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Bien travailler en inter-cabinets

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Malgré une réputation très individualiste, les agents immobiliers français ont pris conscience qu’ils devaient s’organiser et travailler la main dans la main. Depuis quelques années, les mentalités changent. Et même si tout n’est pas parfait, SIA, FFIP, bourses de l’immobilier et autres… gagnent du terrain.

Comment gagner des parts de marché sur les ventes entre particuliers ? Une question récurrente chez les agents immobiliers français. D’autant qu’un peu plus de la moitié seulement des ventes passe par leur intermédiaire. Selon le réseau Era Immobilier, 60 % des transactions seraient aujourd’hui réalisées grâce à leur concours. Un score qui s’améliore, certes, mais qui est loin d’atteindre celui de certains de leurs homologues étrangers. Aux Etats- Unis, en Grande Bretagne et en Irlande, ce taux atteint 90 % ; en Suède, 85 % et aux Pays Bas, 75 %… La France ne fait donc pas figure de bon élève en la matière, même si elle fait mieux que l’Allemagne (30 %), l’Espagne (40 %) et l’Italie (42 %). « Si l’on table sur 620 000 transactions par an et que la part du marché des particulier s’élève à 40/45 %, on peut considérer que 280 000 environ échappent aux agents immobiliers, explique notre consultant Gérard Bornot. Le montant moyen d’une commission s’élevant en moyenne à 8 000 euros, les professionnels perdent un chiffre d’affaires de 2 à 3 milliards d’euros». A cette situation plusieurs raisons.

Tout d’abord, la commission que les vendeurs estiment trop élevée et qu’ils préfèrent donc éviter de payer. Ensuite, le comportement des agents immobiliers eux-mêmes qui se livrent une concurrence parfois redoutable, conduisant souvent à la surenchère pour atteindre leur but : décrocher des mandats ! Qui plus est des mandats simples dont on sait qu’ils sont loin de toujours déboucher sur une vente. D’autant que pour un même bien mis en vente, il peut exister jusqu’à cinq ou six mandats et des prix différents d’une vitrine à l’autre. Ceux-ci ne génèrent, en effet, qu’une vente sur cinq ou six alors que les mandats exclusifs enregistrent un taux de transformation de plus de 50 %. Bref, le mandat simple crée un climat de concurrence malsaine. Il donne une mauvaise image de la profession. De fait, si les vendeurs rechignent à passer par les professionnels de la transaction et à leur verser une juste rétribution, c’est avant tout parce qu’ils n’ont pas le sentiment de bénéficier, en contrepartie, d’un réel service. Les professionnels se devaient donc de réagir et de s’organiser pour contrer les particuliers. D’où le développement du travail en intercabinets et le partage de fichiers communs.

Aux Etats-Unis, les professionnels effectuent 90% des transactions. En France, on peut considérer que 280.000 transactions échappent aux agents immobiliers.

A l’image de ce qui se fait depuis une vingtaine d’années aux Etats-Unis avec le Multiple listing systems (MLS) capable de rassembler dans un même secteur 90 à 95 % de l’offre disponible à la vente. En France, la méthode ne date pas non plus d’aujourd’hui. Pour preuve le réseau Orpi. «La raison d’être d’Orpi, dès l’origine, a été de créer un fichier commun de professionnels», lance son président Bernard Cadeau. D’autres expériences ont également fait leurs preuves, celles des bourses de l’immobilier dont certaines sont très actives comme celle de Dijon et de sa région.

Depuis le début des années 2000, sont apparus les SIA (Services inter agences) initiés par la Fnaim et les FFIP (Fichiers français immobilier des professionnels) émanation de quelques grands réseaux (Century 21, Orpi, Laforêt, Guy Hoquet…) et de syndicats professionnels (SNPI, Cnab), rejoints depuis par d’autres réseaux (Solvimo, Avis, Cimm Immobilier, Keops…). Force est de constater que le travail en inter-cabinets a de nombreux avantages. Cette pratique remet acquéreur et vendeur au coeur des préoccupations de l’agent immobilier. En confiant son bien en exclusivité à un seul professionnel, le vendeur le voit ainsi diffusé à l’ensemble des agences partenaires du groupement. Ce qui lui offre de meilleures chances de vendre rapidement. En poussant la porte d’une seule agence, l’acquéreur bénéficie également d’une offre élargie à l’ensemble du secteur qui l’intéresse.

Quant à l’agent immobilier, il y trouve évidemment son compte. Puisque la « booster » les mandats exclusifs. De fait, les agents immobiliers ne sont plus concurrents mais partenaires. Et force est de constater que les résultats sont plutôt encourageants. Une agence qui ne pratiquait pas le mandat exclusif peut voir son offre grimper à 20 ou 30 %. Et ce n’est qu’un début. A l’heure où le marché immobilier ralentit et où la clientèle est plus difficile à capter, le travail en inter cabinet est sans doute l’avenir de la profession. Mais comment ça marche ? Décryptage.

A qui s’adresser ?

