La maison connaît régulièrement des attaques d’urbanistes et de politiques. Elle serait devenue le symbole de l’emprise de l’homme sur la nature, du gaspillage des ressources énergétiques et de l’empreinte foncière, nuisible à la biodiversité. En filigrane c’est aussi un combat de représentations qui s’opère. La maison est le symbole de la ruralité, de l’habitat individuel voire individualiste, aujourd’hui supposément dépassé quand l’appartement éco-conçu, symbole de l’habitat urbain, collectif, est paré de vertus : densification du bâti et optimisation des ressources comme aiguillon de la politique du logement.
Ce constat n’est pas totalement faux, mais faut-il pour autant en finir avec les maisons ?
Un refuge dans le monde moderne et un héritage familial
Qu’est-ce qu’une maison ? Le terme latin originel, manere, signifie l’endroit où l’on s’arrête, où on l’on demeure. Il a donné les termes ménage (encore utilisé par l’Insee pour désigner la famille) et ses dérivés, déménager, aménager, etc. Dans sa traduction occitane oustal, il signifie recueillir, recevoir et qui a donné les termes hôtel et hôpital. La maison est donc depuis les origines, porteuse de notre ancrage et de notre lien avec l’espace et avec les autres. La maison, c’est une matérialité vivante, l’antithèse du hors-sol.
Une maison, c’est un bien qui s’ancre dans le temps de la famille, dans une lignée qui se raconte, un bateau des souvenirs disait Carl Jung. C’est aussi un territoire où elle prend place, durablement, un terroir qui façonne les habitants. La maison offre un foyer, la chaleur du feu de cheminée et de la famille qui l’environne, qui l’accueille et la protège.
C’est un abri contre les méfaits du temps et une protection contre les exigences du quotidien, un chez-soi qui met à l’abri des autres, offre des moments de répit et des espaces de replis. Un espace poétique de rêverie pour Gaston Bachelard. Mais la maison est aussi une réalité, une partie intégrante du monde, de la planète et de son destin. Cette connexion s’opère notamment grâce au jardin qui l’entoure, en symbiose avec la nature.
La maison offre un rapport symbolique et direct à la terre, à son travail et à son rythme.
La biodiversité à l’épreuve de la densification urbaine
Densifier au maximum, optimiser les ressources et accroître les logiques de métropolisation fournit une réponse fonctionnelle, apparente, aux défis environnementaux. Mais c’est davantage parce qu’elle laisse des espaces sauvages, vierges de construction qu’elle favorise en creux la biodiversité.
Ce type de politique urbaine casse le lien, direct et manuel, à la terre. Elle tend à « artificialiser » les cerveaux en insufflant l’idée d’une nature intellectualisée, abstraite et idéalisée. Or, un sol non artificialisé ne génère pas forcément une riche biodiversité. L’inverse est également vrai : une maison avec jardin peut générer de la biodiversité.
Déplacer le débat vers la re-naturalisation des sols permet de ne pas opposer systématiquement artificialisation du bâti et espaces de biodiversité. La maison et le jardin, vecteurs de biodiversité Une équipe de scientifiques a montré qu’une faible densité d’habitats individuels est corrélée positivement à la richesse de la biodiversité des oiseaux (Sushinsky J. et al., 2013).
La vision hygiéniste des années 60 orientée vers l’utilisation de pesticides et herbicides est révolue. Le contrôle total de la nature n’est plus à la mode et le round up a disparu des habitudes. Les bouleversements environnementaux obligent à changer radicalement de regard, à adopter rapidement de nouvelles pratiques, réellement durables.
Des initiatives concrètes pour un habitat écologique
Et des solutions existent. Celles des constructeurs de maisons de qualité (matériaux durables, énergies positives, etc.), celles des élus des espaces résidentiels, en charge des refuges de la biodiversité locale (haies naturelles plutôt que parpaings, prairies fleuries plutôt que pierres et béton d’agrément, espaces d’eau, etc.). Et celles des propriétaires de maison individuelle.
Comment introduire la vie dans le jardin ? Comment alterner belles pelouses et zones de biodiversité non tondues ? Comment changer le regard sur la faune et la flore partagée avec les insectes et les animaux ? Comment installer des micro-habitats pour insectes ou chauve-souris ? Comment installer des corridors écologiques éducatifs ? Bref, des initiatives sont à l’oeuvre partout et acquérir de nouvelles manières de penser, de nouveaux réflexes et une nouvelle expertise sont les piliers de la stratégie politique « d’empowerment » écologique du propriétaire. La maison et le jardin doivent redevenir des espaces de fierté d’un habitat respectueux et partagé.
Les propriétaires, des acteurs essentiels de la transition écologique qui peuvent être encouragés par les agents immobiliers
Héritier d’une riche tradition de gestion durable de l’espace, le propriétaire d’une maison porte intrinsèquement en lui le sort de la transition écologique. Cette transition se fera grâce à lui, non pas contre lui. Une nouvelle sensibilisation écologique, technique et esthétique, nécessite une approche radicale qui doit être soutenue par les pouvoirs publics et encouragée par les agents immobiliers, professionnels des attentes des habitants.
Cette expertise environnementale est aujourd’hui optionnelle, elle sera demain centrale.