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Crise des subprime : quels risques pour la France ?

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Eté de tous les dangers. Grave crise financière mondiale. Que n’a-t-on lu ou entendu au cours de la fin de l’été à propos du chahut sur le Marché monétaire ? Le point de vue de Bruno Rouleau, directeur de la formation et des partenariats In&Fi sur les conséquences directes de cette crise notamment en matière d’immobilier.

La crise américaine est-elle contagieuse en France ?

Non. Primo, parce que le marché immobilier français n’a rien à voir avec son homologue outre atlantique. Pas la même organisation, pas les mêmes règles, pas tout à fait les mêmes acteurs et surtout pas encore le même niveau de prix, quand bien même le marché français s’est apprécié de plus de 80% ces 6 dernières années. Secundo, parce que si la précarité tend à gagner du terrain en France, l’essentiel des propriétaires sont des emprunteurs « solvables », qui ont obtenu leurs crédits sur la base des revenus du foyer et non selon la valeur de la garantie immobilière.

Et lorsque les crédits sont en cours d’amortissement, la plupart des contrats, notamment pour les revenus plus modestes, sont assortis d’assurances perte d’emploi. Tertio, la pression de la demande de logement reste très forte. Le déficit s’établit aux environs de 500 000 par an sur une dizaine d’années. En cas de revente «forcée», le bien immobilier trouverait encore facilement preneur.

2 millions d’américains saisis sont à la porte de leur logement. Cela est-il envisageable en France ?

En France plus d’un tiers des propriétaires – on parle bien ici de la résidence principale – ne portent plus d’endettement au titre de cette nature d’investissement. Aux Etats-Unis, la quasi totalité des propriétaires supporte un encours de prêt, si ce n’est au titre de l’accession, c’est au titre d’un crédit hypothécaire de trésorerie.

Ensuite, rappelons que l’analyse du risque par les prêteurs se fait en France avant tout sur l’endettement et le risque de remboursement, pas sur la valeur de la garantie. Il n’y a donc pas de raison que le risque s’aggrave spécifiquement du fait de cette crise ou des octrois de crédit récents.

De plus, malgré la loi qui autorise les banquiers prêteurs américains à vendre en saisine immobilière les logements, l’objectif est tout de même d’assurer la vente à des conditions de prix acceptables. La profusion de ventes aux enchères fait mécaniquement baisser le prix des transactions, et les prêteurs n’ont rien à y gagner.

Enfin, la législation sur les procédures de saisine immobilière a récemment changé en France. Si l’esprit de la loi est d’accélérer pour le prêteur le délai de recouvrement de ses fonds, les textes protègent le débiteur en favorisant la transaction directe et l’obligation de l’usage de tous les recours amiables préalablement à la voie judiciaire.

Le durcissement des conditions de crédit ne fragilise t-il pas les emprunteurs français ?

Si les arguments évoqués ci dessus plaident pour l’apaisement des angoisses quant à la contagion de la crise immobilière américaine en France, je ne dis pas que cela ne pourra jamais se produire un jour en France.

D’une part, parce qu’en effet sous la pression de la demande, et compte tenu de la hausse des taux d’intérêts de ces derniers mois, la seule donnée qui peut varier est la durée des crédits. En l’espace de quatre à cinq ans, la durée moyenne des prêts, est passée de 17 à 22 ans, et depuis 2 ans près d’un prêt sur deux est contracté pour une durée supérieure à 25 ans. Cela signifie que les endettements vont désormais courir, théoriquement, tout le long de la vie professionnelle d’un travailleur.

D’autre part, l’allongement de la durée des crédits signifie aussi l’émergence des taux révisables au sein de l’endettement. Jusqu’ici les prêts pour le logement sont, à environ 90%, contractés au travers de taux fixes. C’est une particularité française, mais c’est aussi parce que les durées courtes (15-20 ans) permettaient aux banques de supporter le risque.

