Maison et intimité

Perla Serfaty-Gazon est sociologue et psychologue. Chercheuse, elle est connue pour ses travaux sur l’appropriation du chez-soi.

Qu’elle est la part du visible et du caché de ce territoire intime que nous pouvons dévoiler à l’autre ? Réflexion sur ce rapport maison-vie privée.

On peut habiter n’importe quel type de logement et l’appeler « chez soi » pourvu que nous puissions le faire notre, y vivre en famille et y exercer notre hospitalité à l’égard des autres.

Nos gestes les plus ordinaires (entretenir, mettre en ordre, bricoler, décorer) et extra-ordinaires (transformer, rénover, agrandir) transforment notre maison et nous font dire qu’elle « nous ressemble ».

Par cette transformation, nous tentons, en quelque sorte, de faire coïncider l’intérieur de notre maison avec ce que nous sommes à l’intérieur de nous-mêmes, à nos propres yeux.

L’appropriation est souvent humble et sans prétention mais elle s’appuie sur de forts et longs investissements financiers et affectifs.

Elle suppose énergie et expression de soi.

Elle transforme l’habitant. Agir sur son chez-soi et en être changé : là sont les racines de l’attachement au chez-soi.

Je suis d’autant plus attaché(e) à ma maison que j’ai rudement travaillé pour qu’elle me ressemble. Et ainsi, d’une certaine manière, ma maison c’est moi, c’est le résumé de mon investissement dans ma propre vie.

Le visible et le secret La maison a son avant-scène, qui est le salon – propre, ordonné, décoré – auquel s’ajoutent, de nos jours, certains espaces traditionnellement considérés comme relevant des coulisses, tels la cuisine et le bureau : c’est la face visible de la maison, celle de la mise en scène d’une intimité « sous contrôle » parce qu’offerte au regard du visiteur.

Elle a ses coulisses qui protègent du regard d’autrui tous les gestes de l’habitant qui sont liés au corps (les soins, la sexualité, le sommeil) et ceux qui traduisent l’incessante lutte du propre contre le sale (l’entretien ménager, la lessive) et la transformation des matières (la cuisine). La maison se vit ainsi : entre le montré et le caché, le visibilité et le secret.

L’intimité se cache parce qu’elle est de l’ordre de la profondeur et non de la superficialité. Elle s’ouvre parfois et dans certains lieux, jamais au hasard. C’est pourquoi la mise en danger ou en déséquilibre du chez-soi – un déménagement, une perte à l’occasion d’une séparation, voire une visite imprévue – déstabilise l’habitant et lui fait craindre le dévoilement incontrôlé de son intimité.

Parce que la maison est aujourd’hui, plus que jamais, considérée comme un sanctuaire, toute visite, y compris celle d’un agent immobilier et d’acheteurs éventuels, porte en elle un potentiel d’intrusion.

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