L’encre du décret qui a installé le Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières n’est pas encore sèche qu’il est déjà attaqué par une organisation déplorant de ne pas y siéger : la CNASIM, qui rassemble les agents commerciaux intervenant dans le secteur immobilier, estime qu’elle devait siéger au sein du Conseil, au motif que ses adhérents ne sauraient être représentés par les syndicats d’agents immobiliers constituant cette nouvelle instance, au côté des associations de consommateurs.
Il appartiendra au Conseil d’Etat de déterminer si la requête de la CNASIM est fondée. Je considère du devoir de la FNAIM, qui a largement inspiré la création du CNTGI, d’apprécier d’ores et déjà cette demande. Elle ne repose sur rien, et révèle seulement que certains voudraient faire de la nouvelle instance de gouvernance des activités de transaction et d’administration de biens en France un enjeu de pouvoir, bien loin d’un lieu de travail serein et efficace. En effet, que prétend la CNASIM ? Que le Conseil National n’inclut aucune organisation représentant les agents commerciaux de l’immobilier. Plusieurs observations à cet égard.
La loi du 24 mars 2014, dite ALUR, a institué un Conseil chargé de conseiller le gouvernement pour tout ce qui concerne l’encadrement de la transaction et de la gestion immobilières. Elle a disposé que cette instance serait « composée de représentants des professionnels choisis (par le gouvernement) sur proposition d’un syndicat ou d’une union de syndicats ». La loi, dans le même article, dicte qu’on « veille à la représentativité de la profession », et elle précise encore un peu plus loin que les personnes nommées soient « représentatives » des professionnels. Bref, le législateur a voulu que le CNTGI soit une structure légère et n’a pas souhaité qu’y siègent toutes les organisations professionnelles existantes, mais que ses membres incarnent les grands enjeux du secteur. La question de la représentativité et celle de l’exhaustivité sont différentes.
A supposer que la CNASIM ait bien en tête cette distinction majeure, elle semblerait douter que la FNAIM, l’UNIS et le SNPI, qui réunissent à eux trois les deux tiers des agences immobilières du pays, soient capables de parler au nom de tous ceux qui se livrent à la transaction. L’attaque est absurde et ridicule : les chefs d’entreprise adhérents de nos organisations parlent depuis toujours non seulement en leur nom, mais aussi au nom de leurs collaborateurs salariés comme des travailleurs non salariés qu’ils mandatent pour vendre ou pour louer. Ils parlent même au nom des clients qu’ils servent. Pour la FNAIM, c’est le cas depuis sa naissance en 1946, et aucun gouvernement ni aucun parlement n’a remis en cause ce rôle. En somme, le statut n’est pas ici un sujet pertinent.
Au demeurant, les syndicats de salariés n’ont pas remis en cause ce point, et n’ont pas prétendu faire entendre leur voix en plus de la voix de ceux qui les emploient. Comment faire accroire que le point de vue des agents commerciaux ait une originalité ou une spécificité par rapport à ceux qui recourent à eux ?
En outre, les seconds ont des préoccupations bien plus nombreuses que les premiers : les agents commerciaux n’ont ainsi le droit ni de rédiger des avant-contrats ni d’encaisser les indemnités d’immobilisation, prérogatives exclusives des agents immobiliers. Ils n’ont par ailleurs aucun lien avec la gestion, qui n’emploie que des salariés. C’est dire que l’essentiel des textes appelés à évoluer dans les temps qui viennent ne les concernent pas. Pour le dire crûment, la CNASIM n’aurait aucune occasion d’apporter une contribution aux travaux du CNTGI si elle en était… C’est probablement aussi pour cela que sa participation a semblé superfétatoire.
En fait, la requête du syndicat des agents commerciaux de l’immobilier cache purement et simplement un enjeu d’existence politique et de pouvoir. En cela, elle est peu louable d’abord, vouée à l’échec ensuite : la FNAIM a espéré la fondation d’un Conseil National justement pour que soient dépassées les querelles de clocher, et que prime l’intérêt général des professionnels de la transaction et de la gestion. Il serait paradoxal qu’après l’avoir compris les pouvoirs publics fassent du CNTGI un lieu d’affirmation des egos. Me rappelant un roman à succès de la fin du siècle passé, adapté au cinéma, j’appellerais volontiers de mes vœux qu’on immole la revendication de la CNASIM et celles qui pourraient lui ressembler sur « Le bûcher des vanités ». Pour le reste, cette action judiciaire est une forme d’hommage à la mission du CNTGI, dont beaucoup ne voulaient pas quelques mois encore avant la promulgation de la loi qui l’a créé…