Un constat sans appel quant à la faiblesse de l’offre disponible
- Les 3/4 des Français estiment qu’accéder à la propriété est plus difficile qu’il y a 5 ans (sondage 2023 Harris Interactive).
- Dans le parc existant, 5 millions de passoires thermiques consomment 3 ou 4 fois plus d’énergie que la moyenne des logements, et près d’un ménage sur 6 vit dans la précarité énergétique.
- Les logements visés par l’interdiction de louer, classés E, F ou G dans l’échelle du DPE, constituent plus du tiers du parc locatif privé.
- En matière de production, les deux années passées, marquées par l’explosion du coût des matériaux au moment de la poussée d’inflation, le renforcement des exigences des maires anticipant sur l’échéance de 2050 pour stopper l’artificialisation des sols, la désolvabilisation des acquéreurs du fait de la hausse des taux d’intérêt, ont conduit à un effondrement du nombre des logements mis en chantier, jusqu’à l’étiage de 258 000 unités de l’an dernier.
Des pistes à envisager sur le plan de la construction et de la rénovation
Parmi les solutions imaginées par les deux penseurs en lancement de l’échange, figurent notamment :
- une pause normative, la RE2020 étant déjà soumise à une trajectoire de renforcement en 2025, 2028 et 2031;
- le recours à des boni de constructibilité, la simplification des normes pour les constructions vertueuses au plan environnemental, en particulier la stabilisation des règles de sécurité incendie dans les immeubles en bois bas carbone ;
- une majoration de la puissance du prêt à taux zéro pour les logements neufs classés A dans le DPE. On observe d’ailleurs une tendance des banques à offrir des taux préférentiels éco conditionnés.
En ce qui concerne la rénovation énergétique :
- la stabilité des aides pendant une période de 3 à 5 ans est attendue…après 3 modifications de MaPrimeRénov en 2024;
- un statut fiscal incitatif du bailleur rénovateur;
- l’intégration dans les 42 heures de formation continue des agents immobiliers et des administrateurs de biens de 10 heures dédiées à la transition écologique;
- la création d’un label « expert en rénovation » pour valoriser les professionnels engagés.
Relancer la construction sans dépenses budgétaires
L’idée de se servir beaucoup plus du bonus de constructibilité séduit les penseurs. Elle figurait d’ailleurs dans le rapport Rebsamen de 2021 pour la relance de la construction durable. Plusieurs boni existent déjà, par exemple, pour construire sur des friches ou pour produire des logements sociaux.
En revanche, les communes n’accordent le bonus qu’au terme d’une délibération et il vaudrait mieux inverser le dispositif pour rendre le bonus acquis de droit, sauf décision contraire motivée.
La simplification au coeur des solutions pour accélérer l’offre
Simplifier, c’est d’abord mettre les obligations en cohérence. Ainsi, à ce jour, le respect de la RE2020 ne mène pas forcément à la construction de logements classés A.
Les acteurs de la filière de la construction aspirent à une approche plus humble de la part des pouvoirs publics en faisant davantage confiance aux professionnels. Selon cette logique, les avis négatifs du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) sur des projets de texte réglementaires devraient en bloquer la parution. En contrepartie, le CSCEE doit agir, sans corporatismes, qui compliquent la réglementation et augmentent les coûts de production
Plus généralement, les normes de construction ont besoin d’être simplifiées pour que les prix de sortie des logements collent davantage à la solvabilité des ménages.
La loi ESSOC a instauré le permis de faire, fondé sur l’objectif plus que sur les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre. Il est trop peu utilisé.
L’innovation comme levier à actionner pourmieux construire
L’innovation en matière de construction est forte en France, mais elle doit inspirer davantage les pratiques des promoteurs et des constructeurs.
- C’est avec cette volonté de populariser les progrès techniques, dont le recours à des matériaux plus performants sur le plan énergétique tel le bois, que la Fédération des promoteurs immobiliers a créé une commission innovation.
- D’évidence, l’intelligence artificielle peut aussi apporter à la production pour la maîtrise des coûts et l’augmentation de la qualité.
- S’agissant de l’emploi du bois, matériau vertueux à tous égards, dont Woodeum, aujourd’hui dans le giron d’un grand promoteur national, est un pionnier, il faut accélérer la mutation des pratiques : un urbanisme de projet faisant à ce matériau une place importante est la condition d’un développement puissant de cette innovation.
