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« L’agence de demain sera mutante », Nathalie Gardes Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux

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Dans un monde sans contact, quelles transformations opérer et quel business model adopter pour une agence compétitive ?

photo : agence mutante

Traités comme des lieux de vie (espace café décloisonné, salon cosy dans lesquels s’insèrent les technologies digitales), les nouveaux concepts d’agence étaient pensés pour être rassurants et innovants. Entremêlant digital et humain, ils permettaient de répondre aux besoins d’autonomie, d’hédonisme, de confidentialité et de liens sociaux des clients.

Dans le contexte actuel, ce modèle s’avère inadapté aux nouveaux comportements et exigences réglementaires induits par la crise sanitaire. Gel, masque, distanciation font désormais partie de notre quotidien et esquissent les contours d’une nouvelle tendance hygiéniste, berceau d’un foisonnement d’innovations .

Autant dire que le Clean and Safe a le vent en poupe et s’impose aux organisations. Si nombre de ces changements de comportements pourraient être seulement temporaires, certains risquent de devenir permanents : l’adoption de l’expérience digitale et la culture hygiéniste ne s’inverseront probablement pas. L’agence expérientielle fondée sur un  modèle relationnel de proximité – levier de la différenciation concurrentielle des agences traditionnelles face aux mandataires et autres low-cost – doit modifi er son ADN pour ne pas disparaître.

Les quatre impératifs de l’avantage concurrentiel

Dans le nouveau monde qui se dessine, être agile/ flexible, « tendu » et orienté client sont plus que jamais les leviers de l’avantage concurrentiel. Pour atteindre ces objectifs, les agences vont devoir adopter une philosophie du lean entendu comme un ensemble de principes organisationnels construits autour d’une logique de rationalisation.

Produire de la valeur à l’avenir dépendra, d’une part, de la capacité de l’agence à travailler en flux tendu, sans
attente, pour maximiser le ratio temps travaillé/temps total ; d’autre part, de sa capacité à éliminer tout ce qui ne produit pas de valeur pour le client, pour optimiser le ratio temps utile/temps travaillé. Ceci implique de :

1. Accélérer la digitalisation pour le client avec, en ligne de mire, une expérience irréprochable :   l’émancipation des contraintes de temps et de présence sont des nécessités, en témoigne l’enthousiasme pour les applications asynchrones (visite virtuelle, signature électronique, estimation en ligne, serrure connectée). L’omnidigital (texto, chatbot, mail, visio), qui sous-tend un aspect fort de la connectivité, constitue un enjeu majeur pour les agences.

2. Repenser dans sa globalité l’ensemble du parcours client. Avec la transformation des conditions d’exercice du métier (distanciation physique, port du masque, développement des parcours et interactions virtuels), la relation doit se réinventer (postures vendeurs, process et outils commerciaux) pour construire une confiance à distance.  Derrière le masque ou l’écran, la boîte à outils de la communication corporelle fondée entre autres sur l’expression du visage ne fonctionne plus. La lecture des émotions se complique. Les comportements de civilité emprunteront d’autres chemins, les yeux deviendront plus expressifs pour signifier son empathie.

3. Donner au conseiller les moyens de la coordination des solutions et processus fournis au client. Sur ce point l’IA ouvre de belles perspectives avec une meilleure exploitation de la donnée et de la connaissance du client. L’agent immobilier augmenté pourra en temps réel offrir un conseil personnalisé et des analyses prédictives. En libérant le temps commercial et en effectuant en lieu et place du conseiller des tâches simples, répétitives et à faible valeur ajoutée, il pourra se recentrer sur le client et produire un service à forte valeur ajoutée en termes d’accompagnement et de suivi. Cela implique une transformation des postures managériales et culturelles.

4. Adopter une démarche full service. Pour rester compétitif, l’agent immobilier devra se positionner en tant que constructeur d’écosystèmes autour des moments clés du client. Dans cette philosophie, il conviendra de compléter l’offre de services actuelle et d’intégrer verticalement des services non immobiliers dans une optique de résolution de problèmes. L’idée est de proposer un large éventail de solutions et de s’associer avec des acteurs de la proptech afin d’élargir l’offre et d’accéder à une cible de clientèle plus importante. L’agence de demain sera à  géométrie  variable, ses frontières seront floues et mouvantes au gré de l’évolution des accords.

Les réseaux de franchise en première ligne

Les agents immobiliers vont devoir opérer leur mutation pour répondre aux nouvelles tendances et comportements de consommation (culture hygiéniste, adoption de l’expérience omnicanale digitale, sensibilité écoresponsable accrue). Des investissements importants devront être entrepris pour monter le niveau de jeu. Les grands réseaux oeuvrent dans ce sens en mettant à disposition de leurs franchisés des ressources (formations, boîtes à outils numériques, dispositifs intégrants l’IA…) pour accroître la qualité de service et la productivité des collaborateurs et maximiser ainsi leur rentabilité. La notion de service étendue est au coeur même de leur stratégie.

Ils développent des stratégies multipartenariales, multiservices digitales et agiles pour apporter une valeur différenciée au client final.  S’apparenter à un réseau pourrait à l’avenir être une question de survie. La franchise doit se penser en termes d’investissements et non en termes de dépenses.


  1. https://www.businessinsider.fr/us/chinese-car-company-geely-creates-filtration-system-for-coronavirus-2020-2
    https://www.mascotto.fr/
    https://www.lsnglobal.com/news/article/25356/covid-19-a-sterilisation-lamp-designed-for-the-home
    https://www.probent.com/keyck
  2. Le développement d’une logique de qualité optimale de service repose sur l’accumulation d’informations qualitatives et de connaissances idiosyncrasiques issue de la relation.
  3. « Wearing face masks strongly confuses counterparts in reading emotions », Claus-Christian Carbon, PsyArXiv.

Nathalie Gardes

Nathalie Gardes est Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux, elle est titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches.
Elle publie dans différentes revues scientifiques en marketing stratégique.

Responsable de la licence professionnelle métiers de l’immobilier option transaction et commercialisation de biens immobiliers à l’IUT de Bordeaux, elle dispense des cours en stratégie et marketing immobilier.
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Vos réactions
  • Par N&M IMMO DECO, il y a 4 années

    Je pense au contraire qu’après cette crise, les clients auront besoin d’un réel contact physique avec leur agent immobilier. Les grandes franchises, souvent impersonnelles, n’offriront jamais autant dans ce domaine qu’une petite agence indépendante plus proche de ses clients. Et n’oubliez pas que ce que les gens recherchent dans les grandes villes et souvent différent de ce qu’ils recherchent en province.

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