Après avoir été décrié ces dernières années, le statut d’agent commercial connaît aujourd’hui un net regain d’intérêt. Les éclairages de notre expert Gérard Bornot.
En 2004, de nombreuses rumeurs ont couru, laissant entendre que le statut d’agent commercial n’était plus autorisé en agence. Certains commentaires d’un arrêt de rejet de la chambre commerciale de la cour de cassation laissaient même entendre que l’agent commercial devait personnellement et systématiquement répondre à toutes les exigences de la loi Hoguet et donc être titulaire de la carte professionnelle. Ces rumeurs ont quelque peu semé le trouble dans la profession, certaines préfectures refusant de délivrer des cartes aux négociateurs ayant un statut d’agent commercial. Cette situation était particulièrement problématique pour les agences qui ne fonctionnaient qu’avec des collaborateurs ayant ce statut de travailleur indépendant. C’est à cette époque, que profitant de ces rumeurs, se sont développées les sociétés de portage salarial immobilier.
Qu’est-ce que le portage salarial ?
Le portage salarial concerne principalement les métiers du savoir pour des interventions de prestations de services (conseil, audit, formation, cycle de conférences) dans des domaines techniques, d’organisation ou de gestion, pour lesquels le consultant n’a aucun lien de subordination avec l’entreprise cliente, mais exécute une mission ponctuelle à forte valeur ajoutée intellectuellement pour une entreprise cliente. Une définition complète du portage salarial, et les conditions d’exercice de l’activité sont déclinées sur le site du Syndicat national d’entreprises de portage salarial.
Le portage salarial est incompatible avec les professions réglementées (avocat, expert comptable, agent immobilier) rappelons que le métier d’agent immobilier est strictement encadré par la loi «Hoguet». Malgré ceci, de nombreuses sociétés de « portage salarial immobilier » ont su profiter de ces rumeurs infondées pour communiquer auprès des agences immobilières afin de leur expliquer qu’il ne leur était plus possible de recourir à des agents commerciaux, leur proposant en quelque sorte d’externaliser leur force commerciale.
Une solution à utiliser avec des pincettes
Nombre de spécialistes déconseillent le recours aux sociétés de portage immobilier, tant qu’une loi n’aura défini complètement l’organisation et la réglementation de cette forme particulière de travail. En 2005, dans sa revue bleue, la FNAIM déconseillait fortement le recours aux sociétés de portage, considérant que c’était « une mauvaise réponse aux difficultés de gestion des collaborateurs ». S’il apparaît donc exclu de faire appel à ce type de contrat pour un emploi de négociateur, le portage salarial est néanmoins adapté lorsqu’une entreprise immobilière souhaite faire appel à des compétences dont elle n’a pas habituellement la nécessité structurelle pour pallier à un besoin momentané.
Il s’agit le plus souvent de prestations externalisables (audit, conseil, formation, etc). La profession est assez divisée lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le statut à proposer à un collaborateur commercial en agence. Si la question ne se pose pas en Amérique du nord où ce statut est parfaitement reconnu il n’en est pas de même en France où beaucoup de professionnels sont réservés sur ce point.
Une option en plein développement
Malgré ces interrogations le statut semble aujourd’hui retrouver un second souffle avec l’arrivée en France de réseaux qui font reposer leur développement, pour tout ou partie sur la promotion du statut de travailleur indépendant. La FNAIM estime qu’il y a aujourd’hui 10 à 12 000 agents commerciaux exerçant dans des agences immobilières. Dans de petites structures familiales développant une double activité de gestion locative et de transaction, cette seconde activité est souvent exercée par un agent commercial totalement autonome, qui a le plus souvent fait ce choix pour ne pas avoir à subir une relation hiérarchique.
En recrutant des agents commerciaux, l es agents immobiliers recherchent à minimiser les coûts.
Gilles CHAPELEAU,
directeur de l’enseigne Avis Immobilier
Dans certaines agences franchisées de réseaux de culture américaine (Century 21, ERA, COLLWELL BANKER) les agents commerciaux représentent souvent près de 50% des effectifs. Des structures nouvelles en plein développement (IDIMMO du groupe ERIC MEY, et C.A.P.I. , le centre d’affaires des Professionnels de l’Immobilier) proposent par ailleurs à des travailleurs indépendants une structure leur permettant d’exercer le métier de négociateur en toute indépendance.
