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« Loyers : observer n’est pas encadrer ! « , Jean-François Buet, président de la FNAIM

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photo : Jean-François Buet, président de la FNAIM

On attend d’une semaine à l’autre le décret relatif à l’encadrement des loyers, à prendre en application de la loi ALUR du 24 mars 2014. Ce texte précisera comment, à partir des statistiques collectées, seront calculés les loyers de référence, qui serviront de base aux loyers de référence majorés. Il définira également comment seront fixées les caractéristiques particulières permettant des suppléments de loyer. Enfin, un arrêté préfectoral concernant Paris, à titre expérimental et provisoire, installera un encadrement sur la base des loyers de références. Ce dispositif règlementaire fera suite à la reconnaissance par l’Etat de l’observatoire existant sur le territoire de l’Ile-de-France, l’OLAP (observatoire les loyers de l’agglomération parisienne). Cet observatoire sera en outre enrichi par les données fournies par la FNAIM et émanant de ses adhérents.

L’imminence de l’encadrement des loyers dans la capitale rouvre le débat sur la pertinence de limiter les loyers d’habitation dans d’autres grandes villes, dont le marché est tendu, c’est-à-dire souffre d’un déséquilibre important entre une offre insuffisante face à une demande soutenue. La FNAIM a toujours considéré ce mécanisme inutile et dangereux. L’inutilité est déjà prouvée par les évolutions récentes du marché locatif national: sous l’effet de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages et de la dégradation des conditions économiques générales, les loyers de relocation dans l’ensemble des métropoles ont baissé. En clair, le marché sécrète ses propres anticorps sans qu’il soit besoin de le juguler ou de le corriger.

En outre, l’encadrement est dangereux parce qu’il dissuade les investisseurs: le manque de liberté est aux yeux des acteurs économiques le pire des cancers, et à choisir entre deux placements, ils opteront pour celui qui les laisse piloter sans contraintes, ce qui ne veut pas dire sans réalisme économique et social, loin s’en faut.

La loi ALUR a disposé que tous les territoires denses devraient bâtir un observatoire des loyers fiable. Elle l’a fait avec la double préoccupation de la connaissance et du contrôle. Désormais, l’enjeu pour les pouvoirs publics va consister à maintenir cette corrélation entre observation et maîtrise règlementaire, ou à la nuancer. Le Premier ministre, prenant ses fonctions et promettant de rectifier dans la loi ALUR ce qui était nuisible au bon fonctionnement du marché, a dit avec sagesse que l’appréciation de ce lien se ferait par les élus locaux. Qui mieux qu’eux peut juger de l’utilité d’un plafonnement autoritaire si le marché ne s’autorégule pas ?

Au-delà de ces considérations de gouvernance politique, il est essentiel d’appréhender la complexité des marchés locatifs, qui s’accommode bien mal de la rusticité règlementaire. Le législateur a voulu que les caractéristiques particulières d’un logement puissent être prises en compte dans le calcul du loyer et justifier d’une majoration. Il semble ainsi que, là où sera mis en place l’encadrement par arrêté, le complément de loyer pourrait être défini par des critères spécifiques qui n’ont pas servi à fixer les loyers de référence. En somme, c’est au préfet qu’il incomberait de mesurer le caractère exceptionnel d’un logement ! Cela est évidemment irréaliste. A Paris on verrait très vite l’impossible application de ce dispositif public. On risquerait même de le voir plus qu’on le verrait ailleurs : les biens atypiques, de standing, avec des vues remarquables, avec des prestations hors normes, y sont plus nombreux que dans n’importe quelle ville.

Quoi qu’il en soit, tout s’est passé au moment du vote de la loi ALUR comme si le législateur s’était aperçu qu’il fallait mettre de l’intelligence dans la brutalité aveugle des normes règlementaires. Il l’avait même écrit en des termes que le Conseil constitutionnel a censurés: le mot « exceptionnel » ouvrait la porte à la rupture d’égalité. Le seul problème est que le préfet ne sera pas compétent pour comprendre les ressorts du marché. Cette compétence est l’apanage des agents immobiliers et des administrateurs de biens. Pour cette raison aussi, l’encadrement, fût-il nuancé, ne convient pas au marché.

Pour le reste, on ne dit pas assez que la connaissance est un rempart contre les dérives. Il ne fait aucun doute que le marché locatif français a pâti de l’absence de statistiques fiables et qu’il fallait que les territoires se dotent d’observatoires. La FNAIM et ses adhérents joueront le jeu de l’alimentation de ces observatoires, non pas parce que c’est désormais une obligation légale, mais par conviction économique. D’ailleurs, c’est la structure du marché qui est porteuse à cet égard du risque d’aberration dans la fixation des loyers: une location sur deux est faite de gré à gré, sans l’intermédiation d’un professionnel. Les mandataires ont un rôle modérateur, comme ils savent ajuster le prix d’un loyer aux caractéristiques particulières du bien. Se passer d’eux revient à risquer la déconnexion. En l’absence même d’observatoire, le professionnel connaît les prix du marché local, et sait aussi les rapprocher des capacités contributives moyennes des candidats locataires. L’approche statistique sera à cet égard un rempart supplémentaire contre les excès, spécialement ceux des particuliers, sans repousser les investisseurs. Au contraire, les observatoires vont faire du marché locatif ce que les économistes nomment un « marché expert », c’est-à-dire dans lequel les acteurs voient clair, par conséquent plus rassurant et attrayant. ©byBazikPress

 

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