Le logement est au coeur des préoccupations des français. Le point sur la situation, les réformes, les applications concrètes et les évolutions attendues.
La torpeur traditionnelle des périodes pré électorales a fait place cette année à une liste prolifi que de réformes et d’aménagements qui ont, sans que chacun en ait forcément conscience, bouleversé notre environnement. En même temps la médiatisation d’une action d’une association humanitaire sur les sans logis a animé l’actualité et relancé le thème du logement en France.
Le bilan de la situation du logement en France
Ca n’étonnera personne, le bilan n’est pas très brillant. Un parc de logements sociaux en mauvais état, qui nécessite des démolitions ou des travaux de grande ampleur. Une politique de concentration urbaine dont le virage n’a été pris que trop récemment pour commencer à en montrer des effets positifs, tant dans l’intégration que dans les brassages locataires/ propriétaires.
Un déficit de l’offre par rapport à la demande existante, mais aussi en regard de la demande future avec une politique d’immigration, sans doute sélective, qui devrait se poursuivre, au point que les principaux organismes et instituts estiment qu’il faudrait plus de 500 000 logements neufs par an sur dix ans pour absorber le défi cit et réguler le marché. A cela vient s’ajouter une hausse moyenne du prix de l’immobilier de 87 % depuis 2000 (source Indice INSEE-Notaires), qui a certes faibli en 2007, mais dont les spécialistes s’entendent pour dire qu’elle sera encore comprise entre 3,5 et 5 % sur 2007.
On retiendra enfi n la remontée des taux d’intérêt depuis un an et demi (+ 1,5 % sur le taux directeur de la Banque Centrale Européenne), après toutefois une période de décrue continuelle de vingt ans, qui a amputé la capacité d’emprunt des ménages d’environ 12 % sur leurs projets. Au niveau actuel des taux pratiqués par les Banques, qui reste historiquement assez bas, le surcoût pour les emprunteurs aurait pu ressortir, somme toute, supportable, s’il n’avait fallu allonger la durée des remboursements pour compenser la hausse du montant moyen des transactions et du recours à l’emprunt.
Et c’est la conjugaison de ces facteurs qui a renchéri plus signifi cativement le coût des prêts. Au total : défi cit récurent de logements, plus demande durablement importante, plus hausse des prix de l’immobilier non spéculative, et donc durable, plus faible évolution des revenus des ménages salariés, plus hausse des taux d’intérêt = insolvabilité des ménages potentiellement acquéreurs.
A noter que ces remarques valent aussi pour les candidats à la location, pour qui le durcissement des conditions d’accès au logement – principalement privé- conjugué à la fl ambée des loyers (entre 8 et 15 % par an) partiellement générée par les livraisons de programmes neufs qui ont tiré les tarifs à la hausse, qui se sont vus exclure d’une bonne partie du parc locatif privé.
Dans ce contexte, que faire ?
Les pouvoirs publics sont bien souvent, et parfois à juste titre, montrés du doigt. C’est pourquoi toute une série de mesures, de dispositions, et de réformes ont été mises en place en urgence courant 2006. Avant tout, car c’est aussi la clé de voûte à de nombreuses autres modifi cations comportementales, il y a eu en Mars 2006 la réforme des sûretés. Bien que très technique, cette ordonnance a permis, directement et indirectement, une baisse des coûts des garanties.
En effet, la revalorisation de l’hypothèque a provoqué une réaction médiatique forte de l’ordre notarial au travers une baisse substantielle des coûts d’enregistrement (près de 50%), entraînant dans son sillage la contreattaque des organismes de cautionnement mutuel, à commencer par Crédit Logement, le plus important d’entre eux, qui a d’abord révisé, lui aussi, ses barèmes, puis a lancé la caution rechargeable.
Et par l’introduction du caractère rechargeable, donc d’une durée allongée de validité de la garantie, cette réforme a fait sauté le verrou de durée de 20 ans de l’inscription hypothécaire, autorisant en cela des prises de garanties jusqu’à 50 ans. Ensuite, le recensement des réserves foncières de l’Etat et des Collectivités locales a permis d’estimer les opportunités de lancement de chantiers de constructions sociaux un peu partout sur le territoire.
Cette vague de relance dans la construction a été démultipliée par les investisseurs privés, et au total, ce sont près de 460 000 mises en chantiers (chiffres variant entre 440 000 et 467 000 selon les sources) qui ont été enregistrées en 2006. On n’avait pas vu cela depuis 30 ans ! Dans la lignée de ce recensement, dont il était en fait un article d’accompagnement, ce fut la Loi ENL du Ministre Jean-Louis Borloo, qui a vu jour offi ciellement cet été.
