Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris X-Nanterre et rapporteur de l’observatoire du financement des marchés résidentiels CSA-Crédit logement, analyse les dernières tendances en terme de crédit immobilier aux particuliers.
Les taux d’intérêts remontent doucement depuis 2005
Alors que les taux des prêts du secteur concurrentiel avaient diminué jusqu‘en 2005, ils ont repris de l’ordre de 125 points de base depuis. Ils étaient descendus à 3.36 % en moyenne au 4ème trimestre 2005 (hors assurance et coût des sûretés), ils sont à 4.62 % au 4ème trimestre 2007 (et plus précisément à 4.64 % en décembre 2007). Après la hausse régulière constatée durant l’année 2006 (50 points de base sur un an), le taux nominal moyen des prêts du secteur bancaire a connu une progression plus modérée au 1er semestre 2007 (20 points de base sur 6 mois).
A partir de juin cependant, les établissements de crédit ont commencé à remonter leurs taux, en réponse au renchérissement du coût des ressources et à leur stratégie de reconstitution des marges (55 points de base sur 6 mois) : le taux moyen a alors retrouvé le niveau qui était le sien début 2003. En décembre 2007 puis en janvier 2008, le mouvement des taux a marqué le pas : le taux moyen est ainsi maintenant à 4.66 % (4.63 % pour l’accession dans le neuf et 4.64 % pour l’accession dans l’ancien).
Jusqu’en novembre, les français ont compensé cette hausse en allongeant la durée des crédits
Entre 2001 et 2003, l’augmentation de la durée des prêts accordés se faisait à un rythme moyen de l’ordre de 6 mois par an. Le rythme s’est accéléré durant les années 2004 et 2005 pour représenter de l’ordre de 12 mois par an. Et en 2006, la durée des prêts s’est élevée de 16 mois, en moyenne ! Cependant, au cours du premier semestre 2007, l’accroissement de la durée a été plus lent, de l’ordre de 2 mois par trimestre : 221 mois au 2ème trimestre contre 217 mois fin 2006. Mais dès juin, les durées se sont à nouveau allongées rapidement pour s’établir à 225 mois au 3ème trimestre : elles sont pratiquement restées à ce niveau durant le 4ème trimestre.
Ainsi, en 2007, l’allongement des durées a été au total de l’ordre de 8 mois. Cependant, dès novembre 2007 le mouvement d’allongement des durées a commencé à s’inverser : ainsi, durant les deux derniers mois de l’année, la durée des prêts a reculé de 2 mois au total. Le mouvement s’est poursuivi en janvier 2008, au même rythme : la durée moyenne est alors de 223 mois (243 mois pour l’accession dans le neuf et 238 mois pour l’accession dans l’ancien), contre 224 mois en décembre 2007.
L’indicateur de solvabilité se maintient
Au total, les conditions de crédit ne se sont donc quasiment pas détériorées depuis plus de 18 mois : le niveau des mensualités associées à un même capital emprunté s’est accru de seulement 0.9 % depuis l’été 2005 … mais il a diminué de 3.6 % avec la mise en place du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété ! Ainsi, l’indicateur de solvabilité de la demande réalisée a retrouvé un niveau élevé en janvier 2008 : il dépasse en effet les niveaux élevés qu’il connaissait en 2005, lorsque les taux d’intérêt étaient au plus bas. Il est vrai que l’impact du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété est équivalent, pour l’ensemble du marché, à une baisse des taux d’intérêt de l’ordre de 65 points de base. Dans l’ensemble, la demande bénéficie donc toujours de conditions d’expression excellente.
En dépit des incertitudes qui ont fortement affecté leur environnement (craintes sur le pouvoir d’achat, crise de l’immobilier aux Etats-Unis, dévissage des marchés boursiers …), le dynamisme des marchés immobiliers n’a d’ailleurs pas encore été altéré.
Si en 2008 le secteur n’échappe que difficilement au trou d’air créé dans le sillage des turbulences boursières et financières récentes, il devrait en revanche rester à l’écart des bouleversements auxquels les secteurs immobiliers sont dès maintenant confrontés dans d’autres pays. Et il n’est pas à exclure qu’il rebondisse plus tôt que prévu, surtout si la BCE réduit comme prévu ses taux de refinancement, dès la fin du printemps. Sauf, bien sûr, si les contrecoups de la crise des « subprimes » et les pertes subies par certains établissements bancaires et financiers venaient brouiller la donne: en provoquant une destruction de fonds propres des établissements qui finit par apparaître comme non négligeable, c’est bien l’offre de crédits sur les marchés de détail qui devrait en pâtir. Et en première ligne, le marché de l’ancien qui absorbe plus de 60 % des crédits immobiliers aux particuliers.
Dans un contexte comparable de « crédit crunch », le nombre de transactions sur logements existants avait reculé de l’ordre de 15 % sur un an en 1992 (et de près de 25 % par rapport au point haut de l’année 1989), entraînant dans son sillage le marché du neuf. Finalement, ceux qui «pronostiquent» depuis le début des années 2000 un recul brutal des marchés et une baisse des prix des logements pourraient finir par avoir raison si l’offre de crédits recule… mais pas du tout pour les raisons qu’ils avançaient, bien au contraire.
Michel Mouillart