Le financement des primo accédants

De la maison Borloo à 100 000 € à la maison Boutin à 15 euros par jour, en passant par les compléments de prêts aidés, jusqu’aux incitations au déblocage anticipé de l’épargne salariale, tout est bon pour inciter à l’achat. Dans un contexte de ralentissement, la clientèle de primo-accédants est particulièrement convoitée. L’analyse de Bruno Rouleau directeur des partenariats du courtier In&Fi. JDA : Le marché du primo-accédant intéresse beaucoup de monde. Pourquoi ?

Bruno Rouleau : La situation tient à la conjonction de la contraction des ventes, d’ailleurs plus dans le neuf que dans l’ancien, du besoin pour les professionnels de relancer l’achat, de la pression accentuée sur l’offre locative, de la nécessité pour les pouvoirs publics de limiter la surchauffe sociale sur la demande de logement, de l’intérêt pour les communes d’attirer une population supplémentaire, et pour les banques de s’approprier une clientèle supplémentaire, captive pour quelques années. Du coup, chacun use de tous ses arguments commerciaux pour faire prendre la décision aux hésitants, ou accélérer le choix de ceux qui sont convaincus.

JDA : Avec qui le candidat à l’accession peut-il faire le tour des mesures existantes ?

Bruno Rouleau : Pour l’acquéreur potentiel, la première démarche consiste à rencontrer un professionnel du crédit, et je pense naturellement au courtier car il a une hauteur de vue sur le panorama financier qui lui donne à la fois une connaissance complète des offres existantes du moment, et une neutralité dans la réponse bancaire qui assure une crédibilité forte à son conseil.

JDA : Quels conseils donnez-vous aux acquéreurs ?

Bruno Rouleau : D’abord, il faut examiner les solutions liées à l’employeur. Le candidat à l’accession aura intérêt à se renseigner pour savoir si son entreprise cotise au «1% patronal», pour bénéficier d’une offre de prêt, au montant limité mais sans garantie et à des taux radicalement inférieurs au marché bancaire dit «libre». Si l’employeur distribue une participation aux profits de l’entreprise, ou dispose d’un contrat d’intéressement (positionnés tous deux la plupart du temps sur des Plans d’Epargne Entreprise), les capitaux peuvent être débloqués de façon anticipé sans incidence fiscale. Ensuite, il convient de se rapprocher de son courtier ou de son banquier pour savoir si on peut bénéficier des offres de prêts réglementés : Prêt 0%, Prêts PASS, prêts Epargne Logement. Les conditions d’octroi ou d’accès sont liées à l’existence d’une épargne préalable pour l’épargne logement, à un niveau de revenus, et à un prix au m² en rapport avec la zone géographique de l’investissement. Ces éléments sont définis à l’origine du contrat pour l’épargne logement, ou sont revus chaque année par les Lois de Finances pour toutes les autres formes de prêts aidés. Ensuite le candidat devra chercher à savoir si, localement (au niveau de sa commune, de son département, ou de sa région), les collectivités territoriales ne complètent pas ces financements aidés en octroyant des enveloppes complémentaires. Certains départements ou villes par exemple distribuent des prêts qui permettent de doubler le montant du prêt 0%, sans intérêt, ou à des taux privilégiés, soit directement, soit par le biais d’établissements de crédit avec lesquels ils ont formalisé des conventions de partenariats. Là encore, le courtier est d’une grande utilité car il connaît ces établissements, ce qui évitera une perte de temps et d’énergie dans des recherches personnelles.

JDA : Comment abordez-vous la maison Boutin à 15 euros par jour ?

Bruno Rouleau : Comme pour la maison Borloo à 100 000 euros, il s’agit d’un dispositif de soutien au marché immobilier. Le Pass Foncier et le 1% logement achètent le terrain à une collectivité locale. L’emprunteur rembourse pendant 18 à 25 ans la construction, puis pendant 10 à 15 ans le terrain. L’apport personnel demandé se limite aux seuls frais de garantie et de mutation. Les premiers programmes devraient sortir avant l’été 2008.

JDA : Comment appréhendez – vous les dispositions fiscales de la déduction des intérêts d’emprunt ?

