Dans le domaine de la vente ou de la location, l’agent immobilier ne peut pas négocier ou s’engager, à l’occasion d’une opération, sans détenir un mandat écrit. Préalablement délivré à cet effet par l’une des parties, ce sésame est indispensable pour obtenir le paiement d’une commission lorsqu’il a rapproché deux parties.
Un mandat avant toute négociation
En l’absence de mandat préalable à la signature d’un compromis (ou d’un bail), l’agent immobilier ne peut prétendre à aucune rémunération. Cette solution a été plusieurs fois affirmée par la jurisprudence. Tel a été le cas, en matière de location : une agence avait reçu mission de louer un local commercial, avait trouvé un preneur qui avait signé une proposition de location prévoyant le montant des honoraires de l’agent immobilier.
La Cour de cassation, après avoir relevé que l’engagement de location ne conférait pas de mandat à l’agent immobilier, a approuvé la Cour d’appel d’en avoir déduit que l’agent immobilier ne pouvait réclamer aucune commission aux parties, alors même que le bail avait été conclu. L’agent immobilier peut, cependant, en matière de vente, obtenir une rémunération si les parties s’engagent à rétribuer ses services, par une convention conclue après que l’acte authentique de vente ait été signé.
Cass. Civ. 1, 5 mars 2002 ;
Cass. Civ. 1, 3 février 1993
De plus, si l’agent immobilier, dépourvu de mandat, concourt tout de même à la conclusion d’un compromis ou d’un bail, et reçoit, à cette occasion, une somme d’argent, il commet une infraction pénale. En effet, le fait d’accepter des sommes d’argent sans avoir, au préalable, de mandat écrit permettant de négocier l’opération est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende.
L’agent immobilier peut être condamné s’il perçoit une commission à titre personnel, mais aussi s’il recueille des sommes d’argent qui ne lui sont pas destinées, telles qu’un acompte à séquestrer dans le cadre d’une vente, ou encore, en matière de location, des sommes constituant le dépôt de garantie ou le loyer.
Article 16 de la loi du 2 janvier 1970 ;
Cass. Crim., 28 novembre 2000
Il est établi ainsi que l’agent immobilier doit détenir un mandat avant qu’un engagement ne soit conclu entre le mandant et un tiers, et donc, avant de concourir à la signature d’un compromis ou d’un bail. Cependant, l’agent immobilier peut-il se contenter de signer le mandat avant d’établir le compromis ou le bail, ou, au contraire, doit-il détenir un mandat avant tout acte de négociation ?
Un mandat avant toute publicité ?
Avant de faire de la publicité sur un bien, l’agent immobilier doit-il détenir un mandat ? La réponse à cette interrogation est incertaine. En effet, en 1979, la Cour de cassation, reprenant la motivation d’une décision de Cour d’appel, a considéré que la publication d’une annonce constitue le premier acte de la négociation, s’inscrivant comme tel dans le cadre de l’activité professionnelle d’un agent immobilier. Or, parallèlement, plusieurs décisions ont admis que le mandat n’était pas un préalable nécessaire à la publication d’annonces par l’agent immobilier, notamment dans deux arrêts de la Chambre criminelle. Cette solution a été reprise par la Cour d’appel de Versailles, qui a énoncé qu’il n’était pas indispensable que le mandat soit régularisé préalablement à la publicité, dans la mesure où il ne s’agit, à ce stade, que de préliminaires à d’éventuelles négociations.
Enfin, la Cour de cassation a récemment considéré que la publicité était, pour l’agent immobilier, une « démarche unilatérale », qui ne paraît donc pas entrer dans la notion de négociation. Toutefois, il semble prudent, pour l’agent immobilier, de détenir un mandat avant d’effectuer toute démarche de publicité relative à un bien. D’autant que, au-delà de la loi Hoguet, l’agent immobilier pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la publicité mensongère. En effet, si un acquéreur se présente suite à une publicité faite sur un bien à vendre, l’agent immobilier qui n’est pas mandaté ne peut justifier d’aucun pouvoir sur le bien. La publicité mensongère est pénalement sanctionnée d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 37 500 €.
Cass. Civ. 1, 3 mai 1979 ;
Cass. Crim., 24 juin 1976, 15 déc.1987 ;
Cass. Civ. 1, 2 octobre 2007 ;
Versailles, 11 juillet 2006 ;
a. L 121-2 du Code de la consommation
Un mandat avant toute visite
La même question se pose : l’agent immobilier doit-il détenir un mandat avant de faire visiter un bien ? Sur ce point, la réponse apportée par la Cour de cassation le 2 octobre 2007 est plus évidente, et sévère avec l’agent immobilier : le fait de faire visiter un bien constitue un acte de négociation qui nécessite un mandat préalable. Si l’agent immobilier n’a pas reçu de mandat à la date de la visite des lieux, il ne peut pas réclamer de commission pour le bail conclu entre le bailleur et le locataire qu’il a présenté. La Cour de cassation avait rendu précédemment une décision similaire en matière de vente : dans cette affaire, l’agent immobilier avait fait visiter les locaux avant d’avoir enregistré le mandat au registre des mandats. La Cour de cassation a considéré que l’agent immobilier ne pouvait prétendre à aucune rémunération lors de la vente du bien entre le mandant et l’acquéreur qui avait visité les locaux avec l’agent immobilier.
Cass. Civ. 1, 2 octobre 2007 ;
Cass. Civ. 1, 24 octobre 2006
A retenir
Afin de ne pas être privé de sa rémunération, l’agent immobilier a tout intérêt à détenir un mandat du vendeur ou du bailleur avant d’effectuer toute publicité sur le bien, et surtout, il doit disposer d’un mandat régulièrement établi et enregistré au registre des mandats avant toute visite du bien. Il peut s’agir, dans ce dernier cas, d’un mandat de vendre, de louer, ou encore d’un mandat de rechercher un bien.
Anne-Claude Poncet