Deux nouveaux réseaux, REMAX France, et Swixim France, développent depuis peu leurs réseaux d’agences en soulignant l’intérêt pour les agents immobiliers d’assurer le développement de leurs agences en s’appuyant sur le statut d’agent commercial.
Un statut supposé rendre les négociateurs plus responsables
La profession recense actuellement plus de 30 000 cartes professionnelles. En transaction 60 % des agences réalisent moins de 150 000 euros hors taxe de chiffre d’affaires, avec un effectif d’un peu moins de 3 collaborateurs. Nombre de professionnels sont dans l’impossibilité d’offrir des revenus acceptables à leurs collaborateurs. Du fait de la faible taille de leur structure, ils ne peuvent par ailleurs proposer un plan de carrière susceptible de retenir les bons éléments.
C’est ce constat qui a incité les dirigeants du réseau Swixim France, à developper un concept original qui a déjà fait ses preuves en Suisse. Pour Christophe Guichard directeur du développement, « le succès rencontré dans son pays d’origine, nous incitait fortement à proposer ce concept non seulement aux agents installés, mais également aux agents commerciaux, que nous dénommons courtiers dans notre réseau. Dans ce pays comme en Amérique du Nord, les négociateurs immobiliers les plus performants, sont des travailleurs indépendants ».
Jean-Pascal Dutto, président du réseau RE/MAX en France, précise quant à lui : « en Amérique du Nord l’esprit d’entreprise est une valeur culturellement répandue, du fait d’un modèle social différent. Dans ces pays (U.S.A. Canada) les agents immobiliers, tant en réseau qu’en indépendants, travaillent quasi exclusivement avec des travailleurs indépendants.
Il en est de même pour le réseau C.A.P.I qui développe un réseau de plus de 350 agents commerciaux tous mandatés par une même structure, qui met à disposition non seulement la carte professionnelle mais également, un outil informatique, une centrale d’achat, des programmes de formation, et l’accès à un très grand nombre de sites internet parmi les plus consultés. « Nous recevons actuellement plus de 40 candidatures mensuelles, la moitié des candidats sont retenus et intégrés dans nos équipes qui couvrent aujourd’hui la quasi-totalité des régions françaises.
Parmi les candidats nous retrouvons un certain nombre de négociateurs qui ne trouvaient pas dans leurs agences les moyens de réussir et de s’épanouir dans leur métier », explique Jean-Claude Cottet-Moine. Et le fondateur de Capi de poursuivre: «le candidat idéal a souvent été artisan, commerçant, et a intégré l’idée qu’il doit payer de sa personne pour se faire sa rémunération. C’est cette conception de la responsabilité qui est un des éléments moteurs de la réussite des meilleurs de nos agents commerciaux.
Souvent choisi pour pallier à une absence de management
Pour Jean Lavaupot, directeur exécutif d’ERA France, « l’avantage du statut de travailleur indépendant pour le patron d’agence est l’absence de trésorerie de prise de risque, …mais la loi Hoguet impose un contrôle de la part du titulaire de la carte, qui nous incite en France à préconiser le statut de salarié, qui représente 50% de nos effectifs commerciaux». Nous touchons là à la principale motivation malheureusement souvent affirmée chez les patrons d’agence qui recourent à ce type de contrat pour leurs négociateurs immobiliers. Un tel positionnement en matière de recrutement est regrettable, de la part de patrons dont on attend au contraire un véritable engagement à l’égard de ses collaborateurs.
La constitution d’une équipe de qualité, implique un recrutement, une intégration, une formation et un management de qualité. Cette implication nécessaire à la réussite des collaborateurs, n’est pas toujours évidente chez des professionnels qui ne souhaitent pas s’impliquer dans le management de leurs collaborateurs commerciaux et qui affirment pour certains d’entre eux « si mon agent commercial réussit je partage sa réussite, s’il échoue, il ne me coûte rien » ce raisonnement oh combien regrettable, est encore trop souvent constaté chez quelques agents immobiliers.
C’est l’avis de Gilles Chapeleau, directeur de l’enseigne AVIS Immobilier, qui reconnaît «en recrutant des agents commerciaux, l’agent immobilier recherche à minimiser les coûts, c’est pour moi un raisonnement à court terme. Dans toutes ses orientations stratégiques, AVIS-Immobilier a fait le choix de développer un réseau pérenne à long et moyen terme. La qualité des franchisés et de leurs collaborateurs est la clé de la réussite de notre réseau. Pour pouvoir faire appliquer la méthode AVIS –Immobilier qui fait ses preuves depuis de nombreuses années, le statut salarié est le mieux adapté. De plus le recrutement des collaborateurs se fait dans le cadre d’un projet d’évolution de carrière. »
La FNAIM a toujours préconisé le recours au salariat. Formule plus lourde mais beaucoup plus séduisante d’un point de vue juridique et financier.
