JDA : L’immobilier se porte mal. Assiste-t-on au dégonflement d’une bulle immobilière ?
Christophe Pinault : Le marché connaît certes un fort ralentissement depuis près d’un an. On ne peut pour autant pas parler de bulle immobilière, le besoin en logements des Français n’a jamais été si élevé ! L’allongement de la durée de a vie, l’augmentation du nombre de foyers monoparentaux, la multiplication de la double résidence soutiennent durablement la demande.
En 2007, avec l’université de Paris Dauphine, nous avions chiffré les besoins de construction à 500 000 logements par an. Ce seuil n’a jamais été atteint. Et, depuis, chaque année le déséquilibre entre l’offre et la demande s’accroît.
Pourquoi exclure un scénario de baisse brutale des prix à l’instar de ce qui se passe en Espagne ou de ce qui est arrivé aux États-Unis ? La situation française est différente dans la mesure où le besoin structurel de logements nous met à l’abri d’un effondrement. En sus, Le rôle de l’agent immobilier doit évoluer contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, où l’on prêtait en misant sur une hausse continue des prix, en France, la politique d’octroi d’un crédit immobilier est très encadrée. Elle passe, en effet, par une étude approfondie de la capacité qu’a un ménage à rembourser son crédit en fonction de ce qu’il gagne. Une précaution qui évite une hausse artificielle des prix.
En France, le désir d’être propriétaire est-il toujours aussi fort ? Il ressort d’une étude du Crédit Foncier-Opinion Wayurle premier logement que 92 % des Français non propriétaires souhaitent le devenir. Si le passage à l’acte est difficile aujourd’hui, c’est qu’ils sont victimes du ralentissement économique. Ils sont inquiets pour l’avenir.
Sans parler des banques qui ne prêtent plus…Je serai beaucoup plus nuancé ! Au Crédit Foncier, notre production de crédit habitat devrait tout de même s’élever à 7 milliards d’euros cette année, contre 7,6 milliards en 2011. La crise de a dette et les contraintes réglementaires de Bâle III ont sans doute ralenti la production de crédit : – 30 % sur les huit premiers mois de 2012 par rapport à la même période en 2011. Avec Bâle III, les banques ont désormais l’obligation d’adosser les durées de refinancement sur les durées des crédits octroyés. Elles ont, par conséquent, davantage de difficultés à se refinancer sur des durées longues, et ont donc tendance à limiter la production de crédit sur des durées supérieures à vingt-cinq ans, ce qui peut exclure du marché une partie des accédants.
Comment se manifeste ce durcissement des conditions de crédit ? En notre qualité d’établissement spécialisé dans les financements immobiliers, nous avons toujours été extrêmement vigilants dans l’analyse des dossiers. Nous continuons à financer des projets à 100 %, mais nous faisons attention à ce que le bien ne soit pas surévalué, à ce que la structure de revenus du foyer soit stable et à ce qu’il n’y ait pas eu d’incidents bancaires sur le compte. Nous pouvons en outre être amenés à racheter un crédit auto ou un crédit révolving au moment du prêt immobilier, pour avoir une dette claire.
Comment voyez-vous l’évolution des taux d’intérêt ? Ils n’ont jamais été aussi bas depuis l’après-guerre, et il est sans doute peu probable de les voir baisser davantage. Lutte contre l’inflation et politique de la BCE obligent, ils devraient toutefois rester à ces niveaux très attractifs au cours des prochains mois. À long terme en revanche, ils ne peuvent que remonter. Aujourd’hui, les banques doivent faire leur métier et restaurer la confiance pour que les décisions d’investissement soient prises.
Comment les agents immobiliers peuvent-ils aider leurs clients pour décrocher un financement ? Le rôle de l’agent immobilier doit continuer à évoluer progressivement vers le conseil financier. Il faut aider les ménages à déterminer leur enveloppe financière le plus en amont possible. L’immobilier reste une valeur sûre sur une longue durée. Les prix peuvent baisser à la marge ici et là, mais escompter une forte baisse est un mauvais calcul. Continuer à être locataire en attendant une hypothétique baisse des prix, dans la mesure où l’on a les moyens de faire autrement, c’est continuer à payer des loyers à fonds perdus. Nous tablons sur un ajustement des prix de -5 à -10 % en province et de 1 % à Paris, où ils vont juste cesser d’augmenter.
Quels conseils donner aux candidats à l’accession ? Il faut les inciter à devenir propriétaires le plus jeune possible et leur expliquer que le plus important aujourd’hui n’est pas de gagner 0,1 % de taux d’intérêt mais de réussir à obtenir un crédit sur la durée adaptée à leur situation et donc qui ne contraigne pas trop leur budget. Décrocher un crédit de 50 000 euros à 3,4 % au lieu de 3,5 %, par exemple, permet de réaliser une économie de 7 euros par mois, alors que ’allonger sur vingt ans, au lieu de quinze, peut réduire un budget de 200 euros par mois. On a longtemps diabolisé l’allongement de la durée du crédit Il ne faut pas être dans l’excès ni dans un sens ni dans l’autre. Quel intérêt pour un jeune ménage à revenu modeste de devenir propriétaire sur quinze ans si cela ampute trop son train de vie ? De toute façon, les nouvelles générations savent gérer leur budget et elles n’ignorent pas qu’elles devront travailler plus longtemps. Elles rechercheront donc à accéder à la propriété mais sur une durée adaptée à leur style de vie…