’année 2023. Ce fut un mouvement timide, davantage porté par la conjoncture, et une forme de contournement des freins liés aux taux d’usure, que par une véritable stratégie. D’une part parce que cela aurait provoqué un choc brutal de distribution quasi-voué à un front d’incompréhension de la part des emprunteurs. Comment proposer une telle solution dans un contexte de hausse de taux encore projetée ?

Autre raison, plus sournoise mais tout aussi complexe : la formation des conseillers bancaires aux modalités de fonctionnement et donc aux argumentaires de vente des crédits à taux variable, est à refaire intégralement. Toute la dernière génération de conseillers bancaires n’a jamais été formée ni confrontée à la distribution de prêts de cette nature. Enfin, le sujet prégnant du taux d’usure a été légèrement assoupli du fait de la mise en place de la révision mensuelle de la fixation des taux d’usure par la Banque de France. Le niveau actuel des taux fixes, et leur évolution déjà annoncée, a redonné aux comptes d’exploitation bancaire une perspective moins morose.

Les taux variables sont-ils si dangereux ?

Il faut savoir que depuis la crise financière de la fin des années 2000, les pouvoirs publics ont largement encadré la distribution du crédit à taux non fixe. Depuis 2010, l’emprunteur qui recourt à un prêt à taux variable ou révisable doit être expressément informé de la nature du crédit, et doit avoir une information claire et facile d’accès sur l’indice de référence qui est choisi pour le calcul de la révision des conditions de son emprunt.

De plus, il doit se voir proposer dans son offre de prêt une possibilité de transformer à tout moment l’emprunt en taux fixe. De même l’emprunteur au moment de la souscription du prêt, doit se voir re‐ mettre trois simulations en rapport avec les conditions de variabilité ou de révision. Une qui envisage une hausse de 2 % de l’indice de référence, une qui simule une baisse de 2 % de l’indice de référence, et une troisième, laissée à l’appréciation de la banque prêteuse, au regard du contexte à l’émission de l’offre. Enfin, si l’imputation des variations du taux est convertie sur la du‐ rée initiale du remboursement, l’allongement ou la diminution de la durée en résultant ne peut pas excéder 20 % de la durée initiale.

Dans quels cas souscrire un prêt à taux variable est le moins risqué ?

Certaines situations se prêtent mieux à la souscription d’un emprunt à taux variable ou révisable. La durée de détention potentielle du crédit est un élément. Par exemple, un prêt contracté pour 20 ou 25 ans dont on sait à l’avance qu’il ne sera conservé que 4-5 ans offre un horizon de risques limité. Le projet financé est aussi très important. Il est évident que dans le cas d’un financement d’investissement locatif, la hausse de taux augmenterait le montant des intérêts, mais ceux-ci étant déductibles des revenus locatifs dans une grande majorité des situations fiscales des investisseurs, l’impact est neutralisé.

Enfin, toutes les offres de crédit à taux variable ne comportent pas forcément une clause de révision immédiate des conditions. Certaines banques proposent des prêts avec une période de 6, 8 ou 10 ans à taux fixe, ou à taux figé. De plus, des offres mixtes où la banque associait il y a quelques années une ligne de crédit à taux révisable et une ligne à taux fixe, permettant de réduire le risque en rapport à la durée prévisionnelle de détention du bien (et donc du crédit). En effet, si on rapproche la durée moyenne de détention des biens utilisés à titre de résidence principale en France (très stable depuis un demi-siècle, entre 7 et 8 ans) des durées de remboursement proposées dans les montages, on constate une prise de risque faible, voire quasi-nulle. Enfin, quelque soit l’avis qu’on peut avoir sur l’évolution future des taux d’intérêt, il y a fort à parier que la brutalité et l’ampleur de la remontée des taux ne devraient pas se poursuivre. Et si on évoque les cycles économiques de l’histoire moderne, cela signifierait que de bonnes affaires seraient à réaliser en se positionnant maintenant sur ce type de prêt, mais pas pour tout le monde et pas dans toutes les situations…

 

Bruno Rouleau

Bruno ROULEAU ex Président de l'APIC. Diplômé du CNAM dans le domaine bancaire, il a exercé durant 20 ans au sein de 4 groupes bancaires, où il a occupé toutes les fonctions opérationnelles sur les marchés du Particulier, du Professionnel et des PME. Il a ensuite rejoint l’enseigne de courtage en crédits In&Fi Crédits pendant 5 ans, avec la fonction de Directeur Associé, en charge de la Formation, de l’Assistance et des Partenariats, et a créé In&Fi Crédits Pro et l’IFIB (Institut de Formation des Intermédiaires de Banque) aux côtés de Pascal BEUVELET. En 2010, il rejoint le Comité de Direction Générale, puis le Comité Exécutif de CAFPI, en charge des Grands Accords commerciaux du groupe et de l’Organisation Interne. Il a créé MUTANS CONSULTANTS en septembre 2015, cabinet de formation et de conseil qui accompagnait les entreprises et les réseaux dans leur virage digital, et notamment pour optimiser leur mutation dans la gestion de la Relation Client. Revenu dans le monde du courtage en 2018, il a d’abord retrouvé IN&FI Crédits comme Directeur des Partenariats et porte-parole, avant de passer chez La Centrale de Financement comme Secréta ire Général, et est désormais porte-parole et ancien Directeur de la Stratégie et de l’Innovation chez AFR Financement.
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