Il y a bien sûr les SIA ou les FFIP auxquels il est possible d’adhérer rapidement, ces structures existant dans la plupart des départements. Pour adhérer à un SIA, il faut en principe être membre de la Fnaim, mais dans certains SIA locaux aucune distinction n’est faite entre adhérents Fnaim ou non. A l’échelon local, il existe aussi de nombreux groupements d’agences indépendantes ou appartenant à des réseaux qui se sont réunis en GIE ou en association ayant pour vocation la mise en commun de fichiers.

Le SIA en chiffres : 65 départements couverts en France 165 bassins d’activités en place Près de 2 000 agences 21 000 mandats exclusifs

C’est par exemple le cas d’une cinquantaine d’agences réunies au sein d’une Bourse de l’Immobilier dans la région de Dijon. Des Bourses de l’Immobilier ont également été créées grâce à Imminence, dans la région de Nice. Les Agences Réunies en ont fait tout autant en Seine-et-Marne, à Paris et en région parisienne. Rien n’interdit donc de créer son propre groupement avec d’autres confrères pour mettre un fichier en commun sur un bassin de vie précis. Cela nécessite néanmoins quelques formalités : montage d’une association, statuts, règlement intérieur, charte…

Pour quels profils d’agences ?

« Toute agence peut adhérer à un SIA que son volant d’activité soit ou non important, note Gilles Ricour de Bourgies responsable du SIA à l’échelon national. Une petite agence qui n’a qu’une vingtaine de biens à la vente peut ainsi étoffer son offre en rayonnant sur un secteur plus large que celui qui est a priori le sien ».

Le FFIP en chiffres : 83 départements couverts en France 265 bassins d’activités Plus de 2000 agences 22 000 à 23 000 mandats exclusifs

Même politique au FFIP. « On y trouve aussi bien des agences en réseau que des indépendants », précise-ton en haut lieu. Mais sur le terrain, il n’en va pas toujours ainsi. « Pour notre part, on privilégie les agences en réseau qui ont des méthodes de travail assez proches les unes des autres, indique Jean-Luc Castanet, membre d’un FFIP dans la région de Toulouse, les indépendants n’ont pas la même philosophie que nous ». Les groupements indépendants ont parfois d’autres règles. Ainsi, au GIE Bourse de l’Immobilier de Dijon, une agence qui adhère est forcément membre de la Fnaim. Dans d’autres groupements, d’autres règles s’y ajoutent. « L’agence doit postuler et s’il existe déjà une agence dans le périmètre, celle-ci doit donner son aval à l’entrée de la nouvelle », note pour sa part Thierry Faure du GIE des Agences Réunies à Paris et en région parisienne.

A quelles conditions ?

Il va sans dire que l’agent immobilier qui veut adhérer à un fichier commun, quel qu’il soit, doit exercer la profession légalement, selon les dispositions de la loi Hoguet du 2 juillet 1970. Ce qui signifie qu’il doit être titulaire de la carte de transaction et disposer de garanties (détention de fonds, assurance, etc). Il doit aussi respecter le règlement intérieur du groupement et une charte de bonne conduite qui fait référence à la déontologie de la profession.

Combien coûte l’adhésion ?

L’adhésion à un fichier commun entraîne le paiement d’une cotisation, au demeurant assez modique. Elle varie en fonction de chaque structure et du nombre de mandats (exclusifs uniquement) mis en commun. « Dans chaque association SIA, il y a une cotisation à verser qui oscille entre 200 et 800 euros par an », indique Gilles Ricour de Bourgies. A cela, il faut ajouter une contribution également variable qui tient au plan d’animation et de publicité établi par chaque SIA. « Il en coûte autour de 200 euros par an, mais certains SIA font appel à des sociétés extérieures pour se faire aider dans leur animation sur certains gros bassins de vie », poursuit Gilles Ricour de Bourgies. Dans ce cas, la facture peut atteindre 1 000 à 1 500 euros». Même principe au FFIP ou au GIE Les Agences Réunies de la région parisienne. « En ce qui concerne notre GIE qui se compose de 37 agences, nous votons un budget annuel qui s’équilibre autour de 100 euros par adhérent », précise Thierry Faure.

Pour quels types de mandats ?

Si chez Orpi, le travail en inter cabinet concerne tous les types de mandat, qu’ils soient simples ou exclusifs, dans tous les autres cas, l’adhésion à un fichier commun implique l’obligation de mettre en ligne l’ensemble de ses mandats exclusifs, qu’il s’agisse d’habitation, de locaux industriels, de bureaux… Une façon d’éliminer la concurrence malsaine. Chaque agent qui ne peut satisfaire un client avec ses seuls biens peut ainsi puiser dans le fichier commun et faire en sorte que l’offre rencontre la demande plus rapidement et en toute sérénité puisqu’il s’agit de mandats exclusifs.

Quelles règles juridiques respecter ?

