Combien coûte un mandat de vente ?

Lorsque les acquéreurs se raréfient, il faut savoir raisonner aussi comme un gestionnaire. Et intégrer les notions de prix de revient, de stock ou retour sur investissement.

Les bons professionnels le savent, la réussite d’un agent immobilier passe d’abord et avant tout par sa capacité à obtenir un stock de biens vendables. Il convient cependant de s’interroger aujourd’hui sur ce qualificatif, car des biens qui auraient trouvé preneurs rapidement et sans discussion aucune il y a deux ans peuvent, dans le contexte actuel, ne faire l’objet d’aucun appel. Les règles du jeu ont changé. Ce sont désormais les acheteurs qui tiennent le marché. Encouragés par certains articles « anxiogènes », ils discutent systématiquement le prix proposé, même si le négociateur s’emploie à démontrer que cette transaction a préalablement été faite avec le vendeur lors de la signature du mandat.

Les taux de transformation se dégradent

Qu’elles émanent des Notaires, de la Fnaim ou encore des grands réseaux, les études dressent toutes le même tableau. Les ventes portent majoritairement sur des petits biens acquis par des primo-accédants. Les doubles opérations – achats et reventes – sont limitées. Seuls les biens de qualité trouvent preneurs. Les stocks des agences gonflent. Les délais de vente s’allongent. Tous ces éléments entraînent inévitablement une dégradation des taux de transformation. Jusqu’en 2007, sur un marché porteur, une agence immobilière obtenait une vente tous les six à sept mandats simples. La productivité des agents immobiliers possédant une réelle expertise était même très supérieure. D’autant qu’ils étaient capables, par ailleurs, d’obtenir un grand nombre de mandats exclusifs. Aujourd’hui, la faiblesse de la demande conduit inéluctablement à une dégradation de taux de transformation. Ceux-ci sont passés de 20 à 10 % pour les mandats simples et de 80 à 60 %, voire 50 %, pour les mandats exclusifs. Ce phénomène tient bien entendu au développement des fichiers communs de mandats exclusifs (SIA et FFIP). « Ces fichiers communs encouragent et facilitent l’obtention de mandats exclusifs, notamment chez certains négociateurs qui ne détiennent pas encore les techniques et les compétences permettant d’obtenir de bons mandats exclusifs et qui prennent en exclusivité des biens surévalués », observe le consultant Stephen Heller.

La constitution d’un stock de mandats a un coût

Que deviendraient l’épicier de quartier ou le magasin de mode s’ils ne vendaient que 15 % de la marchandise entreposée dans leur boutique. Cette marchandise, qui est payée aux fournisseurs, immobilise des capitaux, de la surface pour la stocker et alourdit la trésorerie du commerçant dès que les ventes faiblissent. L’agent immobilier qui ne « paye » pas la marchandise qui lui est confiée et pratique ce que l’on peut qualifier du « dépôt-vente » néglige trop souvent cette notion de liquidité du stock. Il ne faut cependant pas oublier qu’un mandat invendable, d’un côté, n’entraîne que des coûts commerciaux, et, de l’autre, ne suscite que de l’insatisfaction chez le vendeur. De quoi altérer sérieusement l’image de l’agence chez les 85 % de vendeurs qui n’ont pas pu apprécier l’efficacité du professionnel. La question posée par le coût du mandat est aussi celle de la forme qu’il revêt. Lorsque l’on sait qu’un vendeur confie en moyenne son bien à sept agences, qui toutes investiront dans de la publicité pour vanter le même bien, et que dans le meilleur des cas, un seul ne touchera la commission, il est légitime de s’interroger sur le retour d’investissement dans ce cas.

Cas pratique

Prenons pour exemple une agence moyenne type pratiquant uniquement la vente et constituée d’un chef d’agence partiellement productif, de trois négociateurs et d’une assistante commerciale. Elle réalise 45 ventes dans l’année pour un chiffre d’affaires HT de 320 000 € (soit une moyenne de 7 111 € par vente). Dans cette hypothèse, l’objectif étant d’obtenir un bénéfice final de 10 %, les charges seront d’environ 288 000 €, avec pour principaux postes :

Les salaires : charges comprises (chef d’agence, ou propriétaire gérant, négociateurs salariés, assistante commerciale) : 53 % des dépenses

La publicité : 10 % des dépenses environ. Cette charge peut être diminuée si l’agence dispose d’un site internet efficace Et, dans le cas où elle exerce également d’administrateur de biens, elle peut favoriser entre les services

Le local : professionnel (en propriété ou en location) : 6 % des dépenses environ, à pondérer en fonction de la situation de l’agence.