Cyril Sabatie,
directeur juridique de la FNAIM
Pour Cyril Sabatie Directeur Juridique de la FNAIM. «Si ce statut peut présenter, en apparence seulement, un certain nombre d’avantages, notre syndicat a toujours préconisé le recours au salariat, formule plus lourde certe, mais beaucoup plus sécurisante du point de vue juridique et financier » C’est d’ailleurs sous l’impulsion de la FNAIM que la loi E.N.L. (engagement national pour le logement) est venue modifier la loi Hoguet qui reconnait désormais de manière expresse le statut d’agent commercial aux négociateurs non salariés. En matière de sécurité financière et juridique, Cyril Sabatie souligne « la loi fait une utile précision: les agents commerciaux ne peuvent recevoir ou détenir des sommes d’argent…ils ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, à l’exception des mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle visée à l’article 3 de la loi ».
Jean Claude Cottet Moine souligne l’importance pour lui de pouvoir s’assurer en permanence du respect des règles déontologique imposées aux agents commerciaux mandatés par C.A.P.I. «Ce contrôle se fait au niveau du recrutement, les agents C.A.P.I. sont avant tout des hommes et des femmes responsables Indépendants mais pas seuls, l’organisation que nous avons mis en place avec un staff de 25 personnes, leur permet de travailler dans les meilleures conditions et de respecter en tous points la déontologie professionnelle ».
Attention aux électrons libres
La responsabilité de l’agent immobilier est de plus en plus souvent engagée, et la DGCCRF. exerce des contrôles fréquents dans les agences immobilières. Dans un tel contexte il est bien certain que l’agent immobilier doit être de plus en plus prudent et vigilant dans le choix de ses collaborateurs commerciaux, et nous pouvons nous interroger en effet sur les risques que peut courir un agent immobilier ayant des agents commerciaux « attachés » à sa carte professionnelle, agissant en « électron libre » s’il n’est pas capable de veiller en permanence aux respect le plus complet des règles qui sont imposées à la profession.
Christophe Guichard se montre quant à lui tout à fait confiant, les dirigeants de Swixim France attachant autant d’importance au choix des courtiers en immobilier qu’à celui des agents immobiliers franchisés. « Le Courtier Swixim est un véritable entrepreneur, ambitieux juridiquement et financièrement indépendant, qui s’implique, comme tout franchisé, dans le succès d’une marque commune. L’agent immobilier Swixim et ses courtiers partagent les mêmes valeurs, pour la réussite et la pérennité de leurs entreprises respectives. C’est dans cet esprit, que notre partenaire de Vesoul bénéficie déjà de la collaboration de 5 courtiers Swixim, 5 mois seulement après la signature de son contrat de franchise.
Par définition l’agent commercial est une personne au caractère indépendant et entrepreneur.
Jean Pascal Dutto,
président du réseau RE/MAX en France
C’est également le point de vue de Jean Pascal Dutto pour RE/MAX France « par définition l’agent commercial est une personne au caractère indépendant et entrepreneur. Dans le système RE/MAX, l’agent commercial trouvera son indépendance, il gagnera plus d’argent et aura l’avantage de créer sa propre entreprise au sein d’un «centre d’affaires en immobilier» il sera à son compte mais pas isolé. C’est grâce à tous ces travailleurs indépendants que RE/MAX est le seul réseau au monde à pouvoir affirmer «Personne au monde ne vend autant de biens immobiliers que RE/MAX». En tout état de cause, le client est seul juge de la qualité des services qui sont proposés par l’agent immobilier, quel que soit le statut du collaborateur…
L’agent immobilier qui s’inscrira dans une culture de service, doit réussir, encore faut il qu’il ait conscience que ce service parfait, passe par du recrutement de qualité, de la formation permanente, un engagement de tous les instants à l’accompagnement, des collaborateurs ou « associés » s’il s’agit d’agents commerciaux. C’est encore hélas ce qui manque parfois à certains patrons d’agences qui n’ont pas toujours compris ce qu’il en est des exigences de leur métier, en matière de management, pour attirer les meilleurs negociateurs, afin d’ offrir un véritable service de qualité.
Gérard Bornot