Il faut être attentif au respect de la loi Hoguet. D’autant que la DGCCRF effectue de nombreux contrôles et n’hésite pas à épingler les contrevenants comme elle l’a fait dans un récent rapport (lire «Bercy épingle les agents immobiliers» JDA N°16). Tout d’abord, comme tout mandat, chaque exclusivité doit faire l’objet d’une inscription sur le registre des mandats. Pas question, de conserver dans les tiroirs les mandats exclusifs qu’on est certain de pouvoir vendre tout seul. Tous doivent être répertoriés et connus des autres agences membres du groupement. Le règlement intérieur est généralement très strict sur le sujet. Le mandat exclusif d’origine doit prévoir une clause de délégation et qu’elle n’excède pas les pouvoirs du mandataire initial.

Dans cette clause, sont généralement précisées les modalités de la délégation : qui fait quoi en matière de visite, de rapport de visite ? quelles sont les conditions de partage de la rémunération entre apporteur, co-apporteur ? etc. Il est important de savoir qu’une décision de la Cour d’appel de Versailles du 27 octobre 1980, reconnaît le droit à l’agent immobilier de faire une délégation de mandat à un autre professionnel pour vendre un bien. Attention : il faut être attentif à ce qu’il y ait une harmonisation des conditions de chacune des agences qui utilise la délégation. Sinon, gare à la DGCCRF. Notamment en ce qui concerne les tarifs des commissions, certaines agences prévoyant par exemple une commission payable par le vendeur, d’autres par l’acquéreur… Même chose en matière de barème de commission affiché en vitrine qui peut être en contradiction avec la délégation de mandat.

Comment partager la commission ?

«La clé de répartition des honoraires est laissée libre à chaque bassin, explique Gilles Ricour de Bourgie, mais dans la plupart des cas, elle se situe à 50/50 entre l’apporteur d’affaire et celui qui concrétise la vente». Il existe toutefois des bassins où la répartition est différente et privilégie généralement l’apporteur d’affaire, autrement dit celui qui fait signer le mandat exclusif. Une pratique fréquente ces dernières années dans la mesure où il était plus difficile de décrocher un mandat exclusif qu’un acquéreur. Mais, la donne est en train de changer. « Aujourd’hui, ce sont les acheteurs qui ont la main, la règle n’est plus de trouver des vendeurs, mais des acheteurs », analyse Gérard Bornot. D’où un rapport de force qui s’inverse. Quoi qu’il en soit, dans la grande majorité des cas, le 50/50 prédomine.

Quels recours en cas de problème ?

En adhérant à un groupement, l’agent immobilier s’engage à l’alimenter régulièrement en mandats exclusifs. Ceux qui utilisent le service inter agences ne peuvent se contenter de puiser dans les mandats des confrères. Car si un agent immobilier ne joue pas le jeu, il existe des garde-fous. Au SIA, les mandats exclusifs doivent être connus de tous les membres dans les 48 heures suivant leur signature. Des systèmes de contrôle à l’échelon de chaque département et de chaque association ont été mis en place pour faire respecter les règles édictées par chaque groupement. « A chaque plainte d’ adhérent, une décision est rendue par une commission de contrôle, indique t-on au SIA. Nous avons la possibilité de contrôler le registre de l’agent immobilier, de vérifier sa publicité et de comparer avec le fichier commun des annonces. En cas de malveillance, il peut être exclu du groupement.

A la Bourse de l’Immobilier de Dijon, le règlement prévoit la mise en commun d’un mandat exclusif dans un délai compris entre une semaine et trois semaines. « Avant la mise, en fichier, nous souhaitons que les diagnostics soient réalisés et les délais de rétractation passés, indique Alain Gaillard, le président du groupement de Dijon, nous limitons le délai à trois mercredis. En réalité, si le mandat est pris un mardi, le délai ne sera que de quinze jours. L’affaire arrive à la Bourse avec copie du mandat et notre règlement autorise à dépêcher quelqu’un pour vérifier que les agents immobiliers jouent le jeu ».

Quelles sanctions ?

Pour un agent immobilier, habitué à travailler seul, il peut être tentant, même en adhérant à un SIA ou un FFIP d’enfreindre les règles édictées dans l’association et notamment de ne pas déclarer un mandat exclusif, sachant qu’on pourra peut-être le vendre seul. Au SIA comme au FFIP, des sanctions sont prévues en cas de manquement aux règles. On l’a vu, si l’association soupçonne un agent de ne pas jouer le jeu, elle dispose de différents moyens pour le vérifier (contrôle sur place notamment des mandats exclusifs sur le registre des mandats). Si l’agent immobilier est pris en flagrant délit de dissimulation de mandats, il devra s’expliquer devant une commission. La commission peut alors lui donner un avertissement. S’il récidive, il peut aussi être exclu du SIA ou du FFIP. Aux dires des agents immobiliers, rares sont les situations qui aboutissent à l’exclusion. En général, le fait d’adhérer à un SIA permet de mieux se connaître, de mieux s’apprécier, de nouer des relations amicales avec d’autres professionnels qui ne sont plus des concurrents mais des partenaires.

Colette Sabarly

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