De plus en plus d’agences immobilières sont tentées de recourir, par eux-mêmes, à la pratique de l’expertise.
Les incertitudes qui pèsent sur le marché de l’immobilier renforcent cette tendance.
Cette pratique, au regard de la loi Hoguet, soulève toutefois quelques interrogations tant juridiques qu’économiques.
Comment déterminer, dans cette période difficile, la juste valeur d’un bien immobilier ?
Vendeurs et acquéreurs doutent de plus en plus des prix annoncés.
Ils affichent même souvent leur scepticisme sur la crédibilité des conseils qu’ils sollicitent.
C’est pourquoi de plus en plus d’agents immobiliers ont recours à la pratique de l’expertise.
Ils peuvent ainsi justifier de manière écrite et circonstanciée la valeur qu’ils donnent pour la prise d’un mandat au juste prix.
L’expertise immobilière est également utilisée pour aider et guider les acquéreurs dans leurs propositions d’achat.
Cette pratique soulève toutefois des interrogations au regard des dispositions impératives de la loi Hoguet du 2 janvier1970 qui réglemente et organise l’activité des agents immobiliers et leur mode de rémunération.
Ces interrogations portent essentiellement sur trois points :
– la possibilité pour un agent immobilier de pratiquer des avis de valeur et/ou des expertises,
– les conditions de rémunération de cette activité,
– la couverture de l’activité d’expertise par l’assurance de l’agent immobilier.
De l’agent immobilier à l’expert
A la différence de pays voisins comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, il n’existe pas aujourd’hui en France de statut de l’expert immobilier.
Le titre même d’ « expert immobilier » n’est pas protégé ; toute personne peut théoriquement s’en prévaloir et exercer librement cette activité, sans condition de diplôme.
Si en janvier 2000, un groupe de travail dirigé par le président du Conseil national de la comptabilité, sous l’égide de la Commission des opérations de bourse (COB), a diffusé un rapport recommandant en particulier la mise en place d’une véritable organisation professionnelle des experts immobiliers disposant de pouvoirs de contrôle et en mesure d’édicter des règles visant à éviter les conflits d’intérêts, cette recommandation n’a pas à ce jour été suivie d’effet.
Pour lors et en l’absence d’une réglementation particulière, la responsabilité de l’« expert immobilier» relève du droit commun, sauf lorsque cette activité est menée dans le cadre d’une des professions réglementées habituellement amenées à la pratiquer.
C’est ainsi notamment le cas des géomètres-experts, des experts agricoles et fonciers, des architectes, des notaires, des agents immobiliers et des administrateurs de biens.
Ces deux dernières catégories sont amenées dans l’exercice de leur profession à pratiquer quotidiennement l’expertise immobilière, ne serait-ce que pour fixer le prix des biens pour lesquels un mandat leur est consenti.
Certains, cumulent véritablement les deux fonctions en rédigeant des avis de valeur et des expertises indépendamment de leur activité d’intermédiation.
L’expertise ne recouvre pas les diagnostics
La loi Hoguet n’interdit aucunement l’activité d’expertise qui est de l’essence même de l’intermédiation.
Pratiquée indépendamment de cette dernière, elle ne relèverait donc pas des dispositions impératives de la loi qui réglemente les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce (loi no 70-9 du 2 janvier 1970), définies par son article 1er et dans lequel l’expertise ne figure pas.
Il convient cependant de préciser que le terme « expertise » ne recouvre en aucun cas les diagnostics préalables à la vente ou à la location d’un bien immobilier tels que prévus par la loi.
Un second aspect est celui des conditions dans lesquelles l’expertise est effectuée, à savoir l’exercice de cette mission indépendamment ou non d’un mandat d’intermédiation.
Cette question pose celle de la rémunération de l’agent immobilier.
Quelle rétribution pour l’expert ?
Si l’exercice d’une activité d’expert immobilier n’est pas en soi contraire aux dispositions impératives de la loi Hoguet, il en va différemment de la rémunération de cette activité suivant que celle-ci s’inscrit ou non dans le cadre d’un mandat confié à l’intermédiaire.
Expertise en dehors de toute activité d’intermédiation.
La rémunération de l’agent immobilier consulté pour établir un avis de valeur ou une expertise est libre et ne relève pas des dispositions de la loi Hoguet La rémunération de l’agent immobilier consulté uniquement pour établir un avis de valeur ou une expertise d’un bien est libre et ne relève pas des dispositions de la loi Hoguet, ne s’agissant pas d’une activité expressément prévue par l’article 1er de cette loi.
Exercice d’une activité d’expertise dans le cadre d’un mandat de vente.
