Dans une conjoncture particulièrement difficile pour les agents immobiliers, qu’ils soient transactionnaires ou administrateurs de biens, beaucoup redoutent une progression menaçante des transactions réalisées entre particuliers.
Qu’en est-il réellement ?
Ce débat est source de querelles permanentes et stériles entre les prophéties anxiogènes de ceux qui affichent des positions inquiétantes de 45%, voire 50% de transactions réalisées sans le concours d’un professionnel, et ceux qui annoncent une progression constante des parts de marché détenues par les professionnels.
Une première réflexion s’impose. Comment peut on rester dans le flou sur un tel sujet, alors que tous les actes immobiliers sont authentifiés par les notaires, officiers publics, qu’ils génèrent des droits d’enregistrement perçus par l’administration fiscale, et que les honoraires d’agences sont clairement identifiés dans les actes de ventes.
Ces chiffres souvent contradictoires repris par la presse, perturbent le raisonnement du lecteur et fragilise l’image que les particuliers se font du professionnel immobilier.
Comme Jean Jacques Bourdin sur BFM je suis tenté de dire « les français doivent savoir ».
Pourquoi cette omerta sur les chiffres de l’immobilier alors que dans le secteur automobile, le comité des constructeurs français d’automobiles affiche clairement le taux de pénétration par marque et par modèle. Ces statistiques incontestables reprises dans les medias permettent au consommateur d’apprécier le positionnement de chaque marque, et aux constructeurs automobiles de bâtir les stratégies commerciales leur permettant d’être compétitifs sur un marché très concurrentiel.
A ceux qui s’interrogent sur le positionnement réel des professionnels de l’immobilier, je propose quelques calculs très simples à la portée d’un enfant de 10 ans.
Si l’on considère pour l’année 2012 :
– le volume de ventes de logements anciens 704 000 (source CGEDD) qui est repris chaque année dans les conférences de presse du Conseil Supérieur du Notariat et de la Fnaim
– le nombre d’agences immobilières recensées 27 000 contre 33 635 en 2007 (source SeLoger)
– la répartition des parts de marché – (source service de presse du C.S.N. avril 2012)
Professionnels de l’immobilier | Notaires | Particuliers sans professionnels |
60% | 6% | 35% |
Un premier constat s’impose : les agents immobiliers réalisent environ 430000 transactions (hors locaux professionnels, terrain à bâtir, logements neufs) soit 16 transactions annuelles par agence.
Les notaires négociateurs (environ 1 500 à 2 000 notaires sur 9389 notaires), qui interviennent principalement de manière accessoires, et plutôt en milieu rural (4% du chiffre d’affaires du notariat) dans le cadre des successions, donations, partages, réalisent environ 45 000 transactions.
Le marché de Particulier à Particulier, soit par le biais de sites tels le Bon Coin ou Particulier à Particulier, soit par relations représente par déductions environ 240 000 transactions qui échappent aux professionnels, soit un potentiel de Chiffre d’affaires de l’ordre de 1,8 milliards d’Euros.
Si ce marché qui échappe aux professionnels « pèse » comme certains l’affirment 45% du marché de l’ancien, et considérant les parts de marché détenus par les 5 premiers réseaux français, (3700 agences) qui cumulaient en 2012 un volume de près de 135000 ventes soit près du tiers des ventes réalisées par les agences.
Dans cette hypothèse il ne resterait pour les autres professionnels, parmi lesquels les autres réseaux franchisés, coopératifs ou succursalistes, et les réseaux de mandataires de plus en plus nombreux, que 210000 transactions soit 9 transactions annuelles par agence, soit sur la base d’une commission moyenne nationale qui se situe aujourd’hui à 7500€ HT, un chiffre d’affaires annuel de 67500€. Qui ne permet pas de faire vivre décemment un négociateur immobilier.
En 2008 – 2009, la précédente crise immobilière s’était déjà traduite par une fermeture d’environ 17 % des agences, et le même schéma semble se reproduire, d’autant que les nouvelles dispositions de la loi ALUR qui remettent en cause les pratiques et des tarifications des administrateurs de biens, concernent également les transactionnaires.
Les agents immobiliers condamnés à changer de modèle économique s’ils veulent regagner des parts de marché
Je ne souhaite pas réactiver des querelles stériles qui opposent les partisans de l’agence traditionnelle aux réseaux de mandataires immobiliers. Duke Ellington disait : « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise musique, que de bons ou mauvais musiciens.
