Alors que la baisse des taux d’intérêt s’est poursuivie cet été, le marché de l’ancien patine. Il faudra attendre la fin de l’année pour voir les effets positifs produits par l’allègement de certaines dispositions de la loi Alur.
Une partie de la demande a été évincée du marché de l’ancien par la suppression du PTZ. Ces ménages modestes ne peuvent revenir sans un soutien public, dans un contexte de durcissement des règles prudentielles imposées aux banques par Bâle III.
La remontée de l’activité se poursuit pourtant lentement, mais elle repose surtout sur les ménages aux revenus moyens et élevés qui, eux, peuvent tirer pleinement avantage des conditions de crédit actuelles.
Un marché des crédits au ralenti
Comme chaque année, à la même période, la demande de crédits immobiliers à l’ancien s’est repliée durant les mois d’hiver. Ainsi, au 1er trimestre 2014, la production a reculé de 9,2 %.
+3%
C’est la progression
de la production
de crédits au 1er
semestre 2014, en
glissement annuel.
Pour autant, le marché a été plus actif qu’en 2013 à la même époque : la production de crédits était d’ailleurs en progression de 19,5 % au 1er trimestre 2014, en glissement annuel.
Mais après un mois de mai médiocre, comme à l’habitude, la panne de la demande s’est confirmée en juin : malgré de très bonnes conditions de crédit, les contraintes nouvelles imposées par la loi Alur sont venues renforcer l’attentisme de la demande et retarder la réalisation des opérations immobilières. Alors qu’habituellement le marché se redresse fortement au 2e trimestre, la production de crédits à l’ancien n’a donc que faiblement progressé (+ 2,4 %, contre + 34,2 % au 2e trimestre 2013) ; elle a même reculé de 8,7 % en glissement annuel. Pour autant, sur le 1er semestre 2014 elle augmente de + 3,3 % en glissement annuel, après correction de l’effet des rachats de créances.
La reprise s’est donc simplement émoussée depuis le début de l’année, après un second semestre 2013 particulièrement dynamique et en dépit de conditions de crédit exceptionnelles : la production de crédits s’est néanmoins (un peu) ressaisie en juillet, pour retomber en août comme cela est habituel durant l’été. Le ralentissement constaté depuis le printemps laisse alors attendre une année 2014 en demi-teinte : les tendances qui se dessinent sont celles d’une stabilisation de l’activité (ou au mieux, d’une légère progression).
Une activité qui patine
En dépit de taux d’intérêt particulièrement attractifs, la demande reste prudente, attentiste, face à une situation économique dégradée et à des incertitudes persistantes : le chômage ne devrait pas baisser avant le printemps 2015,au mieux. Le pouvoir d’achat ne décolle pas et ce n’est paradoxalement que grâce à une inflation contenue qu’il résiste… alors que cette basse inflation laisse planer le risque de la déflation.
Dans ce contexte, l’annonce du rétablissement d’un PTZ dans l’ancien dès le 1er janvier 2015 a été bien accueillie : de l’ordre de 15 000 PTZ avec quotité de travaux à 25 %. Pourtant, les caractéristiques et le périmètre de ce PTZ restent à préciser.
Méthode de l’enquête
Cet article synthétise les principaux
résultats de l’Observatoire
du financement des marchés
résidentiels (OFMR – Crédit Logement/
CSA) et de l’Observatoire de
la production de crédits immobiliers
(OPCI – Université Paris-Ouest).
Et cette annonce publique concernant la relance de l’accession à la propriété peut faire souffler le chaud et le froid. Parce qu’une partie de la demande risque de l’attendre le reste de l’année…renforçant ainsi la paralysie du marché. Paradoxalement, alors que les conditions de crédit sont excellentes, que les décisions publiques vont dans le sens d’une redynamisation des marchés de l’accession et que nombre des effets (très) négatifs de la loi Alur vont être corrigés (dans le secteur de la transaction, notamment), l’activité va probablement patiner sur la fin de l’année.
Le niveau de l’activité du marché de l’ancien devrait néanmoins encore augmenter en 2014, de l’ordre d’un petit + 3 %, pour franchir doucement le seuil des 600 000 logements achetés par des ménages. L’activité a en effet encore progressé au 1er semestre 2014, surfant sur la lancée du 2nd semestre 2013. Et le marché ne repartira vraiment que lorsque les ménages aux revenus modestes reviendront en 2015. D’autant que les recommandations
répétées des autorités monétaires faites aux banques de relever leurs exigences en matière de taux d’apport personnel font maintenant que la primo-accession des ménages aux revenus modestes devient impossible sans le PTZ, constitutif de l’apport personnel.
