JDA : Comment se porte le marché immobilier ?
Alain Duffoux : Le marché immobilier est directement lié à l’économie française qui ne va pas bien depuis un certain temps déjà. Jusque ces derniers mois, l’immobilier tenait étonnamment le coup mais l’alourdissement de la fiscalité sur les plus-values, applicable depuis le 1er février 2012, a bloqué net les transactions. La demande est toujours là, mais les vendeurs, découragés, y regardent à deux fois avant de mettre leurs biens sur le marché. Le nombre de transactions a chuté de 16 % en un an. Cette baisse semble stabilisée, mais la question est de savoir si on peut espérer une embellie.
CV
52 ans
Carrière. Agent immobilier à Paris VIIIe
(Duffoux Immobilier) depuis 1985.
Président du SNPI depuis 1996.
Hobbye.Voyages, sports, gastronomie.
JDA : Nombre de professionnels prêchent la baisse des prix pour faire repartir le marché. Est-ce la solution ?
A. D. : Comment l’agent immobilier pourrait-il décider de l’évolution des prix ? Ce n’est ni son rôle, ni celui des pouvoirs publics. Quand bien même les prix baisseraient de 15 %, il y aura toujours des acquéreurs qui trouveront le mètre carré trop cher, et des vendeurs qui voudront en obtenir un meilleur prix. C’est la loi du commerce ! Le rôle de l’agent immobilier est d’éclairer les clients, d’apporter une expertise professionnelle pour indiquer le vrai prix.
JDA : Le blocage du marché ne vient donc pas des prix ?
A. D. : Non. Bien sûr, le niveau élevé des prix peut jouer un rôle dans les marchés tendus comme Paris ou l’Ile-de-France, mais il ne faut pas se tromper de débat, le problème est ailleurs. Les Français reportent leur projet immobilier du fait du ralentissement économique et surtout du poids de la fiscalité, notamment avec le régime des plus-values et l’ISF. Prenez également la récente taxe sur les logements vacants, c’est un mauvais signal pour les investisseurs qui ne font pas toujours le choix d’avoir des locaux vides !
JDA : Le gouvernement projette de faire supporter au bailleur la charge intégrale des honoraires de l’agent immobilier. Est-ce une bonne idée ?
A. D. : Il n’était pas urgent, dans la période que nous traversons, de faire une réforme de nature à baisser le chiffre d’affaires de nos entreprises ! Cela va se traduire par une nouvelle baisse des transactions, donc moins d’honoraires pour les agents immobiliers, moins de recettes pour les notaires, moins de chiffres d’affaires pour les entrepreneurs en travaux, moins de ventes de neuf pour les promoteurs… Et à l’arrivée, aussi, moins de recettes pour l’Etat. Tout est fait pour dissuader les Français d’investir dans la pierre.
JDA : Que conseillez-vous à vos adhérents ?
A. D. : De mettre un point d’honneur à voir le verre à moitié plein. Il y a toujours des transactions – notamment pour les biens de standing et ceux en dessous de 200 000 €, ce qui n’est pas le cas chez certains voisins comme l’Espagne ou le Portugal où le marché s’est arrêté net. Chaque patron d’agence doit rester vigilant sur sa situation financière, faire le dos rond, ne pas lâcher le manche. Et commencer à s’habituer à travailler avec un volume de transactions moindre… L’important, dans un premier temps, est de réduire le volant de charges. Cette année, peu d’agents immobiliers paieront de l’IS, très peu auront des résultats positifs.
JDA : Que préconisez-vous ?
A. D. : Nous avons besoin de mesures fiscales de nature à fluidifier le marché. Il faut alléger la fiscalité sur les plus-values, remettre la déductibilité des intérêts d’emprunt, repenser une vraie TVA sociale, sécuriser le paiement des loyers en rendant la GRL obligatoire, redonner de la confiance aux ménages. Il faut aussi desserrer certaines contraintes. J’ai demandé par exemple aux pouvoirs publics de supprimer l’obligation d’affichage des honoraires en vitrine : 80 % des infractions relevées par la DGCCRF concernent le défaut d’affichage auquel les agents commerciaux dépendant de réseaux nationaux ne sont d’ailleurs pas tenus.Les honoraires sont mentionnés sur Internet, cela devrait suffire.
JDA : Comment voyez-vous la mission du SNPI ?
A. D. : Notre seule préoccupation est de défendre les intérêts de nos confrères. Même si nous n’arrivons pas toujours à faire bouger la fiscalité française face à l’idéologie des politiques, nos négociations avec le gouvernement sont souvent couronnées de succès. Hot-line juridique permanente et illimitée, assurances à tarifs négociés, formation du chef d’entreprise et de ses collaborateurs, vitrine Internet, nous apportons nombre de services utiles à nos adhérents moyennant une cotisation forfaitaire de 592 €. Nous apportons également une visibilité avec un visuel d’appartenance à un syndicat reconnu au niveau national et européen.
JDA : Les agents immobiliers français doivent-ils sortir des frontières?
A.D. : Bien sûr ! Les agents immobiliers du reste de l’Europe interviennent en France, pourquoi la réciproque ne serait-elle pas possible ? Nos confrères doivent être capables de guider les investisseurs qui souhaitent saisir des opportunités à l’étranger. Il faut développer l’intercabinet européen ! Nos relations avec diverses associations d’agents immobiliers dans le monde sont également là pour faciliter les contacts.
Propos recueillis par Ariane Artinian