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« Droit de préemption et honoraires d’agence », Caroline Dubuis-Talayrach, Avocat.

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En cas de substitution d’acquéreur, les honoraires d’agence sont-ils dus ? Analysons les principaux cas de figure.

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Différents droits de préemption existents et il n’est pas rare, lors d’une vente, que l’acquéreur final ne soit pas celui initialement envisagé. Mais qu’en est-il alors des honoraires d’agence ? Tout dépend du contexte dans lequel la substitution d’acquéreur s’opère.

Droit de préemption des personnes publiques

Droits de préemption urbain, de la SAFER, commerciaux (immeubles, fonds de commerce ou artisanaux, droit au bail) sont des exemples des nombreux droits de préemption au profit d’un organisme public.

En pratique, c’est le rédacteur de l’acte définitif (notaire/avocat) qui procède à la purge. Les honoraires sont dus si la mention des honoraires figure dans l’avant-contrat ET dans le formulaire de purge (Déclaration Intention d’Aliéner ou cerfa n° 644*02 pour la purge du droit de préemption commercial ; Cass. civ, 24 janvier 2006, n°02-18746, cass civ, 26/09/2007, n°-06-17337).

Droit de préemption du locataire à usage d’habitation

Lorsque le propriétaire d’un logement à usage d’habitation délivre un congé pour vente à son locataire, ce congé, à peine de nullité, doit indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Il vaut offre de vente au profit du locataire. L’offre est valable pendant les deux premiers mois du préavis (article 15 loi du 6/7/1989).

A l’expiration des deux mois, le locataire qui accepte l’offre dispose de deux ou quatre mois pour signer l’acte d’achat selon qu’il recourt ou pas à un emprunt (droit de préemption principal).

Enfin si le propriétaire cède à un prix plus avantageux, une offre aux nouvelles conditions doit être réalisée sous peine de nullité de la vente à intervenir (droit de préemption subsidiaire).

Le droit de préemption principal

La jurisprudence est claire : le congé pour vente délivré par le bailleur ne doit pas contenir les honoraires d’agence car les honoraires ne sont pas dus. La jurisprudence est constante depuis 1988 (Cass.1e civ.14/06/1988, n° 86-17557 ; dans le même sens Cass. 3e civ, 3 juillet 2013, n° 12-19442). La sanction est la nullité du congé et donc de l’offre du bailleur (Cass.3e civ.17 décembre 2008, n° 07.15943 ).

Ce principe posé, deux précisions sont à apporter :

  • Les honoraires charge vendeur
    Un locataire avait contesté la validité d’un congé qui n’était pas, à juste titre, « frais d’agence inclus ». Cependant le bailleur était redevable d’honoraires charge vendeur. Le locataire soutenait que le prix de vente avait été fixé en incluant les honoraires qui in fine étaient à la charge de l’acquéreur. Le congé fut jugé valable car « rien ne permettait d’établir que le prix de vente proposé avait été majoré du montant de la rémunération du mandataire (Cass.3e civ. 11 décembre 20123 n° 12-13441).A noter que dans une autre affaire la charge des honoraires s’est également révélée déterminante. En l’espèce, un congé est notifié moyennant un prix de 33 844 € sans indication d’honoraires d’agence. Le locataire ne préempte pas et le bien est vendu au prix de 32 014 € et 1 830 € d’honoraires charge acquéreur. Le locataire conteste, avec succès, la vente au motif que les nouvelles conditions de la vente ne lui ont pas été notifiées, alors que le prix de vente avait été diminué de 33 844 € à 32 014 € (Cass.3e civ.1 juin 2010, n° 09-65557).
  • Pas de nullité sans grief
    La nullité de l’offre et du congé est inopérante en l’absence de grief. Une illustration en est donnée à propos d’un congé pour vente qui avait été délivré « frais d’agence inclus » de sorte qu’il était nul. Cependant il fut jugé que cette nullité n’avait eu aucune incidence sur l’exercice du droit de préemption du locataire.En effet, le locataire avait accepté initialement l’offre de vente au prix « FAI » puis avait proposé un prix très inférieur à celui demandé fut-ce sans honoraires, de sorte que l’intégration des honoraires n’avait pas eu d’incidence sur l’exercice du droit de préemption (Cass.3e. 8 octobre 2015, n°14-20666).

Le droit de préemption subsidiaire

Quand le bien est cédé à un tiers à un prix inférieur à celui notifié initialement au locataire, il convient de purger auprès du locataire un droit de préemption subsidiaire. Dans ce cas, jusqu’en 2023, les cours d’appels jugeaient que l’agence avait droit au paiement de ses honoraires car son intervention était déterminante. En effet, c’est la négociation à la baisse, par l’agence, du prix de vente qui a incité les locataires à préempter et à être subrogés dans les droits des acquéreurs de la promesse (CA Paris, CH 02, 7 janvier 2009, n° 07/20090, CA Aix en Provence, 4/2/2014, n° 13-06869).

Malheureusement la Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et refuse à l’agent immobilier la rémunération de son intervention (Cass.3ème civ.15 février 2023, n°21-21446).

Droit de préférence du locataire à usage commercial

Depuis 2014, le locataire d’un local à usage commercial ou artisanal bénéficie d’un droit de préférence lorsque le propriétaire envisage de vendre un local. Il doit alors notifier au locataire une offre de vente indiquant le prix et les conditions envisagées. Le locataire dispose d’un mois pour accepter l’offre, la vente devant intervenir dans un délai de deux à quatre mois selon qu’il ait recours, ou pas, à un prêt. Si la vente intervient au profit d’un tiers à un prix ou des conditions plus favorables, les nouvelles conditions doivent être notifiées au locataire (L 145-46-1 du Code de commerce).

Les premiers contentieux sur ce texte et les honoraires d’agence nous apprennent que (Cass.3e civ28/06/2018, n° 17-14605) :

  • dès qu’il a l’intention de vendre, c’est-à-dire avant d’avoir une offre d’achat, le bailleur doit notifier au locataire le prix et les conditions de la vente ;
  • cette offre d’achat doit être sans honoraires d’agence ;
  • le droit de préférence du locataire commercial est d’ordre public.

D’autres décisions nous éclairent sur le périmètre de ce nouveau droit de préférence en matière commerciale… mais ce sera l’objet d’un autre article.

 

Caroline Dubuis Talayrach

Caroline Dubuis Talayrach
Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de :
- Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic
- Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux
- Droit de l’agent immobilier : Conseil et rédaction des actes d’achat/vente de cabinets, formation professionnelle, exercice professionnel, honoraires, création de savoir-faire métiers

Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre
Basé à Aix en Provence j'interviens sur toute la France.
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