L’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation institue un droit de rétractation au bénéfice de l’acquéreur d’un bien immobilier. La jurisprudence récente clarifie certaines interrogations suscitées par ce texte.
L’exclusion des immeubles à usage mixte
L’achat d’un bien à usage d’habitation est soumis au droit de rétractation édicté à l’article L 271-1, les immeubles non destinés à l’habitation en sont écartés, même si une cour d’appel a appliqué le texte, de façon dissidente, à un terrain à bâtir.
La question se posait néanmoins pour les biens à usage mixte, destinés à l’habitation et à une autre activité, telle que le commerce.
La Cour de cassation les a exclus du dispositif, par une interprétation stricte et littérale de l’article, en s’appuyant sur l’objectif du législateur, qui souhaite « pallier le risque d’achat impulsif », danger peu présent en ce cas.
* Cass. Civ. 3, 30.01.2008, Aix, 7.09.2006
L’acquéreur personne morale (SCI)
L’acquéreur professionnel, par exemple un marchand de biens, ne bénéficie pas du délai de rétractation.
Cependant, la situation des acquéreurs personnes morales, et notamment de la SCI demeure incertaine.
La jurisprudence et la doctrine considèrent majoritairement qu’une personne morale n’est pas un consommateur, et que la protection dans le secteur du logement bénéficie aux seules personnes physiques.
Toutefois, l’article L 271-1 vise le «non professionnel», ce qui n’exclut pas les personnes morales.
C’est ainsi que la Cour d’appel d’Aix l’a appliqué à une SCI, qui ne pouvait pas «être clairement considérée comme un acquéreur professionnel».
En pratique, tant que la Cour de cassation ne se sera pas prononcée sur ce point, il est prudent de soumettre à l’article L 271-1 l’acquéreur non professionnel personne morale.
* Aix, 4.10.2007, Cass. Civ. 1, 15.03.2005, CJCE, 22.11.2001
La forme de la notification
Pour que le délai de rétractation puisse courir, l’acte est notifié à l’acquéreur.
L’agent immobilier doit lui adresser le compromis (ou la promesse) dûment rempli, daté et signé par les parties, ainsi que ses annexes, elles-mêmes paraphées.
Il est indispensable de rappeler à l’acquéreur l’existence de la faculté de rétractation dans un courrier d’accompagnement.
Quant à sa forme, l’envoi est effectué par lettre recommandée avec avis de réception, afin de pouvoir rapporter la preuve de la date de la notification.
La Cour de cassation a systématiquement condamné la remise en mains propres faite par un agent immobilier, alors que certaines cours d’appel ont admis cette pratique.
Enfin, même si la loi du 13 juillet 2006 autorise la remise de l’acte à l’acquéreur par l’intermédiaire ayant reçu mandat, l’agent immobilier doit attendre la parution espérée du décret en fixant les modalités, pour pouvoir utiliser cette possibilité sans encourir les foudres de la Haute juridiction.
* Cass. Civ. 3, 27.02.2008, 10.10.2007, Paris, 15.03. 2007, 2.12.2004
La computation du délai de rétractation
La Cour de cassation a opportunément précisé que le délai de rétractation accordé à l’acquéreur est régi par l’article 642 du Code de procédure civile.
Ainsi, ce délai commence à courir le lendemain de la première présentation de la lettre notifiant l’acte et s’achève au terme de sept jours.
Toutefois, s’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
En conséquence, il est nécessaire que l’acquéreur envoie son courrier par lettre recommandée pendant ce délai.
En effet, la date de rétractation par voie postale retenue par la jurisprudence est celle de l’expédition de la lettre recommandée, et non pas la date de réception de cette dernière.
* Cass. Civ. 3, 5.12.2007
Nouvelle notification au cours du compromis
Une fois le délai de rétractation couru, si le compromis fait l’objet d’une modification substantielle, un nouveau délai doit être offert à l’acquéreur.
La Cour de cassation confirme cette analyse doctrinale, en précisant que les juges du fond apprécient souverainement l’existence d’une modification substantielle.
Ainsi, la modification des éléments essentiels de la vente, tels que la chose et le prix, ou encore une aggravation des obligations de l’acquéreur ou une évolution portant sur des éléments déterminant son consentement doivent donner lieu à une nouvelle notification, préalablement acceptée par les parties dans un avenant au compromis.
* Cass. Civ. 3, 26.09.2007
Rétractation et achat par un autre intermédiaire
Un acquéreur peut-il acheter le même bien par un autre intermédiaire après s’être rétracté d’un précédent compromis, afin de bénéficier de conditions plus avantageuses ?
Deux cours d’appel ont indiqué que l’acquéreur n’a pas à justifier des raisons de sa rétractation, ce droit n’étant restreint par aucune disposition légale ou réglementaire, et ont considéré, en conséquence, que, faute pour l’agent immobilier évincé de démontrer l’existence d’une collusion frauduleuse entre l’agence immobilière intervenue en seconde intention et les parties à la vente, ou encore une intention de nuire au premier agent immobilier, aucune responsabilité ne pouvait être retenue.
Le vendeur doit cependant prendre garde, dans cette situation, à ne pas violer la clause du mandat de vente qui lui interdirait de traiter, par un autre intermédiaire, avec un acquéreur présenté par la première agence.
* Rennes, 6.04.2006, Pau, 20.02.2006
L’impossible rétractation de la rétractation
Lorsque l’acheteur s’est rétracté, il ne peut pas revenir sur sa volonté. En effet, la Cour de cassation considère que l’exercice de son droit de rétractation par l’acquéreur anéantit le compromis.
En conséquence, il est nécessaire, si l’acheteur revient sur sa décision et souhaite toujours acquérir le bien, d’établir un nouveau compromis et de procéder à une notification conforme à l’article
L 271-1. * Cass. Civ. 3, 13.02.2008