Aussi, n’est-il pas étonnant que, dans le même temps, les emprunteurs qui sont restés sur le marché ont eu la « capacité » de mobiliser des apports personnels dont les niveaux n’avaient encore jamais été observés par le passé. Et les taux d’effort de ces emprunteurs, qui ont bénéficié à plein de la baisse des taux d’intérêt, ont diminué rapidement au point de revenir maintenant aux niveaux mesurés en 2004… donc juste avant que l’ouverture de la primo-accession dans l’ancien sans travaux n’élargisse les flux de la primo-accession aux ménages modestes. Et comme les ménages modestes ont été évincés des marchés de l’accession, la configuration de ces marchés ressemble maintenant à celle de la période 1996- 2004, lorsque la (primo)- accession était « réservée » aux revenus moyens/élevés.
Et pourtant que les taux sont bas !
En août 2014, les taux des prêts du secteur concurrentiel (hors assurance et coût des sûretés) se sont établis à 2,68 % en moyenne. Depuis le début de l’année 2014, les taux ont donc perdu 40 points de base et devraient encore un peu reculer d’ici l’automne et faire que l’été 2014 devienne une référence en la matière.
Cette baisse accompagne le recul du taux de l’OAT à 10 ans et le maintien des taux de refinancement de la Banque centrale européenne (BCE) à 0,15 %. La baisse des taux d’intérêt qui est intervenue depuis la fin de l’année 2011 a permis de tenir le marché de l’ancien « à bout de bras ». Sans cela, l’activité ne se serait pas redressée en 2013. Cette baisse n’a pourtant pas permis aux ménages modestes, qui représentaient jusqu’en 2011 de l’ordre de 60 % des accédants à la propriété, de revenir sur le marché. Ce sont les ménages aux revenus moyens et élevés qui ont donc tiré le marché : il est vrai que la baisse des taux constatée dès le début de l’année 2012 est équivalente à une diminution des prix des logements de 10 % (5 % depuis le début de 2013).
À la différence de ce qui est parfois avancé, une baisse des prix ne serait donc pas suffisante pour faire revenir ceux qui ne sont plus sur le marché. Imaginons néanmoins que les prix soient de 10 % moins chers. Cela serait une bonne nouvelle pour les ménages à revenus moyens et élevés. Ils payeraient moins cher un produit de qualité « comparable» et de localisation similaire, dans le meilleur des cas : ils pourraient donc s’endetter moins (à niveau d’apport personnel inchangé) et donc supporter des taux d’effort plus faibles et/ ou économiser une partie de leur apport personnel pour équiper leur nouveau logement en électroménager importé.
Mais cela ne permettrait pas à des ménages modestes, dans le cas de la primoaccession notamment, de concrétiser plus facilement leur projet, faute d’apport personnel ou compte tenu d’un apport insuffisant. Ainsi, soit un ménage modeste qui auparavant ne pouvait pas acheter un logement valant 100 parce que ne disposant que d’un apport de 10 ; si le prix du logement baisse de 10 %, il s’établira à 90 ; et le taux d’apport personnel passera péniblement de 10 % à 11,1 % ! Ce n’est pas cela qui va décider les autorités monétaires à alléger leurs exigences et les banquiers à relever leur production.
Mais les prix ne baissent pas franchement
Avec la reprise qui s’est dessinée en 2013, la remontée des prix des logements anciens se poursuit, lentement.
L’indice des prix Crédit Logement/CSA, qui avait enregistré une hausse de 0,1 % en 2013, se place depuis le début de l’année 2014 sur une tendance annuelle à + 1,3 %. Cette évolution reste néanmoins très modérée et, au-delà des mouvements saisonniers habituels, le niveau moyen des prix du 3e trimestre 2014 est du même ordre qu’en 2012, à la même époque.
Dans l’immédiat, les tensions sur les prix se sont allégées durant l’été, suivant le profil saisonnier habituel.
Avec l’arrivée de l’automne, le relâchement des tensions va se confirmer et l’année 2014 devrait se terminer sans évolution notable sur les prix.