La tendance est à la concentration dans le paysage immobilier français. Les banques et leurs réseaux rachètent à grande échelle des agences tandis que se créent de nouvelles enseignes de commercialisation de biens. Résultat : les offres de franchise, de licence de marque et de réseaux corporatistes se multiplient. Ce qu’il faut savoir pour tirer son épingle du jeu dans ce contexte.
Rester indépendant ou céder aux sirènes en vendant son agence, telle est la question cruciale que se posent de plus en plus de professionnels. Pour la grande majorité de ceux que nous avons interrogé, le choix ne relève pas seulement d’une décision objective. Si les critères financiers, techniques, juridiques ou commerciaux de chacune des solutions entrent évidemment en ligne de compte, la décision repose pour une grande part sur l’adéquation entre le mode de fonctionnement choisi et la personnalité du manager.
Peut-on encore travailler de façon isolée ?
Sur les 33800 agences rescensées par l’INSEE (Les services en France, édition 2006) seulement 15% appartiennent à un réseau et réalisent un quart des transactions du secteur. La grande majorité farouchement attachée à son indépendance et à son autonomie fonctionne en solo et emploie moins de 3 personnes. « L’activité immobilière reste un marché de proximité qui fonctionne à l’échelle d’un quartier. Peu importe que l’agence soit filiale d’une banque, adhérente à un réseau de franchise ou pas », estime Alain Duffoux, président du syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI).
La franchise est un mode de relations, de réflexion et d’échange, idéal pour ceux qui veulent réussir. Le franchisé apporte son envie de développer sa propre affaire, le franchiseur apporte son expérience, son savoir faire, et sa logistique… A tout moment, le franchisé peut se faire épauler par notre structure technique, commerciale et juridique.
Patrick-Michel Khider et Bernard de Crémiers,
co-fondateurs du réseau Laforêt Immobilier
Ce qui compte pour les professionnels que nous avons rencontré, c’est l’impact positif de leur notoriété auprès des clients de l’agence – acheteurs ou vendeurs. Or, disent-ils, la notoriété d’un réseau repose sur celle de ses membres. « Si on est utopiste, on imagine que toutes les personnes qui adhèrent à un réseau vont respecter les règles. Or, ce n’est pas le cas. On peut gagner ou perdre à partager son image », estime Francis Pereira de Brisac Immobilier dans les Yvelines. Un second argument souvent invoqué est l’aspect relationnel et la nécessité d’un travail de fond pour fidéliser les clients. «Le premier fond de commerce est constitué par des clients qui ont acheté une propriété et qui nous adressent leurs amis. Nous privilégions les démarches de qualité et la dimension relationnelle. Ce qui n’est pas toujours compatible avec l’important turn over des collaborateurs des réseaux», affirme Jean-Claude Darnis, directeur d’un réseau d’agences dans la région de Saint Tropez.
Nous venons de renforcer nos structures de dialogue fortes. Dans chaque grandes régions de France, un à deux franchisés élus sur des critères de compétences et de disponibilité vont travailler avec un animateur régional. Elu pour trois ans, ce Conseil National se prononce désormais sur les orientations relatives au marketing, à la formation, aux achats, à la nouvelle technologie…
Gilles Chapeleau,
directeur de l’enseigne Avis Immobilier.
D’autre part, la plupart des agents qui se sont établis en indépendants n’en sont souvent pas à leur première expérience, ils ont souvent eu une pratique antérieure du management. Dans tous les cas l’indépendance ne signifie pas amateurisme. « Le négociateur doit avoir des notions d’urbanisme, de droit et de fiscalité. C’est au parton d’imprimer une volonté et d’être le conseil reconnu», insiste Jean-Claude Darnis.
Nombre d’agents indépendants se reposent sur les offres de la FNAIM pour former leurs collaborateurs. Pour Francis Pereira, la FNAIM, est un label précieux pour ses outils remis à jour en permanence en fonction de l’évolution de la législation.
Faut-il rejoindre un réseau pour passer à la vitesse supérieure ?
L’adhésion est souvent motivée par l’appropriation du savoir-faire du franchiseur. En effet, les agents qui fonctionnent en réseau ont le sentiment d’appartenir à une même communauté, à une équipe confrontée aux mêmes objectifs et aux mêmes difficultés. La mise en commun permet à chacun de bénéficier de l’expérience de tous. La question du pour les personnes qui débutent dans la profession. « Le franchiseur s’engage à nous faire profiter de tout ce qui existe sur le territoire et qui est pertinent. Il concentre le savoir faire local et le partage comme au sein d’une grande famille,» se félicite Jean-François Granier, agent Century 21, qui a décidé de rejoindre le réseau en 1993 après 13 ans d’exercice du métier en indépendant. Pour les agents qui choisissent cette option, le franchiseur apparaît comme le détenteur d’un savoir commun notament en terme de formation capable aussi d’améliorer leur situation financière.
Aujourd’hui pour continuer à vivre, les agences n’ont guère le choix. Elles doivent réunir leurs forces. A l’avenir, il faut augmenter la taille moyenne des agences et proposer une offre structurée. Le maillage complet du territoire et le partage de fichiers constituent la meilleur réponse pour séduire les particuliers qui réalisent euxmêmes 50% des ventes.
Bernard Cadeau,
réseau coopératif Orpi.
La question de la formation fait appel au même type d’attente. Pour Jean-François Granier, « le franchiseur maintient des ressources, des consultants dédiés, au service du franchisé : en stratégie, en formation, en management des hommes – ils se déplacent en agence ou assurent un support téléphonique. Les professionnels apprécient également les conventions où on se retrouve, au niveau régional, ou national – des ateliers de formation pour les managers et pour les conseillers. » Un gain d’énergie qui permet au franchisé de se concentrer sur son métier. Grâce aux réseaux je vais ouvrir une seconde et une troisième agence rapidement, s’enthousiasme Philippe Uzan.
Les franchisés apprécient de pouvoir s’appuyer sur les outils juridiques, financiers et techniques mis à leur disposition. « Nous avons accès à des services précieux. Et nous bénéficions d’accords cadres à des prix avantageux auquels nous n’aurions pas accès en tant qu’indépendant », précise l’un d’entre eux. Très appréciées notament les stratégies de référencement internet qui permettent d’arriver en tête de liste lorsque les clients sont en recherche d’appartement.
Il y aura toujours de la place pour des indépendants locaux. Dans le haute de gamme évidemment mais cela est vrai aussi pour des réseaux spécifiques tels que la vente des maisons de campagne, de résidences secondaires aux étrangers ou de lofts. En définitive, ces métiers sont peu compatibles avec le processus industriel des banques.
Charles-Marie Jottras,
président du directoir de Co-Dauchez
Autre aspect important de l’approche du métier par le biais du réseau et de la franchise, la synergie. « Je n’ai pas du tout le sentiment d’être le numéro 672 d’une structure dans laquelle il n’y a pas d’écoute, précise Laurent Monnet. Je me félicite d’appartenir à un réseau qui se densifie. Le maillage est de plus en plus important et je conclue une vente sur quatre avec un confrère Solvimo.» Pour cet agent installé dans la région sud, le réseau crée une dynamique commerciale qui amortit les coûts liés à la franchise. « Une vente par mois me rapporte 8000 € HT de commission, assure t-il, et couvre dix fois le coût de mon franchiseur. » C’est sans doute dans cette promesse que réside la force des réseaux de franchise.
Pascal Kinsbourg