L’agent immobilier peut être amené, à la demande de son mandant, à établir un avis de valeur écrit ou une expertise du bien immobilier faisant l’objet d’un rapport circonstancié.
De même, l’administrateur de biens peut être conduit à exercer une telle activité dans le cadre de la gestion du ou des biens qui lui sont confiés.
Dans une telle occurrence, l’activité d’expertise se superpose à celle d’intermédiation qui, elle, est expressément réglementée par les dispositions d’ordre public de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d’application du 20 juillet 1972.
Plus précisément, l’intermédiaire doit se soumettre aux dispositions impératives de l’article 6, alinéa 6, qui stipule : « Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
Ainsi, l’expertise effectuée par le mandataire dans le cadre du mandat qui lui a été confié ne saurait donner droit à une quelconque rémunération si ce n’est celle figurant expressément au mandat, généralement constituée d’un pourcentage sur le prix de vente ou sur les loyers en cas de gestion immobilière.
Rémunération pour frais engagés
Les professionnels se sont émus depuis de nombreuses années de cette situation qui ne tient pas compte de l’activité de conseil de l’intermédiaire et de la plus-value qu’il peut apporter dans l’exercice de sa mission.
C’est ainsi que Bernard Vorms, directeur général de l’Anil (Agence pour l’information sur le logement), dans son rapport d’avril 2002, intitulé « Moderniser la réglementation des activités immobilières », avait envisagé la possibilité pour l’agent immobilier de percevoir une rémunération indépendamment de la réalisation effective de la mission pour laquelle un mandat lui a été confié.
La rémunération de l’agent immobilier consulté pour établir un avis de valeur ou une expertise est libre et ne relève pas des dispositions de la loi Hoguet.
La loi portant engagement national pour le logement, dite loi ENL, du 30 juin 2006 a pris en compte cette demande en modifiant les dispositions de l’article 6 I de la loi Hoguet du 2 janvier1970, en prévoyant que : « Lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes d’argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à l’article 1er avant qu’une opération visée au même article n’ait été effectivement conclue et constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».
Le décret est paru le 15 avril 2008 et publié au Journal officiel le 17.
Il crée un article 78-1 dans le décret de 1972 ainsi rédigé : « Article 78-1 – La clause du mandat mentionnée au dernier alinéa du I de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 a pour objet les frais exposés par le mandataire et la commission à laquelle il peut prétendre pour ses diligences préalables à la conclusion de l’opération. Elle décrit les modalités de calcul et de paiement des sommes dues au mandataire. Elle est mentionnée sur le mandat en caractères très apparents ».
Il s’agit d’une innovation majeure qui autorise désormais une rémunération pour les frais engagés par l’agent immobilier, même si l’opération n’aboutit pas.
Cette dérogation aux principes mis en oeuvre par la loi Hoguet ne bénéficie cependant qu’aux mandants qui agissent dans le cadre de leurs activités professionnelles, ce qui exclut de fait les particuliers.
Pour que la rémunération puisse être versée, encore faut-il que le mandat le prévoit expressément, d’une part, en déterminant les modalités de calcul et le paiement des sommes dues à l’agent et, d’autre part, en figurant sur le mandat en caractères très apparents.
La loi Hoguet n’interdit aucunement l’activité d’expertise qui est de l’essence même de l’intermédiation.
Ainsi et sous réserve qu’une rémunération soit expressément prévue à cet effet et déterminée dans son mode de calcul, une mission d’expertise peut être donnée par un mandant, qui agit dans le cadre de ses activités professionnelles, à son mandataire et faire l’objet d’une rémunération, quand bien même la mission d’intermédiation qui lui a été confiée n’a pas été menée à son terme.
On pense naturellement aux commercialisateurs qui se voient donner par de grandes entreprises ou des institutionnels des mandats soit de recherche d’acquéreurs, soit de recherche de biens pour des immeubles à usage de bureaux nécessitant d’importantes investigations sur la valeur vénale du bien, son emplacement, ses qualités, les travaux nécessaires, etc.
Quelle assurance pour la mission d’expertise ?
L’assurance responsabilité civile (RC) professionnelle que doit contracter l’agent immobilier pour l’obtention d’une carte professionnelle est relative aux activités visées à l’article 1er de la loi Hoguet.
En conséquence, si l’exercice d’une activité d’expertise dans le cadre d’un mandat est couverte par la RC professionnelle conclue par l’intermédiaire, il n’est pas certain qu’une activité d’expertise immobilière en dehors du cadre de la loi soit couverte par cette assurance.
Il convient donc, au cas par cas, que l’intermédiaire se rapproche de sa compagnie d’assurance afin de vérifier si l’activité d’expert immobilier, en tant que telle, est bien couverte par l’assurance qu’il a souscrite.