Je pense pour ma part qu’il n’y à pas de bon ou de mauvais statut – salarié ou agent commercial, mais que des bons ou des mauvais négociateurs, et le peu de productivité constaté chez beaucoup trop de négociateurs, qu’ils soient dans une agence traditionnelle ou dans un réseau de mandataires doit nous contraindre à réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la productivité des agences, et leur permettre de regagner des parts de marché qui leurs échappent et peu importe le statut juridique, négociateur salarié ou agent commercial.
Un manque de productivité indéniable, et des couts de fonctionnement (local commercial, négociateurs salariés, secrétariat) obligent les agents immobiliers à revoir leur modèle économique. Le développement de l’internet immobilier favorise par ailleurs de plus en plus le développement des réseaux de mandataires, misant tout sur l’internet, pour communiquer plus efficacement, réduire les couts structurels, et proposer des honoraires mieux acceptés par la clientèle. Leur croissance, malgré la crise, remet en cause, l’implantation des agences »vitrées » dans les zones à faible potentiel. Une dizaine d’enseignes, telles Capifrance, Optimhome, Propriétés Privées font travailler près de 6.000 agents commerciaux. Ces négociateurs « nomades », travaillant à domicile, et disposant d’outils informatiques performants, s’implantent également en milieu rural, dans des communes ou les notaires étaient le plus souvent les seuls intervenants en négociation.
Pour redorer leur image et regagner la confiance de leurs clients, les transactionnaires devront orienter leurs réflexions sur 5 axes.
Axe n° 1 : La stratégie marketing
Les agents immobiliers longtemps portés par un marché trop facile, ne se sont pas vraiment posé de questions sur les comportements d’achat et de vente de leurs clients, dans un environnement de plus en plus concurrentiel la pratique d’un marketing élaboré devient déterminante.
Axe n° 2 : La formation et le management des collaborateurs (quelque soit leur statut juridique)
Les exigences de la loi Duflot, rendant obligatoire la formation de tous –patrons et collaborateurs, devaient favoriser une meilleure qualité de service, redorer l’image de la profession et contribuer à la « mise hors jeu » des mauvais professionnels.
La Fnaim et les principales enseignes commerciales n’ont pas attendu les dispositions de la loi Duflot pour s’inscrire dans un politique ambitieuse en matière de formation.
Axe n°3 : Une communication de qualité
Une stratégie gagnante passe par une totale prise en compte du développement de l’internet immobilier. Les réseaux traditionnels et les réseaux de mandataires disposent d’un outil internet performant. Les agences isolées ne pourront survivre si elles ne maitrisent pas ces évolutions technologiques.
Axe n° 4 : Une rémunération acceptable à la hauteur des services fournis, et des compétences exercées
Le consommateur dispose avec l’internet d’une richesse d’informations qui lui permet de penser qu’il en sait plus que le professionnel, de comparer les tarifs et les prestations qui lui sont proposées. Entre 2000 et 2010 les prix au M2 ont augmenté dans les principales capitales régionales de 6 à 10 fois plus vite que les revenus. E n maintenant les mêmes % de rémunération, les professionnels ont pensé pouvoir « indexer » leurs revenus sur le prix de l’immobilier sans pour autant apporter plus de valeur ajoutée à des consommateurs plus exigeants et mieux informés.
Une majorité d’agences ne pratique plus les barèmes qu’elles affichent, se mettant en infraction pour « pratique commerciale trompeuse ».
Axe n° 5 : Une véritable réflexion sur le schéma de rémunération des négociateurs
Un manque de productivité, un turn-over incessant de collaborateur, des petites structures ne pouvant offrir un veritable plan de carrière, des difficultés à recruter des négociateurs, il est urgent de s’interroger sérieusement sur la « pérennité » du schéma de rémunération des négociateurs salariés. Dans l’automobile comme dans d’autres secteurs d’activités, la partie variable qui représentait il y a trente ans, plus de 50% du salaire d’un commercial, ne représente plus que 15% .La rémunération fixe rétribue la bonne exécution des taches, le variable récompense les performances.
L’année 2014 sera l’année du changement, du renouveau et de la réussite pour les professionnels qui accepteront de se remettre en cause. © LeFildeLimmo/BazikPress