Au final, la loi ALUR fait consensus. La profession en sort grandie et devrait retrouver la confiance des clients.
Ce qui se passe est étrange et heureux. Il y a quelques semaines encore, on nous disait que tous les agents immobiliers et tous les administrateurs de biens de France et de Navarre étaient vent debout contre le projet de loi ALUR. Ils étaient prêts à tout, à défiler, à partir à l’étranger, que sais-je encore. Le ton dominant a radicalement changé: les débats et les tables rondes fleurissent partout pour mesurer à quel point la future loi constitue une chance pour les professions concernées. Oui, je me réjouis de ce que je n’attribue pas à un revirement, qui serait fragile et de circonstance, mais à une prise de conscience.
Prise de conscience d’abord parce que la profession s’est exaspérée sur la base de versions provisoires du texte, et que la version finale, désormais connue -sous réserve de l’invalidation par le Conseil constitutionnel de certaines dispositions, au demeurant assez peu probable…-, marque de nets progrès et se rapproche des demandes des féderations sur plusieurs points cruciaux.
Prise de conscience ensuite parce que la didactique et la réflexion posée ont agi sur les esprits échauffés. Les professionnels commencent à comprendre que Madame Duflot a fait leur jeu plus que n’importe lequel de ses prédécesseurs, avec la complicité de Madame Taubira. Et ils n’ont pas fini de le réaliser. La conception des professions immobilières qui prévaut dans l’ALUR est celle de métiers estimables, à forte valeur ajoutée.
Quelques illustrations, qui ne sauraient épuiser le sujet s’agissant d’une loi de 177 articles, de 300 pages, appelant une centaine de décrets d’application.
Le conseil national de la transaction et de la gestion d’abord: il dote la profession d’une dignité évidente et institutionnelle, à tel point que les professionnels en redemandent! Ils interrogent leurs syndicats quant à la raison qui les a conduits à limiter leurs ambitions et à ne pas exiger un ordre, sans représentants des consommateurs. Je passe sur l’appétit de grands noms de l’immobilier à vouloir présider ce conseil, que tous tançaient ou méprisaient naguère. Des professions qui s’autorégulent en s’imposant une déontologie, une compétence par la formation tout au long de la vie, par la discipline, sont honorables.
Les contraintes supplémentaires? Elles sont la chance pour les agents immobiliers et les gestionnaires locatifs de faire enfin monter leur taux de pénétration. Plus de transparence dans les services rendus, dans les contrats, plus d’information des clients sur les biens, sur les tarifs, sur les statuts et les situations des entreprises, plus de pouvoir aux garants vont rassurer les ménages, qui ne cachent pas aujourd’hui leur suspicion. Plus de complexité aussi, nécessitant un décodage, avec des loyers encadrés, des locations meublées sous contrôle étroit, une garantie contre les impayés aux effets limités à compléter par des options assurantielles privées, et dont la mise en œuvre exigera une attention dont les particuliers ne sont pas capables.
Aux syndics de copropriété, la loi va demander aussi beaucoup plus: ils géraient déjà l’essentiel des immeubles collectifs, et vont progresser encore. C’est sur un autre front, sur lequel ils ont échoué jusqu’à présent, qu’il vont pouvoir vaincre, celui des honoraires. Le législateur et l’air du temps mettent fin dans l’ALUR à la pratique des honoraires complémentaires. Le forfait devient le nouveau modèle de facturation. Il appartient à la communauté professionnelle d’imposer des niveaux de forfait réalistes au plan économique. Je plaide pour un redressement à hauteur de 30%.
Tout bien pesé, les professionnels sortiront grandis de cet épisode législatif épique. Se retournant sur leur colère, ils la trouveront même dérisoire. Quant à Cécile Duflot, elle a tenu le cap contre vents et marées, animée d’un idéal du service immobilier qu’il est difficile de ne pas partager. Le nouveau regard porté sur son texte me semble en être une reconnaissance.