Les acquéreurs d’un immeuble, échouant à démontrer que leurs demandes de prêt sont conformes aux exigences prévues au titre de la condition suspensive, doivent indemniser l’agent immobilier de sa perte de chance de toucher sa commission, le bien ayant été vendu depuis.
Pour mémoire, la Cour de Cassation considère que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-23.915 ; Cass. 1re civ., 9 déc. 2010, n° 09-69.490).
De plus, le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne fait pas obstacle à ce que l’agence immobilière, qui n’invoque pas l’exécution du mandat la liant à l’acquéreur, sollicite l’indemnisation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle et notamment de la perte de chance de percevoir ses honoraires (Cour d’appel, Douai, 1re chambre, 1re section, 24 Octobre 2019 n° 18/02519).
Pour mémoire, la Cour de cassation a admis en 2008 que « même s’il n’est pas débiteur de la commission, l’acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l’agent immobilier, par l’entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l’avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice » (Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 Mai 2008 – n° 07-12.449)
En l’espèce, la faute contractuelle pour les acquéreurs d’un immeuble à démontrer que leurs demandes de prêt sont conformes aux exigences prévues au titre de la condition suspensive, a en effet causé un préjudice délictuel à l’agence immobilière, lui donnant droit à réparation bien qu’aucun contrat ne la lie aux acquéreurs.
Sa perte de chance est considérable dans la mesure où elle bénéficiait initialement d’un mandat exclusif lui garantissant sa rémunération, et où la vente a finalement eu lieu, un an après, entre les mêmes parties.
Cette perte de chance sera donc fixée à 90%.
L’éventuelle bonne foi des acquéreurs, qui auraient manifesté auprès de l’agence leur intention de continuer leurs démarches bancaires, n’est pas de nature à interférer sur l’appréciation ainsi faite.
Cour d’appel, Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 11 Mai 2021 n° 18/16859
Maître Gabriel NEU-JANICKI, est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet NEU-JANICKI. Son cabinet est dédié aux professionnels de l’immobilier (mandat, vente, baux commerciaux, baux d’habitation, copropriété). Ancien Enseignant à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne en « Baux commerciaux », il est l’auteur d’articles de doctrine et de contributions régulières en baux commerciaux et professionnels..
Il est également Membre de la Royal Institution of Chartered Surveyor et anime de nombreuses conférences et formations à destination des professionnels de l’immobilier.
Cher Maître, merci pour cet article. En d’autres termes, cela signifie-t-il que dans le cadre d’un mandat exclusif, un acquéreur ayant recouru à un prêt bancaire, et ne l’ayant pas obtenu, l’agence peut demander « réparation » à son client, en prétextant que le temps perdu (soit 2,5 mois au minimum), minimise considérablement les chances de gagner sa rémunération ? d’autant plus que dans ce cas de figure, le mandant fera très certainement appel à une autre agence.
D’avance merci pour votre éventuelle réponse…
Par FRANCFORT OLIVIER, il y a 4 années
Cher Maître, merci pour cet article. En d’autres termes, cela signifie-t-il que dans le cadre d’un mandat exclusif, un acquéreur ayant recouru à un prêt bancaire, et ne l’ayant pas obtenu, l’agence peut demander « réparation » à son client, en prétextant que le temps perdu (soit 2,5 mois au minimum), minimise considérablement les chances de gagner sa rémunération ? d’autant plus que dans ce cas de figure, le mandant fera très certainement appel à une autre agence.
D’avance merci pour votre éventuelle réponse…