La Loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008 apporte d’importantes retouches au régime du bail commercial.
Petit tour d’horizon des principales mesures édictées par la loi.
Depuis quelques années, de nombreuses voix se sont élevées pour demander une évolution du statut des baux commerciaux, parfois porteur d’incertitude et, ce faisant, d’insécurité juridique.
En 2004, un rapport parlementaire, le Rapport Pelletier, avait élaboré 40 propositions en ce sens.
En l’absence de réforme d’ensemble, et à l’initiative de plusieurs parlementaires, la Loi de modernisation de l’économie apporte des retouches importantes au régime du bail commercial, certaines inspirées directement dudit rapport.
Outre l’assouplissement de la condition d’immatriculation, la substitution de la prescription à la forclusion et le délai de restitution des lieux en cas d’éviction du locataire, que nous n’aborderons pas ici, voici une sélection des mesures essentielles édictées par cette loi.
* Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie
Le congé : la fin des usages locaux
Jusqu’alors, le congé devait être donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance, ce qui entraînait de grandes disparités selon les régions.
La loi du 4 août 2008 supprime la référence aux usages locaux : depuis le 6 août 2008, date d’entrée en vigueur de la loi, le congé doit être donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance.
Cette nouvelle disposition devrait simplifier la computation des délais et sécuriser les parties au bail commercial.
Cependant, si la règle est limpide pour ce qui est du congé donné au cours d’une période de tacite reconduction, quand le bail s’est poursuivi après le terme contractuel, des interrogations demeurent notamment quant au congé délivré pour l’expiration d’une période triennale, lorsque celle-ci ne correspond pas au dernier jour d’un trimestre civil (31 mars, 30 juin, 30 septembre ou 31 décembre) et, dans l’attente d’une potentielle clarification législative appelée par certains commentateurs, il peut être utile d’insérer au bail une clause interprétative précisant la date pour laquelle le congé doit être délivré, sous réserve de l’appréciation que feront les juridictions de cette disposition.
* Articles L 145-9 et L 145-4 du Code de commerce
La légalisation de l’indice des loyers commerciaux
Jusqu’alors, l’indice du coût de la construction (ICC) était utilisé pour l’indexation et la révision du loyer commercial.
En décembre 2007, afin de limiter les hausses de loyer, un accord interprofessionnel a défini un nouvel indice de révision : l’indice des loyers commerciaux (ILC), composé pour partie des indices du coût de la construction, des prix à la consommation et du chiffre d’affaires du commerce de détail.
Cet indice soulevait un certain nombre de questions. D’une part, sa licéité était discutée, la loi interdisant l’indexation fondée sur le niveau général des prix.
D’autre part, se posait la question de savoir pour quels baux il pouvait être utilisé.
La loi de modernisation de l’économie a légalisé l’ILC, prévoyant qu’il serait désormais publié trimestriellement par l’INSEE.
Un décret précise qu’il peut être adopté en lieu et place de l’ICC pour les activités commerciales, y compris celles exercées par les artisans.
Sont toutefois exclues les activités commerciales exercées dans des locaux à usage exclusif de bureaux, y compris les plates-formes logistiques, ainsi que les activités industrielles (notamment les manufactures et le transport par terre ou par eau).
En conséquence, lorsque le recours à l’ILC est permis par la loi, bailleur et locataire peuvent adopter l’ICC ou l’ILC lors de la conclusion du bail.
L’indice choisi sera utilisé aussi bien pour l’indexation du loyer que pour sa révision triennale ou lors du renouvellement du bail. Pour les baux en cours, il est possible de substituer l’ILC à l’ICC par avenant au bail, si les parties le souhaitent.
Le bail de courte durée, dérogeant au statut des baux commerciaux, peut être conclu pour une durée maximale de deux ans, lors de l’entrée du locataire dans les lieux loués.
Jusqu’à présent, il ne pouvait pas être renouvelé : le bail renouvelé était, selon la loi, un bail commercial. La pratique a mis en place différentes techniques pour contourner cette règle.
Dorénavant, il est possible de renouveler le bail dérogatoire, à la condition que la durée totale des baux dérogatoires successifs ne soit pas supérieure à deux ans.
Cependant, la loi précise qu’à l’expiration des deux années, si le preneur reste et est laissé en possession, ou si un nouveau bail est conclu pour les mêmes locaux, le bail est soumis au statut des baux commerciaux.
La prudence s’impose également à l’issue d’un bail dérogatoire d’une durée inférieure à deux ans : le preneur laissé en possession des lieux sans opposition du bailleur pourrait revendiquer le statut des baux commerciaux, sauf interprétation contraire du texte par les juges.
Le bailleur qui ne souhaite pas voir naître un bail commercial doit donc continuer à se montrer vigilant au terme du bail dérogatoire.
* Article L 145-5 du Code de commerce
L’extension du statut des baux commerciaux au bail professionnel
Le bail de locaux destinés à une activité non commerciale est soumis, hors de rares exceptions légales, au statut impératif des baux professionnels.
Si les parties en convenaient, les règles du bail commercial ne pouvaient être appliquées que dans la mesure où elles ne contrevenaient pas à l’article 57 A de la loi de 1986.
Assouplissant ce régime, la loi permet désormais d’adopter le statut du bail commercial dans son intégralité, dès lors que les parties au bail professionnel ont conventionnellement choisi ce régime.
Une déclaration expresse dans le bail est utile, afin de marquer clairement leur volonté.
* Article L 145-2 du Code de commerce Article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986