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Les murs de boutiques, un filon à prospecter

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Dans ce contexte de crise économique, le marché des murs de magasin reste un segment qui attire utilisateurs et investisseurs. Il est vrai que les atouts de ce placement sont nombreux. Et les réseaux d’agents immobiliers se sont organisés pour investir ce créneau encore confidentiel.

Des locataires plus fiables, une rentabilité bien meilleure, les murs de magasins n’ont rien à envier à l’immobilier d’habitation. Il fautu dire que les rendements des logements, davantage soumis aux impayés de loyers, se sont beaucoup érodés ces dernières années. D’où l’émergence d’une clientèle à l’affût des murs de boutiques, placement pierre original promis à un bel avenir.

On peut d’ailleurs s’étonner de voir que les agents immobiliers, pourtant aux premières loges sur le terrain, sont finalement assez peu présents sur ce marché qui leur tend pourtant les bras.

Des atouts de poids

Les murs de magasins ont subi, comme les autres marchés, une baisse des rendements liée à l’envolée des prix de l’immobilier des dernières années.

Malgré tout, ces rendements restent très corrects au regard de ceux du marché de l’habitation. Ils oscillent, en effet, entre 6 et 10 % selon les emplacements, alors qu’ils dépassent rarement 4 à 5 % dans l’immobilier d’habitation. Autre avantage non négligeable : les commerçants tiennent à leur emplacement, qui constitue la pièce maîtresse de leur activité. Pas question, dans ces conditions, d’en changer à tout instant ou d’oublier de régler son loyer.

D’ailleurs, ce type d’impayé est assez rare sur ce créneau d’activité, ce qui rend le placement sécurisant. D’où une demande forte de la part des investisseurs, pour l’essentiel des institutionnels telles les foncières et les SCPI (sociétés civiles de placement immobilier).

L’investisseur peut également être le commerçant lui-même qui, à défaut de trouver l’emplacement qui lui convient en location, préfère acheter ses murs. Cette tendance se développe d’ailleurs avec la mise en place du statut d’autoentrepreneur au 1er janvier de cette année. « Dans une conjoncture difficile où les plans sociaux sont légion, nombre de salariés qui partent avec une indemnité intéressante en profitent pour s’installer à leur compte », constate Jean- Elie Agnel, PDG du réseau Michel Simond.

Résultat, la demande en murs de magasins reste très forte. « Nous avons plus de demandes que d’offres », confirme ce spécialiste. Ce qui ne va pas dans le sens de la modération des prix. D’ailleurs, en règle générale, l’investissement en murs de boutiques est moins sensible aux fluctuations du marché que l’immobilier d’habitation. Durant la crise des années 1990, le prix des murs de magasins avait par exemple moins chuté que celui des autres segments de marché.

Des prix très élevés à Paris…

1 595 000 euros, c’est ce qu’il faut compter pour une boutique de 150 m2 rue du Faubourg-Saint- Honoré à Paris. Un prix qui n’étonne personne tant l’effet de rareté joue dans la capitale, mais qui, décidément, barre la route aux petits investisseurs privés. Il en va ainsi des secteurs comme les Champs-Élysées, la rue de Rivoli, les boulevards Haussmann, Saint-Germain… et plus généralement les rues commerçantes et/ou piétonnières, qui affichent des prix très élevés.

A titre d’exemple, au centre d’une galerie commerciale des Champs-Élysées, une boutique de 22 m2 occupée est actuellement proposée à 560 000 euros avec un loyer de 2 300 euros par mois. Et lorsque l’emplacement est exceptionnel, les prix flambent littéralement. Dans le triangle d’or, une boutique de luxe de 118 m2 (sur deux niveaux) à proximité de la salle Pleyel (dans le 8e arrondissement, près de la place des Ternes) s’affiche à 792 000 euros (murs libres) avec un loyer prévisionnel de l’ordre de 35 000 euros HT annuels.

Heureusement, la zone de chalandise de Paris ne se résume pas à quelques quartiers huppés. Avec ses 83 400 locaux en rezde- chaussée recensés en 2005, dont 61 800 commerces de détail et de services commerciaux (74 %), le choix est vaste. Reste que certaines activités sont plus porteuses que d’autres. Pour autant, l’emplacement reste la règle numéro un.

Que faire des murs d’une boutique si aucun commerçant ne veut s’y installer ? La proximité d’un métro, d’une gare, d’une école, d’un supermarché, d’un grand magasin (Galeries Lafayette, Printemps, Fnac…), constitue un élément positif. Il faut également s’intéresser aux commerces déjà installés et à la concurrence qu’ils génèrent, ce qui n’est pas forcément un handicap.

Au contraire, plus il y a de restaurants dans la rue, plus les consommateurs la fréquenteront. Une règle qui n’est pas forcément valable pour tous les commerces. Une boulangerie, une pharmacie peuvent très bien tirer leur épingle du jeu dans une rue moins passante.

Quoi qu’il en soit, hors des quartiers les plus en vue de la capitale, les prix fléchissent sensiblement et deviennent plus accessibles aux investisseurs particuliers. Ainsi, dans une rue commerçante du 14e arrondissement, une boutique de 50 m2 est récemment partie pour 275 000 euros (sans bail de location). Une autre de 70 m2, dans le 15e arrondissement, s’est négociée 330 000 euros avec un loyer de 25 000 euros par an. Autre exemple, avenue Ledru-Rollin, dans le 12e , les murs d’une sandwicherie de 25 m2 ont été vendus 130 000 euros.

