Ulrich Maurel, fondateur d’Immoprêt, courtier en prêt immobilier qui a accompagné près de 19 000 familles en 2013, réagit à l’adoption par le Conseil de Paris d’une taxe sur les friches commerciales.
En adoptant cette taxe, le Conseil de Paris entend lutter contre la rétention foncière pour encourager la transformation de bureaux en logements. A partir de janvier 2015, la Ville prévoit ainsi d’imposer les propriétaires de bureaux vacants à hauteur de 20% de leur valeur locative la 1ère année, 30% la 2ème, et 40% la 3ème.
Selon l’adjoint en charge du Logement, Ian Brossart, Paris possèderait 18 millions de mètres carrés de bureaux, dont 6 à 7% vacants. Pendant sa campagne, la maire de Paris Anne Hidalgo s’était engagée à obtenir la transformation d’au moins 200 000m² de bureaux vides en logements au cours de son mandat. D’après l’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise en Île-de-France, 7,2% des surfaces de bureaux sont vacantes en Île-de-France, soit 3,6 millions de mètres carrés.
Ulrich Maurel donne son point de vue : «La transformation de bureaux en logement est une utopie ! Le coût de cette transformation est prohibitif. Et, si cela peut finalement se faire, le coût de la vente comme celui de la mise en location sera si élevé que ce logement s’adressera à la frange de la population la plus aisée. Il ne répondra pas aux besoins des ménages en difficulté pour acquérir ou louer un logement compte tenu des prix. On estime cette transformation à environ 2 000-2 500 euros le m². Il est vrai qu’il est possible de transformer des bureaux vacants en logements mais à quel prix ?
La rentabilité pose problème également pour le propriétaire : TVA non récupérable, environ 10% de surface de plancher en moins pour créer des parties communes, coûts de restructuration au moins aussi élevés que ceux d’une construction neuve, quote-part de logements sociaux obligatoire à Paris…
Outre la faisabilité économique et la rentabilité, les plus gros freins à cette transformation, il faut tenir compte d’autres facteurs : une hauteur sous plafond minimale de 2,50m, des plateaux profonds qui impliquent la présence de nombreuses pièces en aveugle, une circulation dans l’immeuble à repenser intégralement avec des pertes de surfaces utiles indispensables, l’emplacement doit être adapté à usage d’habitation… Ainsi, certains immeubles se prêtent plus facilement à cette transformation que d’autres, les immeubles haussmanniens ou initialement d’habitation par exemple. Et plutôt proches des centres-villes ou de toutes commodités.
Le gouvernement a prévu d’ores et déjà deux mesures qui vont dans le bon sens : passer outre le COS dans certaines zones tendues et alléger le nombre de places de stationnement par habitation. Mais il faut aller plus loin et taxer les propriétaires de bureaux vides ne permettra pas de répondre au problème de manque de logements. Pour répondre à cette pénurie d’offre de logements dans la ville, Londres a pris les choses en main de manière efficace avec la construction prévue d’environ 200 tours d’habitation, dont 113 déjà en chantier. Pourquoi ne pas s’en inspirer ? Toutes ces initiatives locales pour essayer de relancer le marché ne peuvent être qu’encouragées. Néanmoins il est temps pour l’exécutif d’organiser un Grenelle de l’Immobilier pour fixer une ligne directrice et des priorités qui seront adaptées ensuite à chaque marché. Cette cacophonie générale entre les municipalités, les communautés de communes, les départements, les régions, le ministère du Logement, de l’Écologie, des Finances et le Premier ministre donne peu de lisibilité aux investisseurs et futurs acquéreurs. Cela crée le doute et l’incertitude sur le marché immobilier hexagonal.» ©LeFildel’Immo/BazikPress