Dirigeant du cabinet Dubois Expertises à Vannes – Morbihan, administrateur et Délégué de Région de la Chambre des Experts Immobiliers de France, Frédéric Dubois nous livre son expertise sur le marché o combien particulier des îles privées.
Comment déterminer la valeur d’une île, d’un château, d’un presbytère ou d’un couvent quand on sait que les ventes se réduisent à quelques unités chaque année. Sur quelle valeur de marché s’appuyer, s’agissant de biens difficiles à comparer les uns aux autres ? Ce qui vaut pour un château, un couvent, s’applique-t-il aussi à un bien aussi rare qu’une île… ?
Des « Robinson » prêts à débourser de petites fortunes
Si l’on compte 130 000 îles dans le monde, peu d’entre elles sont à vendre chaque année. C’est la raison pour laquelle elles font l’objet d’une demande bien peu rationnelle de la part d’une clientèle prête à débourser de petites fortunes pour un petit caillou amarré au milieu de l’océan Pacifique, Atlantique ou de la mer des Caraïbes. S’agissant d’un marché où la demande est plus importante que l’offre, les montants atteignent souvent des valeurs déconnectées de celles pratiquées en bord littoral du continent. Le rôle de l’expert immobilier devient alors déterminant, car c’est lui qui va évaluer ce bien atypique sur la base de critères objectifs (et non subjectifs). Dans de telles transactions, la passion pourrait, en effet, vite l’emporter sur la raison. Si sur le littoral Ouest de l’Hexagone, le ticket d’entrée peut s’établir entre 1 et 2 millions d’euros, les montants sont quelquefois supérieurs, voire très supérieurs… Plus au large de nos côtes, la transaction peut grimper à l’équivalent de 50 ou 100 millions d’euros pour un petit bout de paradis de quelques hectares perdu au milieu des Seychelles, de la Nouvelle Zélande ou des Caraïbes et particulièrement aux Bahamas (700 îles) où de nombreuses stars américaines – Nicolas Cage, Maria Carey, Julia Roberts, Johnny Depp, Leonardo Di Caprio…– ont élu domicile.
Une évaluation possible avec un expert
Pour définir la valeur réelle d’un bien à caractère exceptionnel, le recours à un professionnel de l’expertise s’avère non seulement pertinent, mais aussi sécurisant.
On retient principalement deux définitions de la valeur vénale d’un bien :
· celle de la Direction générale des impôts qui rappelle que « la valeur vénale d’un bien correspond à sa valeur marchande, c’est-à-dire au prix auquel ce bien pourrait être vendu ou acheté. Évaluer un bien, quel qu’il soit, consiste donc à supputer la plus forte probabilité de prix auquel il pourrait se vendre s’il était mis sur le marché dans des conditions normales d’offre et de demande » ;
· et celle donnée par la Charte de l’expertise en estimations immobilières (éditions d’octobre 2012), qui dit que : « la valeur vénale est la somme d’argent estimée contre laquelle des biens et droits immobiliers seraient échangés à la date de l’évaluation entre un acheteur consentant et un vendeur consentant, dans une transaction équilibrée, après une commercialisation adéquate, et où les parties ont, l’une et l’autre, agi en toute connaissance, prudemment et sans pression ».
L’administration publique privilégie en effet la méthode par comparaison.
A noter que si les juges et les magistrats de la Cour des comptes recommandent de plus en plus, en parallèle de cette première méthode, le recours à la méthode par capitalisation du revenu, c’est à la seule condition que la nature des actifs le justifie (Voir par exemple les immeubles dits de rendement).
Nous nous arrêterons donc ici, uniquement sur la méthode par comparaison.
Au titre de la mission qui lui est confiée, l’expert recueillera notamment toutes les données administratives concernant ce bien, s’assurera de la conformité des documents, recherchera l’historique des opérations immobilières réalisées dans le secteur ou en cours, et tiendra compte également des données juridiques (notamment patrimoniales), économiques (notamment fiscales) propres à ce marché.
Prenons l’exemple du territoire Breton. Pour évaluer une île située dans le Golfe du Morbihan, les éléments de comparaison peuvent conduire quelquefois l’expert à s’éloigner géographiquement et donc à rechercher des références de comparaison en allant jusque dans les Côtes d’Armor, du côté de l’île de Bréhat par exemple, entourée de petites îles très prisées d’une clientèle « à part »
Mais pour une île privée, d’autres éléments doivent intégrer l’analyse menée par l’expert.
Si la légende locale se plaît à rappeler que le Golfe du Morbihan compte autant d’îles que de jours dans l’année, la réalité est bien différente !
