Entre promoteurs et agents immobiliers, des passerelles sont à créer. Regards croisés entre Alexandra François-Cuxac et Jean Révolat.
JDA : Quel regard portez-vous sur vos métiers respectifs ?
Alexandra François-Cuxac : Tout d’abord, force est de constater que la profession d’agent immobilier représente un secteur très diversifié, qui dispose d’un puissant maillage territorial en France pour couvrir l’ensemble du parcours résidentiel dans les milieux urbains ou ruraux. D’autre part, ce secteur laisse place à de vrais spécialistes locaux – qu’ils soient indépendants, en réseaux ou mandataires – pour accompagner au mieux les clients dans leurs recherches de produits (entrée de gamme, haut de gamme, location touristique, conciergerie, coliving…). Je relève aussi que cette profession s’est largement féminisée ces dernières années – tout comme l’ensemble des métiers de l’industrie immobilière. Pour être encore mieux organisée, elle gagnerait à travailler davantage en réseau ou à former des groupements d’intérêt économique dans l’objectif d’une meilleure harmonisation des moyens et services. Car, ne l’oublions pas, notre objectif commun, c’est la satisfaction du client investisseur ou locataire ! Jean Revolat : Avant d’ouvrir mon agence indépendante, j’ai commencé ma carrière chez l’un des plus grands promoteurs locaux bordelais et en ai tiré une expérience positive. En effet, cela m’a permis de m’intégrer pleinement dans le monde de l’immobilier, tout en acquérant une connaissance accrue de Bordeaux et de ses projets. Dans la vente en état futur d’achèvement (Vefa), la maîtrise de l’environnement est la clé ! Cette profession peut se révéler parfois clivante car pas toujours bien encadrée. De ce fait, il existe des promoteurs expérimentés et d’autres moins regardants sur la qualité de leur promotion, que ce soit une main d’œuvre moins qualifiée et/ou des matériaux qui ne durent pas dans le temps. Quoi qu’il en soit, les promoteurs sont nécessaires au développement et à la densification et offrent des solutions « logement » dans des villes où la demande est en constante augmentation. Ils permettent à toute une partie de la population locale et aux nouveaux arrivants de résider dans le centre de Bordeaux – les immeubles anciens étant saturés.
« La vente de neuf offre une solution clé en main pour certains acquéreurs qui ne veulent pas s’engager dans des travaux du fait des délais et coûts non maîtrisés ». Jean Révolat
JDA : Comment collaborez-vous ensemble ?
A-F-C : Nos métiers sont très souvent complémentaires. Chez AFC Promotion, une fois notre stratégie de commercialisation définie très en amont d’un projet, nous confions régulièrement des logements à vendre à des prescripteurs locaux bien identifiés à Bordeaux, Toulouse, dans le Pays Basque, à Lille ou encore dans la région Île-de-France. Par ailleurs, l’agent immobilier – en véritable partenaire de confiance – apporte une réelle valeur ajoutée à notre profession lorsque nous recherchons des fonciers ou une expertise locale pour développer un projet. J-R : Notre agence rayonne principalement à Bordeaux. De ce fait, nous privilégions et favorisons des promoteurs à taille humaine réalisant des promotions dans le centre-ville bordelais, mais également sur le bassin d’Arcachon. D’une part, les biens en vente issus des promotions immobilières ont l’avantage de réunir très souvent l’ensemble des critères que nos clients demandent (ascenseur, parking, balcon/terrasse…). D’autre part, la vente de neuf offre une solution clé en main pour certains acquéreurs qui ne veulent pas s’engager dans des travaux du fait des délais et coûts non maîtrisés. En parallèle – comme le souligne Alexandra François-Cuxac –, nous sommes amenés à proposer des fonciers ou des immeubles à rénover. Nous le savons, la recherche de terrains à bâtir est le point de départ de toute promotion immobilière dans un contexte où les emplacements se font de plus en plus rares. Nous recherchons donc à entretenir des collaborations avec les promoteurs basés sur la confiance, le respect des engagements et le caractère des biens. Ce contrat de confiance est nécessaire pour pérenniser notre activité et satisfaire les acquéreurs tant dans le respect de leur cahier des charges que la qualité des maisons ou appartements proposés.