Des objectifs concrets et ambitieux de constructions (500 000), des mesures progressives d’incitation fi scale pour les investisseurs privés (Régimes Robien recentré et Borloo populaire), la création de la « maison à 100 000 euros » avec intervention de la Caisse des Dépôts et Consignations en contre garantie du paiement différé du foncier (dans la limite de 25 ans et pour les revenus modestes éligibles aux dispositifs sociaux) tandis que l’accédant prend à sa charge l’emprunt de la construction pendant ce délai, extension des plafonds d’accession au Nouveau Prêt 0 %….
De son côté la réforme de l’assurance emprunteur avec le remplacement de la Convention Bellorgey par la convention AREAS, a élargi les possibilités d’accès à la couverture décès invalidité aux personnes sur primées ou refusées par les compagnies d’assurance dans le cadre de leurs demandes de crédit, mise en place fi n 2006. N’oublions pas les occupants locataires, avec le changement de l’indice de référence calcul de la révision annuelle des loyers.
Mis en place en juillet 2006, l’IRL (Indice de Référence des Loyers) s’est substitué à l’indice de la Construction, généralement retenu dans les anciens baux.
Cet indice synthétique n’est composé qu’à hauteur de 20% de l’indice de la construction, et n’a ainsi évolué que de 3,19% depuis le 3ème trimestre 2005 contre 8,03% pour l’ancien indice sur la même période. De même, l’assurance de Garantie des Risques Locatifs (GRL), instaurée en janvier 2006, entrera en vigueur en Mars 2007. Elle permettra aux propriétaires bailleurs d’être prémunis des loyers impayés pour des populations de locataires traditionnellement exclues des assurances (CDD, étudiants…). Cette longue liste de mesures, aux allures de bilan électoral, fait montre de l’urgence des décisions qui étaient à prendre. Mais du texte aux actes, il y a toujours, on le sait bien, un délai. Or la situation ne permet plus d’attendre.
Quel en est le risque ?
Outre le temps nécessaire à l’application de tous ces dispositifs, il y aussi le risque que le Marché ne suive pas l’orientation. Mais il y aussi la possibilité de voir sortir des initiatives privées qui anticipent, dépassent ou accompagnent ces mesures. Ainsi, par exemple, le projet très avancé de mise en place d’un fond mutuel locatif permettant de se substituer aux loyers de garantie, tout en dispensant la fourniture de cautions personnelles de tiers. Instigués par les Pouvoirs Publics, des projets de création de fonds privés sont sans doute à prévoir.
S’agissant du crédit bancaire, les limites de durée de remboursement ont totalement éclaté avec la réforme des hypothèques. Les durées de 15, 20 ans ont disparu au profi t des 25, 30, 35 ans avec même une offre de la Kutxa Banque sur 50 ans maximum. De son côté le Crédit Foncier hésite à lancer son offre sur 40 ans, mais dispose d’ores et déjà du produit. Certes on peut toujours considérer qu’emprunter sur de telles durées est affolant ou dénué de bon sens fi nancier… N’empêche.
Entre se voir refuser l’accès à la location, pour des motifs de garanties ou de prix des loyers, ne pas pouvoir rester au sein d’une habitation devenue trop étroite pour cause d’agrandissement du cercle familial, et ne pas avoir accès aux prêts bancaires jusqu’à 30 ans pour manque d’apport ou d’absence de revenus suffi sants, il n’y aurait donc pas d’autre solution. Lorsque l’équation prix du bien, niveau de revenus, taux d’intérêt se referme sur vous, il ne reste que l’allongement du crédit comme clé de sortie de l’impasse. Notre monde bouge chaque jour, et sans doute de plus en plus rapidement.
Le conseil d’un professionnel du secteur, que ce soit fi nancier, immobilier, assureur, gestionnaire, va trouver assurément une place qu’il n’avait pas encore en France jusqu’ici. Sans doute vivons-nous aussi une évolution fulgurante de notre rapport avec notre endettement, et, sans aller immédiatement jusqu’au modèle anglo-saxon, devrons-nous nous habituer à vivre désormais toute notre vie adulte avec un crédit. Et le prêt trans-générationnel ne nous est pas encore parvenu….
Bruno Rouleau.