Quelques chiffres nous servent à camper le décorum :
· Superficie : 12 000 hectares
· Nombre d’îles : 42
Dont « Propriétés publiques » :
· Illur (Conservatoire du littoral),
· Bailleron (Université de Rennes),
· Le Petit Vézit (Etat),
· 1 hectare de Gavrinis (département du Morbihan)
Et, en dehors de l’Ile aux Moines et l’Ile d’Arz, les 37 autres îles du Golfe du Morbihan appartiennent essentiellement à des privés.
Nous pouvons cependant dire que ces propriétaires « à part », indépendamment du fait qu’ils disposent des capitaux nécessaires à un tel investissement, recherchent pour l’essentiel, de la tranquillité et de la discrétion. Dans la plupart des cas, chacun se veut respectueux de l’environnement d’exception qui l’entoure. La qualité de la rénovation des bâtis et de leur entretien en témoignent.
Le bâti déterminant pour la valeur d’une île
Sur une île, ce qui entre sans doute le plus en ligne de compte, ce sont les mètres carrés construits. Car la Loi Littoral, les règles d’urbanisme attachées aux espaces protégés et certaines autres réglementations applicables aux secteurs insulaires, interdisent, dans la majeure partie des cas, toute nouvelle édification !
L’amélioration ou la reconstruction à l’identique de l’existant sont donc les seules perspectives immobilières laissées à nos « Robinson ».
Désireux de préserver le cadre environnant tout en l’améliorant, les propriétaires de ces îles privées utilisent presque toujours pour la rénovation des biens bâtis, des matériaux de qualité afin, notamment, de respecter ce patrimoine architectural de l’habitat, parfois très ancien. Mais ne vous y trompez pas, ce doux rêve, devenu réalité pour certains, a un prix !
Compte tenu du choix et des conditions difficiles de l’acheminement des matériaux, les travaux de rénovation sont coûteux et peuvent représenter un surcoût de 30 % à 40 % par rapport aux montants que de tels travaux auraient coûtés sur le continent.
Il nous est arrivé de mener nos investigations d’expertises sur des îles où les propriétaires avaient importé des poutres porteuses provenant de Californie, un plancher vieux de plus de 200 ans provenant d’un collège vietnamien, des dalles de Bourgogne, des marbres d’Orient et autres matériaux d’exception, mais attention, cela n’est pas toujours le cas, certaines rénovations sont en effet réalisées très simplement, quelque fois même, avec un confort assez spartiate !
Dans son évaluation, l’expert devra donc tenir compte outre du prix du mètre carré « plancher » de référence, de l’état du bâti, de la qualité des travaux de rénovation entrepris, de la superficie totale du foncier et de la qualité de son relief.
Mais, là non plus, ne vous y trompez pas, dans bien des cas, le propriétaire ayant acquis et entrepris ces travaux coûteux, ne retrouvera pas obligatoirement son investissement de réhabilitation et d’embellissement éventuel dans l’hypothèse d’une revente !
Autant d’éléments difficiles à appréhender pour un particulier.
Si, dans le Golfe du Morbihan, les îles mises en vente, sont rares (une à deux îles à vendre, tous les deux ou trois ans, chiffres assez variables mais qui restent cependant dans ces proportions), il peut arriver que la négociation s’effectue sur une valeur déconnectée du marché. Toutefois, un expert averti parviendra à conclure avec justesse et mesure à la valeur vénale du bien.
Différents articles de presse se sont récemment fait l’écho de projets de mutation sur le Golfe. Citons l’Ile Berder, dont la vente a récemment été conclue au profit d’une entreprise bretonne dont les projets sur cet exceptionnel domaine semblent satisfaire les amoureux du lieu, mais aussi son propriétaire vendeur.
Quant à l’Ile Boëdic, pour l’heure, et aux dernières nouvelles, rien ne « bouge » (les avisés comprendront).
En conclusion, le propriétaire d’un bien immobilier, qui plus est lorsque celui-ci relève d’un caractère exceptionnel, peut se faire accompagner en toute sérénité par un expert en évaluation de biens immobiliers, lequel saura valider avec le professionnalisme attendu, la valeur vénale d’un tel bien.
Le rapport d’expertise établit par un professionnel indépendant permettra alors aux intéressés de disposer de tous les arguments pour négocier la vente ou l’acquisition d’un bien ou encore, de justifier de sa valeur auprès de l’administration fiscale. ©LeFilDeLimmo/BazikPress
Frédéric Dubois est dirigeant du cabinet Dubois Expertises à Vannes – Morbihan, Administrateur et Délégué de Région de la Chambre des Experts Immobiliers de France, Expert Immobilier près la Cour d’Appel de Rennes, Membre de l’Institut Français de l’Expertise Immobilière, Expert R.E.V (Recognised European Valuer) – TEGoVA / Agrément Européen, Formateur auprès de l’Ecole Supérieure de l’Immobilier et de la Faculté des Métiers de Rennes