JDA : Quelles sont les opportunités business à créer pour rapprocher vos deux univers ?
A-F-C : Les opportunités peuvent être nombreuses en fonction de la nature des biens à vendre ! À titre d’exemple, notre profession pourrait nouer des partenariats avec les agents immobiliers en matière d’agencement et de décoration d’un logement livré. Ce modèle, gagnant-gagnant pour eux comme pour nous, permettrait de vendre des biens plus facilement. À cela, il faut aussi pouvoir proposer aux clients une visite d’appartement en 3D numérique très soignée. Dans le futur, il serait également intéressant de développer de manière plus accrue les ventes aux enchères pour des produits Vefa ou achevés. Ce modèle économique – qui se pratique déjà dans les univers de l’automobile et des antiquités – permettrait de proposer un bien résidentiel avec un prix attractif, le tout couplé d’outils numériques pour l’acheter depuis le web.
JDA : Le neuf dispose face à l’ancien d’un pouvoir d’attractivité important, notamment en matière de normes environnementales et de confort. Comment se porte ce segment de marché ?
A-F-C : La demande est beaucoup plus forte que l’offre ! Notre secteur reste très inquiet face à la chute de 20,2 % sur un an des ventes de logements neufs au premier trimestre 2022. Les réservations sont en baisse et les stocks ont diminué d’un tiers depuis 2018 et ne représentent plus que 7,7 mois de commercialisation, contre 12 mois habituellement. Face aux refus de permis de construire toujours plus importants et la flambée des coûts de construction qui impactent l’équilibre financier des opérations, un choc de l’offre est nécessaire pour loger le plus grand nombre de personnes !
« Une marketplace de type Green Vintage Place Real Estate aurait toute sa place en France » . Alexandra François-Cuxas
JDA : Militez-vous pour vendre davantage de produits en Vefa ?
J-R : Parmi nos collaborateurs, certains ont eu l’occasion de travailler la vente sur plan en qualité de négociateur pour des promoteurs. C’est un métier qui se distingue complètement de la profession d’agent immobilier et qui demande des capacités et des connaissances particulières. Il me semble intéressant en effet de pouvoir intervenir sur les deux aspects neuf et ancien pour les synergies qu’offrent ces deux métiers évidemment. De plus, cela offre à nos commerciaux la possibilité de diversifier leur activité et de se démarquer. Dans notre situation, nous tenons à travailler uniquement avec des promoteurs de confiance que nous connaissons car nous sommes garants vis-à-vis de nos clients des biens que nous sommes susceptibles de leur vendre.
JDA : Faut-il ajouter une brique technologique – de type marketplace – pour créer de nouvelles passerelles entre vos différents métiers ?
J-R : Notre agence est familiale et nous avons à cœur d’offrir un service sur mesure à nos clients avec proximité, rigueur et confidentialité. Chaque projet et chaque personnalité sont différents et nous pensons que la réussite de notre mission dépend de notre connaissance du marché, de notre écoute et de notre qualité d’adaptation. Une telle brique technologique pourrait correspondre à certains acteurs privilégiant le volume d’activité mais cela se ferait selon nous au détriment de la qualité des transactions. En effet, les projets immobiliers sont des programmes où les sommes engagées sont trop importantes pour ne pas être considérés comme uniques. Notre force est la sélection de nos partenaires avec qui nous entretenons des liens étroits pour proposer à nos clients le meilleur. A-F-C : Si l’immobilier est synonyme de valeur affective forte, je crois profondément aux marketplaces. Ce modèle, totalement transparent avec les informations fournies (qualité du bâti, matériaux, entretien, carnet numérique…), permet de fédérer plusieurs acteurs professionnels, de mutualiser et réduire les coûts pour les vendeurs comme les acquéreurs, et d’économiser du temps et des déplacements. En résumé, une marketplace permet d’être low cost et low carbon ! Une marketplace de type Green Vintage Place Real Estate aurait toute sa place en France. Celle-ci permettrait, en outre, de couvrir de manière plus efficace le marché de la revente de logements vertueux. Sur ce crédo, les agents immobiliers ont un rôle à jouer – notamment par la mise en valeur d’un bien résidentiel.