Agents immobiliers : combien de visites faut-il pour convaincre ?

La question de savoir combien de visites prévoir avec un client pour concrétiser une vente est récurrente chez les agents immobiliers. Vaut-il mieux viser une sélection réduite mais pertinente, ou multiplier les options pour maximiser les opportunités ? La réponse à cette interrogation n’est jamais simple. Éclairage de Nathalie Gardes.

Couple with real-estate agent visiting house for sale

Cibler juste ou tout montrer ? Le dilemme de la visite immobilière

Limiter les visites à deux ou trois biens très ciblés présente l’avantage de rendre la prise de décision plus facile pour l’acheteur. Cette approche limite la confusion et favorise une prise de décision rapide, à condition de bien connaître les besoins, les critères et les attentes parfois implicites du client. « Moins de choix équivaut à moins de renoncement ».

D’un autre côté, proposer un large choix de biens permet de maximiser les chances de conclure une vente avant qu’un concurrent n’intervienne. Cependant, cette stratégie peut mener à une « surcharge cognitive » : plus il y a de choix, plus la prise de décision devient difficile, chaque option entraînant des « coûts d’opportunité » (1)… Cette situation peut prolonger le processus de vente et créer de la confusion et de la frustration chez l’acheteur, réduisant ainsi la qualité de l’expérience d’achat.

Les recherches en marketing immobilier montrent que l’efficacité de la stratégie adoptée dépend non seulement de l’expérience de l’acheteur, de sa confiance en son propre processus de prise de décision mais également des règles de décision qu’il applique.

Acheteurs expérimentés : précision et concision

Pour les acheteurs expérimentés, la précision prime sur la quantité. Ces acheteurs ont généralement une perception claire de ce qu’ils recherchent.

Ces clients ont des critères bien définis, recherchent des informations factuelles, et préfèrent des visites concises et ciblées. Une approche sélective de biens répondant rigoureusement à leurs exigences est ici à privilégier afin de ne pas entacher la relation de confiance entre le client et le professionnel. Des visites inappropriées seraient en effet perçues comme le reflet d’un manque d’écoute, de professionnalisme, voire même un défaut d’éthique si l’acheteur a le sentiment que le vendeur cherche davantage à atteindre ses propres objectifs de vente qu’à répondre aux besoins du client.

Acheteurs novices : large sélection et accompagnement personnalisé

Pour les acheteurs novices, l’approche est différente. Ils ont besoin d’un accompagnement plus approfondi, de temps pour comprendre le marché et pour découvrir leurs propres préférences. Ces acheteurs ne disposent pas toujours de préférences préétablies et les construisent au cours de leur parcours d’achat (2) au fur et à mesure de la découverte des différentes options (3).

Dans ce contexte, l’agent immobilier agit comme un révélateur de préférences, guidant l’acheteur à travers divers choix pour affiner ses besoins réels. En posant les bonnes questions, en identifiant les incertitudes, en proposant des compromis, et en fournissant des exemples concrets, l’agent aide l’acheteur à clarifier ses attentes et à prendre une décision en toute confiance.

Règles de décision : un impact sur le nombre de visites

Le nombre de biens à visiter doit être adapté aux processus décisionnels des acheteurs. Les règles de décision appliquées par chaque acheteur influencent fortement le nombre de visites nécessaires (4). Il est essentiel de respecter ces règles afin de ne pas dégrader l’expérience de l’acheteur.

Règle compensatoire, compromis équilibré

Les acheteurs utilisant une approche compensatoire sont ouverts à considérer un bien dans sa globalité. Ils acceptent qu’une faiblesse sur un critère (par exemple, une surface légèrement inférieure aux attentes) puisse être compensée par une force sur un autre (comme un prix attractif ou un emplacement privilégié).

Cette approche encourage la visite d’une variété de biens pour trouver le meilleur compromis, même si ceux-ci ne correspondent pas exactement à tous les critères initiaux.

Règle conjonctive : filtrer les biens selon les critères minimaux

Les acquéreurs appliquant une règle conjonctive définissent des critères minimaux pour chaque aspect de la propriété et éliminent les biens qui ne répondent pas intégralement à ces exigences. Il convient dans ce cas de limiter le nombre de visites aux seules propriétés qui satisfont scrupuleusement les critères établis.

La présentation de biens ne remplissant pas les critères minimaux pourrait altérer l’expérience d’achat en suscitant frustration et insatisfaction.

Règle lexicographique : priorité absolue à un critère

Le client hiérarchise les critères par ordre d’importance et se focalise exclusivement sur les biens qui se distinguent par leur excellence sur le critère jugé primordial.

Ici encore, présenter des biens qui ne respecteraient pas ce critère principal suscitera de l’insatisfaction chez l’acquéreur et impactera la qualité de la relation.

Conclusion : adapter sa stratégie à chaque client

En conclusion, un agent immobilier doit s’engager pleinement dans une démarche centrée sur le client, en accordant une attention particulière aux mécanismes sous-jacents qui guident ses choix. Cela nécessite non seulement une écoute attentive des besoins exprimés, mais également une exploration des critères décisionnels qui influencent les préférences de l’acheteur.

Cette compréhension approfondie permet d’adapter la stratégie de visite de manière plus fine et ciblée, augmentant ainsi la pertinence des biens présentés et favorisant une relation de confiance. L’efficacité de l’accompagnement dépend donc de la capacité de l’agent à personnaliser son approche et à établir une dynamique collaborative où les décisions du client sont respectées et valorisées.

Ce niveau de compréhension et d’adaptation est fondamental pour garantir une expérience fluide et satisfaisante, propice à la conclusion d’une transaction positive pour toutes les parties impliquées.

 


1) Schwartz, B. (2015). The paradox of choice. Positive psychology in practice : Promoting human flourishing in work, health, education, and everyday life, 121-138.

2) Payne, J. W., Bettman, J. R., & Johnson, E. J. (1993). The Adaptive Decision Maker.

3) Slovic, P. (1995). The construction of preference. American psychologist, 50(5), 364.

4) Gibler, K., & Nelson, S. (2003). Consumer behavior applications to real estate education. Journal of Real Estate Practice and Education, 6(1), 63-83.

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Nathalie Gardes: Nathalie Gardes est Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux, elle est titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches. Elle publie dans différentes revues scientifiques en marketing stratégique. Responsable de la licence professionnelle métiers de l’immobilier option transaction et commercialisation de biens immobiliers à l’IUT de Bordeaux, elle dispense des cours en stratégie et marketing immobilier.