Dans un marché de l’immobilier pour le moins tourmenté, le recours à un expert est souvent un gage de sécurité pour tous les acteurs. Dans une série d’articles, nous nous proposons de donner des coups de projecteurs sur ce métier et de passer à la loupe des questions techniques. Pour commencer, quelques points de repères sur l’organisation de cette profession.
Cela peut paraître assez anachronique, mais le métier d’expert n’est pas une profession réglementée hormis dans la cadre d’expertises judiciaires, agricoles, foncières et forestières. A celui qui veut se lancer, on ne réclamera qu’une simple assurance professionnelle.
Signalons l’existence d’une charte de l’expertise remodelée en 2006 énonçant les principes généraux que leurs membres s’engageraient à respecter lorsqu’ils font acte d’Expertise. Elle a donc pour objectif de fournir un référentiel de base aux Experts et d’être une source d’information pour toute personne, organisme professionnel ou privé, concernés par des questions d’évaluation. Depuis quelques années la profession esquisse un début d’organisation avec une voie universitaire conduisant au métier avec l’I.C.H (Institut d’études économiques rattachées à la Construction et à l’Habitation) et plus récemment, la création d’un diplôme de la R.I.C.S (Royal Institution of Chartered of Surveyors). Enfin il faut souligner l’inscription à une liste des experts rattachés à une cour d’appel qui constitue une reconnaissance administrative de l’expert.
Un marché vaste et diversifié
Si la profession est si peu organisée, sans doute est-ce du, en partie, à la grande diversité du marché. Sur le marché de l’immobilier d’habitation, l’expert est sollicité pour tous les actes à titre gratuit; les donations, donations/partage, divorces, successions… Dans ces cas, les prescripteurs sont essentiellement les notaires, avocats et gestionnaires de patrimoine. L’intervention de l’expert est alors nécessaire pour assurer l’équilibre de la détention ou de la répartition du capital. L’expert immobilier est évidemment sollicité pour tous les actes à titre onéreux, lors d’une mise en vente, d’un achat, d’une mise en place d’un crédit ou la valorisation des effets induits d’une divisibilité parcellaire …
Les clients sont les particuliers ; les prescripteurs sont une fois de plus les notaires et les gestionnaires de patrimoine mais aussi les banques ou les agents immobiliers pour assister vendeur et acquéreur sur la juste appréciation du bien vendu ou à acquérir. Sur le marché de l’immobilier commercial (murs de commerce) ou d’entreprise (biens tertiaire, artisanal ou industriel), l’expert intervient principalement pour fixer valeurs vénales ou locatives lors du renouvellement des baux avec l’étude des possibilités de déplafonnement, la valorisation des actifs au bilan de l’entreprise. Il se positionnera en tant que conseil pour optimiser fiscalement et économiquement la détention du capital. Les prescripteurs sont alors les experts-comptables, avocats d’affaires, gestionnaires de patrimoine et notaires.
Pour des patrimoines financiers détenus par des sociétés immobilières cotées, le travail d’expertise est généralement assuré par des cabinets plus importants qui se sont bien développés ces dernières années, le plus souvent rattachés à des structures bancaires.
Des méthodes et des outils évolutifs
Les méthodes d’évaluation permettent aujourd’hui d’approcher très précisément la valeur d’un bien, y compris dans un contexte en perpétuelle évolution. Ces méthodes se regroupent en deux familles, les méthodes comparatives et les méthodes dites financières. Elles consistent à analyser les facteurs socio-économiques, juridiques, techniques et fiscaux de l’immeuble.
La méthode comparative directe est la plus usitée. Elle s’appuie sur l’étude de mutations déjà réalisées. Mais aujourd’hui, l’expert dispose d’autres méthodes comparatives, par régression, hédoniste ou par sol plus constructions.
La méthode financière par capitalisation où le loyer ou la valeur locative induit la valeur de l’immeuble se décline aujourd’hui, dans le cadre d’une analyse actuarielle, en tenant compte de tous les critères de revenus et charges qui sont projetés dans le temps : c’est la méthode dite du cash-flow.
Il existe divers ouvrages de références traitant de la matière, ainsi que quelques logiciels d’expertise. Ces logiciels permettent de procéder à des rédactions automatisées des rapports à partir de données recueillies et analysées par l’expert. Ils apportent en outre un confort et une rapidité dans le maniement des méthodes. L’expert devra s’appuyer sur des bases de données, souvent gérées de manière confidentielle (base SEVERINA pour les agents immobiliers, base BIEN ou MINPERVAL pour les notaires). Une base de données mutualisée, qui regrouperait le plus grand nombre des acteurs concernés, serait sans conteste un atout indéniable pour la profession. Elle favoriserait le recours presque systématique de l’expertise sur le marché de l’immobilier.
Jacques Lumbroso