Aménagements réglementaires et fiscaux pour booster la rénovation
- Débrider les aides disponibles accélérerait la massification de la transition environnementale. MaPrimeRénov devrait ainsi être accessible aux propriétaires d’immeubles locatifs entiers.
- Même si l’on peut comprendre la nécessité de l’austérité budgétaire, l’exclusion de l’ancien avec travaux en zone tendue du PTZ est regrettable. La généralisation à tout le territoire aurait dynamisé la rénovation écologique des biens.
- Le calendrier des interdictions de louer est national, et il serait utile de porter des regards différenciés sur les territoires. En particulier, il est souligné que le rapport entre le coût des travaux et la valeur des biens est variable selon les localisations, modifiant l’équation qui mène vers la valorisation des biens. Selon l’attractivité des territoires, les actions à mener, sinon les aides à déployer, devraient être ajustées. La réforme portée par la loi Climat résilience n’a pas fait de place à l’appréciation géographique des situations.
- Intégrer désormais au process de recherche de prêt le financement des travaux de redressement de la performance énergétique est nécessaire. Les visites de biens anciens mal classés devraient comporter l’évaluation des travaux à engager. Les banques conditionnent de plus en plus l’acceptation du crédit, voire l’enveloppe consentie, à la vertu écologique du bien. Elles proposent pour beaucoup d’entre elles des enveloppes globales comprenant le prix du logement et le coût de sa rénovation.
- Il est urgent que paraisse le décret d’application de la récente loi sur les copropriétés dégradées instituant une nouvelle formule de prêt collectif et il importe que ces prêts, lorsque les banques auront bâti une véritable offre, permette le financement de l’assistant à maîtrise d’ouvrage financier lorsqu’il y est recouru par la copropriété.
- Les penseurs insistent aussi sur l’insuffisante capacité du tissu des entreprises en bâtiment à rénover. La formation des artisans doit s’accentuer et le label RGE (reconnu garant de l’environnement), sans baisser son exigence, doit être moins tracassier sur le plan administratif.
- Les organisations professionnelles de la construction travaillent de plus en plus sur l’activité de rénovation de l’existant, qui constitue un relais de croissance des entreprises et une voie d’avenir eu égard aux objectifs de sobriété foncière. Elles accompagnent les promoteurs et les constructeurs dans cette évolution, et elles le font sur le terrain, en les formant à la vente d’immeubles à rénover (VIR) et aux questions corollaires d’assurances spécifiques.
- La fiscalité pourrait à bon droit être utilisée pour accélérer la transition écologique du parc résidentiel, en devenant éco conditionnée. Les propriétaires qui engagent des travaux significatifs devraient par exemple voir leur taxe foncière minorée. Plus largement, la condition fiscale des bailleurs parmi les propriétaires, dans le cadre d’un statut à venir, doit prendre en considération leurs efforts vers la vertu énergétique. L’État pourrait même les exonérer d’encadrement des loyers ou les autoriser à des plafonds majorés.
Enfin, les penseurs ont identifié comme essentielle la question foncière, désignée comme le thème du prochain dîner-débat. Elle conditionne en effet aussi bien la relance de la construction abordable que la rénovation énergétique, à la fois moyen de la mobilisation de l’existant pour modérer les besoins de production nouvelle et levier de l’attractivité territoriale de nature à rendre rationnelle la valorisation du patrimoine déjà là.
Le Club des penseurs SeLoger rassemble plus de 80 professionnels décideurs de l’écosystème immobilier. Étaient présents au dîner de février proposé par Henry Buzy-Cazaux (IMSI, parrain du Club) et Baptiste Capron (SeLoger) : Emma Freyd (Optimmo) et Maxime Lanquetuit ( Woodeum & Pitch Immo) intervenant en introduction des échanges ainsi que Didier Bellier-Ganière (FPI), Manon Brauge (M2J Avocats), Bernard Cadeau (Listigo), Gwenaël Cernay (Hexaom), Pierre de Buhren (Empruntis), Danielle Dubrac (UNIS), Anthony Esposito (Maisons Berval), Alexandra François-Cuxac (AFC Promotion), Sylvain Grataloup (UNPI), Sarah Kroichvili (SeLoger), David Lacroix (Maisons Berval), Thomas Lefebvre (SeLoger), Pierre Leroy (French Proptech), Sandra Marsaud (Députée / Urbaniste), Jérôme Revy (Consultant spécialiste Proptech et ConTech), Lydie Rodriguez (Elyade), Céline Torres (Groupe Torres, Pôle FFB Habitat), et Isabelle Wanclik (SeLoger).