La loi « Pour l’accès au logement et un urbanisme rénové », dite ALUR, vient d’être promulguée. Elle ne
pouvait l’être avant que le Conseil constitutionnel ne rende son verdict, doublement saisi par des députés
et par des sénateurs de l’opposition. Le juge suprême n’a pas suivi les parlementaires sur l’essentiel de
leurs revendications, et le texte publié au Journal officiel n’est pas substantiellement différent de celui
que les assemblées ont voté. Un point pourtant mérite qu’on s’y attarde: l’encadrement des loyers.
Sur le fond, le Conseil constitutionnel n’en a pas condamné le principe. Il a simplement été vigilant au
respect de la liberté contractuelle et au principe d’égalité au profit du bailleur, à l’intérieur du dispositif.
Ce qui ressort de son jugement, sous un aspect anecdotique, a de quoi rassurer.
Le gouvernement a d’abord été conduit à la suppression d’un mot, qui ne remet pas en question le
mécanisme concerné: il était permis au propriétaire bailleur d’appliquer un « complément de loyer
exceptionnel » lorsque les caractéristiques du bien le justifiaient. Le terme « exceptionnel » a été condamné
comme excessif et de nature à menacer le droit de propriété et la liberté contractuelle. On pourrait
trouver cette querelle sémantique dérisoire, et en tout cas, le texte a pu en être amélioré à bon compte
par la simple suppression du mot jugé malvenu… La critique est plus profonde qu’il n’y paraît, et la lecture
attentive des considérants de la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 mars est éclairante: le
législateur a porté « une atteinte disproportionnée » à la liberté du bailleur.
Voilà une explication qui va peser sur la rédaction du décret d’application appelé à définir précisément les
conditions d’exigence d’un loyer complémentaire par rapport aux loyers de référence majoré. Alors que le
législateur voulait par l’épithète d’ « exceptionnel » limiter considérablement les possibles, la rédaction
conforme à la Constitution les rouvre. Que considèrera-t-on comme légitime? Au fond, c’est la notion de
qualité qui revient et s’impose: les logements présentent un nuancier de caractéristiques de confort et de
localisation, et sans qu’il soit besoin d’aller dans l’exception, on peut à bon droit estimer qu’un bien est
très au-delà des standards et mérite un loyer supérieur.
Il est évident, a fortiori si la conception du loyer complémentaire est plus extensive, qu’on court le risque
de la bouteille à l’encre. Les pouvoirs publics ne laisseront passer ni l’imposture ni la mauvaise foi. Le plus
sûr moyen pour un propriétaire de se préserver contre des différends avec son locataire et avec la justice
sera de demander l’appréciation d’un professionnel immobilier, expert de son marché, qui engagera sa
responsabilité. Il ne fait pas de doute que l’encadrement des loyers en général et ce mécanisme
d’augmentation au cas par cas en particulier vont remettre agents immobiliers et administrateurs de
biens au cœur de la chaîne de valeur, alors qu’à ce jour les ménages pensent pouvoir se dispenser de
l’intermédiation pour la majorité d’entre eux.
En second lieu, le Conseil constitutionnel a repoussé la disposition qui autorisait le préfet à fixer le loyer
de référence en-dessous du loyer de référence majoré de 20% « en fonction de la dispersion des niveaux
de loyers observés ». Il a estimé que le principe d’égalité en était malmené. Cette partie de la décision est
rassurante : le texte initial, qui laissait finalement l’appréciation du loyer majoré à l’arbitraire préfectoral
créait une insécurité inacceptable pour l’investisseur.
Bref, à bien y regarder, le Conseil constitutionnel a fait plus que d’apporter des retouches de détail au
projet de loi de Cécile Duflot. Il a fait prévaloir, comme sa mission l’exige, des droits qu’on bafoue un peu
facilement, ceux du propriétaire. Il en sort une copie législative plus équitable. C’était crucial alors que les
investisseurs se sentent chahutés et mésestimés.©LeFildeLimmo/BazikPress