… ainsi qu’en province

Ce qui vaut pour Paris vaut également pour la banlieue parisienne et la province. Certaines rues de Lyon, de Marseille ou encore de Toulouse ont leurs emplacements phares. A Lyon, par exemple, la place Bellecour est une situation très recherchée et donc inabordable pour l’investisseur lambda. Même chose sur le Vieux- Port ou rue Saint-Féréol à Marseille. Les stations balnéaires, des villes comme Cannes ou Nice, sont également porteuses. Ce qui ne signifie pas que les autres secteurs sont à proscrire.

Là encore, « l’important est de viser les centres de vie », insiste Emmanuel Poncet, responsable du réseau Guy Hoquet Entreprises & Commerces. En dehors des grandes capitales régionales, mieux vaut ne pas s’écarter de la rue centrale. Quant au prix, la plus grande hétérogénéité règne également, qui tient compte du potentiel de la ville. A Montpellier, dans un quartier dynamique, les murs d’une brasserie de 110 m2 sont partis à 250 000 euros avec un loyer de 16 000 euros. Autre exemple, à Nîmes, une boutique de 50 m2 (libre) s’est, pour sa part, vendue 130 000 euros. « Dans une ville moyenne de Bourgogne, un investisseur peut débourser de 50 000 à 70 000 euros pour un local, voire 100 000 à 200 000 euros dans une rue commerçante », explique Daniel Cormier, président du GIE Orpi Entreprises.

Locaux libres ou occupés : une différence de taille

Forcément très chers, les emplacements « prime » n’offrent évidemment pas les meilleures rentabilités. A Paris, celle-ci ne dépasse guère 5 % brut. En revanche, « elle peut atteindre de 6 à 7 % dans des grandes métropoles et de 9 à 10 % dans des villes moyennes », précise Daniel Cormier. Cela dit, pour évaluer la qualité d’un investissement en murs de boutiques, il faut faire la distinction entre locaux libres et occupés. Or, « un bon local commercial est un local occupé et bien occupé, indique Jacques Lumbroso, expert agrée près la cour d’appel. A défaut, on peut le soupçonner d’être mal placé ». Les locaux libres intéressent plutôt les utilisateurs, autrement dit les commerçants qui cherchent à s’installer.

En revanche, les murs occupés sont le terrain de chasse des investisseurs. « En principe, on achète un bien commercial pour sa rentabilité », poursuit Jacques Lumbroso. Mais une rentabilité attractive peut cacher un loyer trop élevé et difficilement supportable à long terme pour le commerçant. Auquel cas le locataire peut quitter les lieux à plus ou moins brève échéance. Dans le cas de locaux occupés, les conditions du bail sont vraiment déterminantes pour l’investisseur. Par exemple, il est peut-être plus intéressant de disposer d’un bail restreignant les possibilités d’activité. Le loyer, « en cas d’élargissement d’activité non connexe ou de changement d’activité, _on parle de “déspécialisation“_, pourrait être augmenté », précise Jacques Lumbroso.

La revalorisation s’effectue chaque année ou tous les trois ans et ne peut excéder la variation de l’indice du coût de la construction ou de celui des loyers commerciaux. Le loyer peut être augmenté à l’échéance des neuf ans du bail si le local se situe dans un quartier qui s’est transformé et qui a augmenté sa « commercialité ». La répartition des charges est également un élément à examiner de près. Celles liées à la copropriété sont-elles, par exemple, dues par le propriétaire ou par le locataire ? Un élément qui peut modifier la donne en termes de rendement.

On le voit, de nombreux points doivent être étudiés de près et nécessitent généralement les conseils d’un professionnel. C’est d’autant plus vrai que le bail commercial obéit à une réglementation assez complexe. Certes, cette réglementation permet de négocier un certain nombre de clauses, notamment le montant du loyer et la durée du bail, sachant toutefois que celle-ci ne peut être inférieure à neuf ans. Mais elle est, par certains côtés, très contraignante pour l’investisseur. Ainsi, il faut savoir que le locataire dispose de la propriété commerciale de son exploitation. Le propriétaire ne peut donc l’en priver sans raison valable, sauf à l’indemniser.

Quelques rares réseaux spécialisés

Sur ce créneau d’activité, les agences spécialisées dans la vente des murs de magasins sont peu nombreuses. Hormis quelques réseaux bien connus qui ont créé leur propre département « ventes de murs de magasins » comme Orpi Entreprises, Guy Hoquet Entreprises ou encore Michel Simond, dont la création remonte à 1998 et qui est aujourd’hui à la tête de 80 cabinets d’affaires spécialisés dans la cession de commerces et d’entreprises, les ventes de murs de boutiques constituent un marché finalement peu exploité par les agences immobilières.

« Nous sommes régis par la loi Hoguet, indique Emmanuel Poncet. Notre métier ne s’arrête pas à la mise en relation entre vendeur et acquéreur, mais consiste aussi à trouver les financements, à rédiger les statuts… Nos clients arrivent avec des projets, nous devons les accompagner. » Un rôle qui nécessite une spécialisation en droit des affaires. « Sur ce marché, on rencontre plutôt des brokers que des agents immobiliers, lance Jacques Lumbroso. Les agences immobilières manquent souvent de compétences pour s’attaquer à ce marché et, pourtant, celui-ci leur tend les bras. » De par la connaissance du terrain sur lequel ils exercent, ils sont à même de rentrer des mandats et d’apporter le conseil que les investisseurs sont en droit d’attendre. De quoi susciter des vocations…

Colette Sabarly

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