Bruno Rouleau : Dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dîte loi TEPA, le crédit d’impôt (car il s’agit d’un crédit d’impôt), inhérent aux intérêts payés dans le cadre d’un ou de prêts pour l’accession à la propriété de sa résidence principale, permet d’alléger le coût des cinq premières années, et surtout de la première année (40% sur la première année). Le plafonnement des 20% est là pour limiter socialement la portée de cette disposition (pour mémoire, 750€ pour une personne seule, 1500€ pour un couple, auquel il faut ajouter 100€ par personne à charge), mais l’économie est bien là, notamment pour les revenus modestes qui peuvent même prétendre à un chèque de l’administration fiscale. Les banques ne tiennent pas compte de ce dispositif fiscal pour améliorer la solvabilité des emprunteurs les premières années. Cela ne modifie donc en rien leur approche en termes d’endettement du client

JDA : Le fait de savoir que l’on peut prétendre à des aides ou à des dispositifs spécifiques n’emporte pas l’accès automatique à ces solutions. Quelle attitude adopter face à un durcissement des critères d’octroi des prêts de la part des banques ?

Bruno Rouleau : Vous avez raison d’insister sur la différence que l’on doit faire entre accessibilité et accord de financement. Les banques ont durci leurs conditions d’octroi depuis l’été 2007. Chaque mois qui passe voit un ralentissement net de la progression des encours de crédits (8,6% en avril contre 10,2% en mars et 10,9% en février 2008). Nous sommes très loin du «crédit crunch» qui touche les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou l’Espagne. Mais les banquiers français ont incontestablement resserré leurs critères notamment pour attribuer des prêts sur des durées de plus de 25 ans. De même, il devient difficile de décrocher un crédit sans apport personnel ou lorsque l’on dispose de revenus précaires ou non stables… Plus que jamais, la connaissance des montages financiers est requise. Savoir faire un lissage1, s’adresser à un partenaire bancaire qui maîtrise le montage des prêts à paliers, ou qui accepte de gérer l’empilement de ligne de crédits avec intervention de partenaires externes (1% logement ou épargne logement), gérer la période spécifique de la construction pendant laquelle un accédant doit encore s’acquitter d’un loyer pour vivre…. Rien n’est forcément difficile en soi, mais la complexité, l’habitude de faire, la connaissance des régimes, la multiplicité des solutions en termes de garanties proposées, ou parfois seulement le développement informatique des outils de gestion des banques, peuvent vite rendre la situation délicate, voire dangereuse. La connaissance que le courtier a des habitudes bancaires, sa proximité avec ses interlocuteurs habituels aident à acheminer le dossier vers tel ou tel partenaire en fonction de l’opportunité du projet, du profil de l’emprunteur, ou de la stratégie locale de l’enseigne bancaire.

JDA : Au final, quel regard portez vous sur le marché bancaire à l’égard de l’accession immobilière dans les mois à venir ?

Bruno Rouleau : Les banques françaises ont été moins durement touchées que leurs consoeurs européennes ou américaines par la crise des « subprime », mais certaines d’entre elles ont tout de même payé un lourd tribut (plusieurs milliards de pertes ou de provisions). La guerre est déclarée entre elles pour la conquête de nouveaux clients, afin de verrouiller des parts de marché, et surtout de reconstituer leurs enveloppes de dépôts en regard des obligations réglementaires financières. Pour attirer la collecte et les clients, il n’y a pas beaucoup de solutions : le service et le crédit. Il n’y a donc aucune raison que les banques, qui ont reconstitué leurs marges d’intermédiation ces derniers mois en profitant de la hausse des taux, et qui ont plutôt fermé le « robinet du crédit » pour nettoyer leur situation interne, ne se livrent à une confrontation brutale sur les offres de prêts immobiliers, la meilleure occasion pour capter et fidéliser un client sur plusieurs années. Nous devrions donc connaître un second semestre plus actif, avec des offres de crédit originales, plus ciblées commercialement. Avec l’accalmie que connaissent les marchés financiers depuis janvier, les taux devraient rester un à niveau très attractifs pour peu qu’on les regarde avec un peu de recul sur les trente dernières années. Mon avis est donc une confiance dan l’attitude des banques. Seul risque : que les capacités du marché immobilier ne puissent pas suivre la demande. 1NDLR : emboîtement de prêts sur des durées différentes afin de caler l’ensemble du plan de financement avec une échéance constante, au travers un montage qui compense les amortissements des différentes lignes de crédit qui composent le plan.

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