Techniquement spectaculaire, le principe de la géolocalisation des biens immobiliers est plébiscité par les internautes. De nombreux portails et réseaux proposent ce service. Mais, si l’information s’avère précieuse pour le futur acquéreur, les agents de leur côté ne communiquent qu’avec la plus grande prudence les coordonnées précises des biens. Explications.
Grâce aux techniques de géolocalisation, un internaute – acheteur, agent immobilier, réseau – peut visualiser un bien immobilier sur une carte. Une fonctionnalité nouvelle et de plus en plus demandée par les utilisateurs. «Ces nouvelles technologies reçoivent les suffrages des utilisateurs et la demande exige que ces outils soient disponibles sur les sites immobiliers des particuliers », estime Jean-Fabrice Mathieu, directeur général du Groupe SeLoger.
La demande exige la géolocalisation. Sur les sites de particuliers, il y a moins de biens mais leurs annonces sont plus riches. Elles contiennent plus de photos et d’éléments parlants, et en particulier elles offrent une option de géolocalisation extrêmement précise du bien. On peut difficilement échapper au sens de l’histoire. Il faut l’adresse pour calculer les coordonnées x et y et, selon les zones, on peut exploiter et satisfaire les deux attentes en affectant le bien à un métro ou bien à un quartier dans une zone urbaine.
Jean-Fabrice Mathieu
Directeur Général du portail SeLoger.com
L’internaute peut se déplacer sur la représentation cartographique comme dans le monde réel et les éditeurs de système de cartographie enrichissent toujours plus une offre qui permet d’accéder à une base très riche d’informations et de services de proximité. Un outil qui, selon Laurent Vimont, vice-président de Century 21, est appréciable quand il donne un type d’information supplémentaire qui vient compléter le descriptif du bien. Les démarches de recherche de biens immobiliers s’avèrent pour les internautes plus simples et plus fluides. Cela ne révolutionne pas pour autant les comportements d’achat. Internet est seulement un outil, tout dépend aussi des motivations du candidat à l’acquisition et de sa relation avec les technologies.
Les avantages pour l’acquéreur
Il n’empêche que la géolocalisation peut représenter une véritable opportunité pour le secteur de l’immobilier. La souplesse du système de recherche, la précision des représentations et la nature continue de l’information diffusée facilitent le travail d’un internaute à la recherche d’un bien. Comme le remarque Jean-Fabrice Mathieu, «les internautes demandent cette recherche. Ils vont se servir de plus en plus des cartes et si nous ne sommes pas capables de répondre à leurs attentes notre visibilité risque de se dégrader.»
Une fois le bien localisé, le système affiche les bâtiments administratifs, et les informations de proximité, restaurants, hôtels, commerces, écoles, etc. Des renseignements précieux pour le futur acquéreur. «Lorsque nous avons conçu notre offre, nous avons essayé de l’imaginer avec une valeur ajoutée supplémentaire pour les internautes.
On s’est demandé ce qui manquait aux sites français. Notre réponse a été la localisation qui reprend des informations sur les quartiers plutôt que la géolocalisation qui est un positionnement purement géographique. Nous avons créé notre offre en fonction des futurs clients en proposant des informations sur le quartier», explique Isabelle Moins, directrice générale du site Annonces Jaunes.
Des freins réels chez les agents immobiliers ?
Si le principe de la géolocalisation est séduisant, la diffusion d’informations trop précises concernant les biens inquiète les agences. «Même si les attentes des internautes sont très fortes, elles s’opposent aux risques de détournement des mandats par des agents peu scrupuleux et au risque de voir les particuliers démarcher directement les propriétaires», remarque Laurent Vimont.
Aucun acheteur ne fait l’acquisition d’un bien sur la simple géolocalisation. Entre la demande d’origine et l’acte d’achat il y a souvent un décalage. Il ne faut pas seulement proposer le bien attendu mais comprendre les attentes et guider l’acheteur vers des catégories qu’il n’a pas imaginé. Un achat immobilier repose sur une équation dont les paramètres sont le budget, le rêve et la réalité. Le principe de la géolocalisation peut être très réducteur … Intellectuellement c’est séduisant, techniquement c’est spectaculaire, mais je ne suis pas sûr que cela corresponde toujours à quelque chose d’efficace.