Avec des durées de 35-40 ans, elles sont dans l’incapacité de couvrir ce risque sur le marché (pas de contrepartie sur ces termes), et leur visibilité est très faible. Elles peuvent choisir, soit de maintenir des taux fixes mais à des niveaux élevés, au risque de ne pas attirer les emprunteurs, soit à des niveaux plus agressifs mais en provisionnant le risque de taux. Ceci signifierait que contrairement aux taux variables, ce ne serait plus le client qui prendrait le risque de hausse, mais la banque. Or je n’imagine pas les banquiers, compte tenu de leurs objectifs de productivité et de profits, poursuivre dans cette direction. D’autant que la circulaire « Bâle II » à compter de Janvier 2008 va renforcer les obligations de provision. Elles vont donc s’orienter vers des productions en taux révisables, plus ou moins sophistiqués et assortis de sécurités, afin de gérer leurs risques tout en rassurant les clients.

Enfin, les rapports des français au crédit évoluent. La capacité d’épargne a reculé de 4 points en 2 ans et le taux d’endettement frôle les 60% tandis qu’il était à peine de 45% il y a une dizaine d’années. On est encore loin des 110 ou 120% anglo-saxons.

La crise financière va t-elle accentuer le ralentissement des prix observé depuis un an ?

Après six à sept années de fortes hausses, le marché ne pouvait continuer d’afficher de telles variations annuelles. Il se régule par l’offre et la demande. La demande tient compte de la solvabilité des emprunteurs, et celle-ci à ses limites. Toutefois, je ne comprends toujours pas comment des analystes peuvent pronostiquer des baisses de prix de 15 à 20% dès 2008.

La demande est très forte, et elle n’est pas compensée par l’offre locative qui a calé l’évolution des loyers sur celles des prix du foncier, tout en durcissant ses conditions d’accès, notamment en termes de garanties. D’ailleurs, les chambres des Notaires notent le bon maintien des prix dans l’ancien au sein des grandes métropoles.

Pour les programmes dans le neuf, il faut tenir compte des délais de livraison, de l’incidence des investisseurs dans la proposition des biens vendus, et de la qualité des programmes. Sans doute, la défiance a-t-elle contribué à faire davantage réfléchir les accédants, et donc obligé les constructeurs à faire des efforts de prix sur le bouclage des derniers lots.

Le facteur psychologique risque de peser lourd au cours des prochains mois. Les candidats à l’accession demanderont plus d’informations, boucleront leurs plans de financement avant la signature d’un contrat de réservation, négocieront davantage les prix ou feront traîner leur décision finale à l’occasion d’autres recherches. Mais les bons produits, au prix du marché, partiront aussi bien et dans des délais convenables. Le consommateur est bien plus pratique et réfléchi qu’il n’est souvent décrit.

Pourquoi certains professionnels sont-ils aussi inquiets sur le marché français ?

Il est donc vrai de dire que tout ne va pas si mal que cela, quand bien même les délais de vente de sont légèrement allongés et que le niveau de transactions peine un peu, accentué en cela par la saisonnalité de l’automne, par la forte densité d’intervenants professionnels et par la montée en puissance des ventes entre particuliers.

Le seul vrai risque pourrait venir du resserrement des conditions d’accès au crédit par les banques. Celles-ci ont, pour près d’une sur deux, annoncées qu’elles avaient procédé à un durcissement des critères d’octroi des prêts depuis le mois d’août. Sans doute pour des questions internes de qualité de leurs risques à l’approche de « Bâle II », et suite aux mises en garde après l’avènement de la crise des « subprime » de cet été, mais aussi pour coller avec la dérive possible évoquée cidessus à l’occasion de l’allongement de la durée des prêts. Cependant l’apaisement sur les taux d’intérêts dits «courts» de fin Octobre et la forte concurrence dans la perspective des objectifs commerciaux de l’année 2008 commencent à faire leurs effets dans l’agressivité des offres.

Pour produire des résultats, les banques doivent continuer à commercialiser des crédits. Il n’y a donc pas de raison que les banques ferment le « robinet » des prêts immobiliers. Tout au plus se montreront-elles un peu plus prudentes… à l’image de leurs clients.

Bruno Rouleau

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