Si le taux de transformation moyen est de 15 %, cela suppose que l’équipe aura obtenu 300 mandats, soit 7 mandats par mois et par négociateur, auxquels il faut ajouter la production du responsable à mi-temps. En divisant la totalité des dépenses (l’agence ne pratiquant que la négociation, il n’y a pas lieu de faire une comptabilisation analytique), le coût d’un mandat d’élève à 960 € (288 000 €, charges globales : 300, nombre de mandats).

Imaginons que cette agence organise une stratégie de prise de mandats lui permettant d’améliorer le taux de transformation, qui passerait de 15 à 25 %. on obtient un chiffre de 75 ventes pour un même montant moyen d’honoraires HT, ce qui entraîne une augmentation du chiffre d’affaires de 67 %, soit 7 111 € x 75 = 533 333 € : le coût du mandat reste théoriquement le même, mais avec une productivité supérieure, qui passe de 1 066 € par mandat à 1 777 € (quatre mandats pour une vente).

La marge qui était de 106 € (1 066 €- 960 €) passe à 817 € (1 777 € -960 €)

Ce constat amène un certain nombre d’agents immobiliers à proposer une rémunération préférentielle pour les mandats exclusifs, la meilleure productivité de ceux-ci améliorant la marge de l’agence. La démarche va plus loin chez les agences immobilières « low cost ».

Calculer le prix de revient

Traditionnellement, le prix de revient d’une marchandise correspond au coût total supporté par le commerçant compte tenu de tous les frais : prix d’achat du produit au fournisseur, frais de transport ou d’intermédiaire, frais de vente. Quant à la marge brute, ou marge commerciale, elle représente la somme d’argent gagnée par le commerçant. C’est la différence entre le prix de revient et le prix de vente hors taxes. Si l’on transpose ces éléments dans une agence immobilière (voir tableau ci-contre), la formule est simple : le coût de revient d’un mandat comprend son coût de production (c’est-à-dire toutes les actions tournées vers les vendeurs) et son coût de commercialisation (c’est dire toutes les actions tournées vers les acheteurs). Sur le plan comptable, ces éléments se traduisent en coûts salariaux, frais de publicité, frais de déplacement, frais de téléphone et postaux, etc., sans oublier les frais fixes (locaux, bureautique, informatique, mobilier…).

A partir de ces observations et considérant les charges fixes d’une agence,il est évident que, plus elle produit de mandats, plus le coût de chaque mandat diminue. Ce serait cependant une erreur de prendre tous les mandats afin de constituer un stock pléthorique. En effet, la signature d’un mandat entraîne des obligations de service pour l’agence, et un vendeur mal servi diffusera une mauvaise image du professionnel dans son quartier.

Avis d’expert : Jean Lavaupot, directeur de réseau, ERA France

Grâce à notre organisation informatique performante, nous réussissons à disséquer les nombreux indicateurs adressés chaque mois par nos agences. Pour l’année en cours, les honoraires moyens hors taxes s’élèvent à 7 407€ et le taux de transformation moyen des mandats est de 18,9 % (tous mandats confondus). les agences ERA réalisent, tous mandats confondus (simples et exclusifs), 1 vente avec 5,29 mandats. les charges sociétés divisées par le nombre de ventes s’établissent à 6 440€ HT. En partant de 5,29 mandats pour faire une vente, le coût d’un mandat s’établit à 1 217,39 € (6 440 : 5,29). la marge sur vente s’élève à 964 € (7 404 – 6 440).

Limiter le coût d’un mandat

Trois ingrédients permettent de réduire le coût d’un mandat : un stock de qualité constitué en majorité de mandats exclusifs, une bonne communication, un service de qualité avec un excellent suivi des vendeurs et des acheteurs. Le mot d’ordre pour bien vivre la crise ? Adopter une stratégie adéquate (voir encadré Les clés du succès ci-contre) et ne pas s’épuiser à vouloir vendre des biens invendables…

Les clés du succès

   Identifier et qualifier la demande afin de constituer un stock vendable.

  Organiser la prospection vers des biens recherchés.

 • Promouvoir le mandat exclusif.

  Mettre en publicité seulement des biens correspondant à la demande.

  Bénéficier d’un référencement du site Internet satisfaisant.

  Disposer d’un logiciel de transaction performant et… l’utiliser.

 • Organiser un très bon suivi des vendeurs.

 •  Avoir une approche service pour rassurer et accompagner efficacement des clients acheteurs indécis.

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Gérard Bornot: Conseil expert en marketing immobilier et fondateur du cabilet ANTOlogis, il commencé sa carrière commerciale à l’UCB, avant de rejoindre Century21 France, comme directeur du marketing, et d’exercer ensuite chez Laforet immobilier, puis chez Mix RH et STERIA consulting pour développer des missions de conseils auprès des principaux acteurs du marché de l’immobilier ancien. Intervenant à l’ESI, et spécialiste de la franchise immobilière, il exerce des compétences spécifiques, dans l’audit commercial, le coaching, la formation et les stratégies de développement de réseau.