Laurent Vimont
Vice-Président du réseau Century 21
Une position partagée par Julien Kourotchkine, responsable de la communication du réseau coopératif L’Adresse, qui connaît bien les interrogations de ses partenaires. «Nous avons un projet de géolocalisation pour notre site internet mais nous nous heurtons aux réticences de professionnels qui ne veulent pas que l’on sache précisemment où sont situés leurs biens.»
Sur le modèle américain, qui donne à l’internaute les coordonnées d’une large gamme de services connexes, nous voulons intégrer ces technologies de géolocalisation. Pour le mandat simple notre but serait d’avoir une approche plus générique sur la commune ou sur le quartier dans lequel se trouve le bien. Nous souhaitons localiser sur le site web de L’Adresse le réseau d’agences sur une carte pour créer des zones de chalandise. La géolocalisation permet par ailleurs, de donner une meilleure visibilité du secteur pour une agence. Cela peut être possible en indiquant par exemple la densité des biens, l’ensemble des services sur une même zone et en communiquant les coordonnées de nos éventuels partenaires.
Julien Kourotchkine
Responsable de la Communication du réseau coopératif, L’ Adresse
Pour l’agence le mandat, simple ou exclusif, est en effet le nerf de la guerre. «Surtout dans une situation de marché où les délais de commercialisation s’allongent et peuvent dépasser trois mois», constate Jean-Fabrice Mathieu. Une objection unanime soulevée par les professionnels interrogés : comment diffuser sur un portail ou sur le site du réseau une information aussi stratégique sans risquer de perdre son mandat ?
La géolocalisation à usage interne
Or, ne voir dans la géolocalisation que des dangers, c’est négliger certaines de ses applications. «Pour les agents immobiliers, la géolocalisation peut servir en interne dans le cadre du travail en inter-cabinet. Les agences peuvent alors localiser plus facilement les biens dont les mandats ont été entrés par les confrères», note Valentin Andreae chez Périclès.
Les réseaux qui regroupent un nombre élevé d’agences sont demandeurs d’outils leur permettant d’avoir une vision géographique globale de la répartition de l’offre et de la demande. Dans le cadre d’un usage interne, la question de la confidentialité ne se pose pas. Des attentes bien perçues par les éditeurs de logiciels tels Périclès ou Naxos qui ont commencé à intégrer ces technologies.
Tendances et adaptations
Dans ce contexte, les professionnels s’organisent et cherchent des solutions satisfaisantes pour sortir du lot et lutter contre le marché des particuliers. Une réponse du portail SeLoger.com est de « proposer aux agences de renseigner soit le métro soit le quartier ou les centres d’intérêts. C’est un pas en avant si elles veulent sortir du lot et lutter contre le marché des particuliers.»
Chez nous, la localisation reste une option pour nos clients. Pour préserver la confidentialité du mandat, nous ne proposons pas une géolocalisation précise mais une localisation par quartier qui dépend de la densité de la population.
Isabelle Moins Directrice
GénéraleAnnonces Jaunes
Chez Annonces Jaunes, portail lancé il y a à peine un an, l’offre a été pensée « en restant à l’écoute des besoins des agences. Nous ne proposons pas une géolocalisation précise mais une localisation par quartier qui dépend de la densité de la population pour préserver la confidentialité du mandat. » Une approche métier qui s’apparente à celle de Naxos dont les produits permettent «de brouiller de manière manuelle ou aléatoire la situation du bien sur la base d’un seuil qui dépend de sa localisation, précise Thierry Rouxel, directeur du développement de Naxos.
SeLoger a réalisé pour sa part et pour une cinquantaine de villes de France, un « mapping » des quartiers qui se trouve sur l’interface professionnelle de leur portail. Pour Laurent Vimont de Century 21, une des clés « serait la hausse des mandats exclusifs via les fichiers de la FFIP ou de fichiers communs inter-agences.» Différentes approches qui devraient combler les attentes associées à cette jeune technologie. Une fois ces freins levés, la carthographie devrait néanmoins se développer sous l’impulsion notamment de professionnel soucieux d’apporter une qualité de services accrue à leurs clients.
Pascal Kinsbourg