Michel Mouillart, Professeur d’Économie à l’Université de Paris Ouest, nous livre son analyse de la conjoncture immobilière.
Pour l’heure, le ciel s’assombrit.
Alors que les prix résistent, les taux des crédits immobiliers remontent doucement.
Le plus puissant soutien du marché de l’ancien depuis deux années se grippe !
Après une année 2012 épouvantable, le marché des logements anciens se ressaisit, encouragé en cela par des conditions de crédit toujours très bonnes. Bien sûr, il ne s’agit encore que d’une sortie de récession. La reprise, la vraie, celle qui fera oublier les années noires de la dépression, ne viendra que plus tard. Lorsque l’économie elle même se sera rétablie.
Les faits sont têtus
Tous ceux qui, par le passé, n’ont cessé d’annoncer la baisse des prix et qui ont redoublé d’effort au printemps dernier, à l’approche des « salons de l’immobilier », ont dû être déçus. Selon les projections des notaires, basées sur « des avant-contrats », les prix des logements anciens auraient dû baisser de 7 % au niveau national en moyenne, durant le 1er semestre 2013. Cette baisse qui devait amplifier celle plutôt molle constatée en 2012 étant aussi appelée à rendre Paris moins cher, avec des prix en recul de 4,5 %, dans le même temps.
Pourtant, la récente publication de l’indice Insee notaires constate que les prix ont augmenté de 0,7 % au 2e trimestre (+ 0,2 % après correction des variations saisonnières). C’est néanmoins en s’appuyant sur des « prédictions » de cette nature, qu’à l’automne 2011, le ministre délégué chargé du Logement avait décidé la suppression du PTZ+ dans l’ancien, provoquant un effondrement sans précédent du marché au cours du 1er semestre 2012.
En fait, jusqu’à présent et depuis plus d’un an, l’évolution des prix constatée ressemble plus à la stabilité
qu’à la baisse. Au-delà des variations saisonnières, aucune tendance ne semble suffisamment puissante pour
impulser une dynamique claire et précise aux prix des logements anciens. Par exemple, selon l’Observatoire Crédit Logement/ CSA (en avance de 3 à 4 mois sur l’indice Insee notaires), les prix des logement anciens baissent
de 0,5 % au 3e trimestre 2013, suivant en cela leur mouvement saisonnier habituel : en rythme annuel,
les prix sont alors en recul de 0,7 % par rapport au 3e trimestre 2012. Mais si on compare les prix de ces
douze derniers mois avec ceux de 2012 à la même époque (en annuel glissant), la hausse est de 0,3 % sur un an ! Comme l’activité est en train de repartir doucement, la hausse des prix va se consolider progressivement : après des mois d’automne qui enregistrent en général le recul des prix, la remontée devrait se confirmer au printemps 2014.
Comme à chaque sortie de récession, elle ne fera une fois de plus qu’accompagner le redémarrage du marché de la revente.
La fin de la récession du marché de l’ancien
Si on regarde du côté de l’offre de crédits immobiliers aux particuliers, le 1er trimestre de l’année 2013 n’avait pas été bon sur le marché de l’ancien, cumulant le creux saisonnier habituel de l’activité et les conséquences de la crise économique. Mais après ce mauvais passage, la demande s’est ressaisie : elle a notamment fait preuve d’une vigueur remarquable dans l’ancien. Ainsi, la production de crédits constatée au 2e trimestre confirme que la dégradation du marché est terminée : d’après l’OPCI, la production mesurée au niveau des offres acceptées bondit de 31,1 % par rapport au 1er trimestre 2013. Le marché des crédits immobiliers a pour cela bénéficié de conditions de crédit exceptionnelles.
Les établissements de crédit ont continué à baisser leurs taux d’intérêt et en juin, les taux des prêts du secteur concurrentiel (hors assurance et coût des sûretés) se sont ainsi établis à 2,89 %, d’après l’Observatoire Crédit Logement/ CSA.
+31,1%
C’est la
hausse de
la production
de
crédits du
2e trimestre
2013 par
rapport
au 1er trimestre,
selon
l’OPCI.
Dans l’ancien, par exemple, la baisse des taux d’intérêt constatée depuis le début de l’année 2012 équivaut à une diminution des prix des logements de 8,4 % (un peu plus de 5 % pour la seule année 2012) : comme l’effet dépressif de la suppression du PTZ dans l’ancien est maintenant absorbé par le marché, l’effet expansif de la baisse des taux a pu jouer pleinement.
Au total, le marché de l’ancien s’est bien ressaisi, avec + 8,6 % au 1er semestre 2013, en glissement annuel (contre – 30,5 % en 2012, à la même époque).
Durant les mois d’été, alors que le marché a confirmé sa bonne tenue, le nombre de prêts accordés est toujours en recul de 2,3 %, en rythme annuel (en année glissante), à fin août. Il devrait pourtant finir l’année en légère progression.
Le redémarrage du marché ne sera vraiment perceptible qu’au printemps 2014.
Pour l’heure, le nombre de logements anciens achetés par les ménages devrait être de l’ordre de 556 000 unités en 2013, contre 540 000 en 2012. Rappelons à ce sujet que cette évaluation qui est cohérente avec celles que suggèrent la production de crédits mise en force par la Banque de France et les estimations de l’Observatoire du financement du logement de CSA, intègre les opérations réalisées au comptant par les ménages selon les mêmes méthodes de calcul que celles du ministère du Logement.
Mais cette évaluation reste inférieure de l’ordre de 100 000 unités chaque année, en moyenne, par rapport à l’évaluation du « nombre d’actes notariés » que propose le CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) et qui ne repose pas sur un « comptage » d’effectifs, mais sur un calcul réalisé à partir des statistiques de droits de mutation centralisées par la DGFIP (Direction générale des finances publiques) selon un jeu d’hypothèses parfois anciennes et toujours discutables.
Et il faudra attendre 2014 pour que le niveau des transactions dans l’ancien se relève lentement, mais sûrement
: parce que le relèvement de l’offre de crédits et le déblocage du marché de la revente permettront au
marché de se ressaisir.
Des mouvements de taux qui inquiètent
La baisse des taux avait bénéficié jusqu’au début de l’été d’une diminution exceptionnelle du coût des ressources et du maintien du taux de l’OAT à 10 ans, qui constitue une référence en matière de financement des prêts immobiliers à un niveau très bas. Mais, depuis quelques mois, les marchés financiers ont été doublement déstabilisés.
D’une part, par la volonté répétée des autorités monétaires américaines de poursuivre un processus de normalisation de leur politique monétaire ultra accommodante. En particulier, la FED a indiqué vouloir réduire son programme d’achats massifs de titres de dette sur le marché secondaire.
D’autre part, les marchés obligataires sont devenus plus fébriles, au rythme des rebondissements de la crise syrienne.
La baisse des taux des crédits immobiliers qui, jusqu’alors, avait porté à bout de bras le marché de l’ancien, est donc à bout de souffle. La remontée attendue d’ici la fin de l’année devrait pourtant rester modérée : encore 15 ou 20 points de base, pour des taux qui finiront l’année autour de 3,15 %. Et les scénarios tablent sur une stabilisation des taux durant les mois d’hiver.